Quel est le point commun entre Mark Zuckerberg et Bill Gates ? Outre leur appartenanceà la communauté restreinte des milliardaires, ils ont en commun d’avoir tous les deux abandonné leurs études pour créer une entreprise. Ces success stories ont créé une sorte de légende autour des entrepreneurs qui abandonnent les bancs de la fac.[hr]

Mais la réalité est pourtant souvent plus complexe que le storytelling. Pour ma part, lorsque j’ai parlé de Learn Assembly à une des responsables de mon école, j’ai obtenu comme réponse: "le temps des études n’est pas le moment approprié pour créer votre entreprise : il vous faut d’abord valider le cours de Statistiques et Comptabilité". Comment les entrepreneurs étudiants vivent-ils au quotidien ? Contrairement aux Etats-Unis, le diplôme conserve en France un statut central, socialement et professionnellement. Être diplômé, c’est l’assurance d’un statut, d’un revenu, d’un confort. Ou du moins ça l’était.

Anticiper le métier d'entrepreneur

Comme l’explique Marc-Antoine Durand, étudiant à Sciences-Po en Affaires Publiques et qui en est déjà à sa deuxième start-up, "je n'avais pas anticipé que je serai entrepreneur à plein temps et c’est arrivé. Je m’en suis rendu compte ensuite". Pendant ses premières années d’études, Marc-Antoine participe à la webradio de son école puis travaille pour France Culture. Jusque là tout va bien. Pris par le virus, il crée avec son associé Pierre Brouder une webradio. Fort de ce succès, le projet évolue et deviendra Bobler, le premier réseau social vocal. "On fait ça par passion tout en étant ambitieux sur les résultats qu’on veut obtenir".

Pour Marc-Antoine "potasser des bouquins de finance après avoir travaillé 12 ou 13h "n’est plus vraiment une priorité". Il a eu la chance de pouvoir aménager son emploi du temps avec le soutien de l’équipe pédagogique de son école. Même son de cloche du côté d’Alexandre Dana, co-fondateur de Learning Shelter : "Dès le début, le projet était ambitieux, il allait demander des renforts et des investissements".

Les étudiants d’écoles privées et de grandes écoles sont aujourd'hui poussés à se professionnaliser le plus tôt possible. Dès lors, pourquoi faire un stage si on peut tout de suite créer sa boite ? Ce qui n’est qu’une idée devient un projet, projet qui rassemble une communauté, trouve un modèle économique et devient une entreprise qui génère des revenus et se développe.

La déscolarisation des entrepreneurs

Le glissement vers la "déscolarisation" s’opère de façon discrète mais rapide. Cette déscolarisation par le haut n’est pas toujours bien perçue par les proches et les institutions administratives. Les parents se représentent l’entreprise de leurs enfants comme une lubie, un caprice qui passera quand il faudra remplir le frigo. Pour Alexandre Dana, "ça dépend des semaines : c’est fou comment un article dans la presse suffit à les rassurer! Mais partager notre réalité au quotidien reste assez difficile".

Les étudiants entrepreneurs correspondent en fait à une tendance de fond de la société : la concurrence sur le marché du travail et la possibilité de se former rapidement aux métiers du Web incitent des jeunes de se lancer rapidement et leur permettent de réussir. Les entrepreneurs sont mieux vus socialement, le Web a le vent en poupe. Les réseaux sociaux ont aboli la distance sociale entre les gens et permettent de se faire connaître sans argent. Enfin, la qualité des structures d’accompagnement aux jeunes entreprises, comme les incubateurs et les accélérateurs y est également pour beaucoup.

Learning Shelter a intégré Blue Factory, Bobler est à l’incubateur de Sciences-Po et Learn Assembly à celui d’HEC. Tous les entrepreneurs peuvent se faire accompagner par des personnes plus expérimentées. Même si on est loin du modèle de Stanford qui investit dans les startups de ses étudiants, les choses avancent.

Les écoles et les startups

Il est probable quand dans les prochaines années, de plus en plus de startups sortiront des campus universitaires, avec ou sans leur soutien d’ailleurs. L’entrepreneuriat est souvent une question de hasard, de rencontres faites au bon moment. Si les universités pouvaient aider, ce serait encore mieux. Même si le fossé entre administration et étudiants reste très fort, les choses évoluent tranquillement.