Recruter des talents à l’ère de la transparence est un véritable défi. Hymane Ben Aoun, fondatrice du cabinet Aravati et Joe Wiggins, Head of Community Europe chez Glassdoor ont écrit cet article pour défricher le sujet et donner quelques pistes pour construire une marque-employeur forte à l'ère des réseaux sociaux et de Google.


Recruter les meilleurs profils a toujours été l’obsession des départements RH. Avant le web participatif, il suffisait d’afficher des messages de puissance sur papier glacé pour attirer des candidats hors pair. La communication était « descendante », dans les mains d’une poignée de professionnels qui embellissaient à loisir la réalité des produits et des solutions de l’entreprise, mais également la réalité humaine. Ces campagnes de publicité nourrissaient tous les canaux de l’entreprise, et assuraient une vitrine irréprochable.

« Les temps ont changé, et profondément modifié le paysage du recrutement, commente Hymane Ben Aoun. D’une communication "top-down" , nous sommes maintenant dans l’ère de la conversation : les salariés s’expriment sur leur vie au bureau, les candidats les contactent via les réseaux sociaux afin de leur poser des questions sur la réalité de l’entreprise, et compilent ainsi des informations fondamentales pour leur prise de décision ».

« Ce qui a changé, c’est que l’internaute a désormais les moyens de se renseigner sur l’entreprise dans laquelle il va passer un entretien. Le web a permis le développement d’un outil fondamental de démocratie : la transparence », ajoute Joe Wiggins.

Le renouveau de la marque-employeur

Cette notion existe finalement depuis très longtemps dans l’écosystème RH, mais d’une donnée statique et contrôlable par les communicants, elle est devenue une notion sensible et cruciale pour les recruteurs, et les recrutés !

La souplesse du management, l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, la possibilité de télétravail etc. sont autant de sujets RH qui ont été introduits par les pure players du web. « On se souvient des locaux déments de certaines startups de la baie de San Francisco, que nous avons découvert il y a quelques années, se souvient Hymane Ben Aoun. Ces jolies photos étaient en fait autant d’éléments qui nourrissaient la marque-employeur, et qui ont rapidement traversé l’Atlantique ». Car certains talents, et les talents digitaux en première ligne, sont sur-sollicités… les marques doivent trouver des moyens pour faire venir à elles les meilleurs d’entre eux, sans miser uniquement sur les avantages salariaux, qui ne suffisent plus. « Le nouveau consommateur est un acheteur averti. Il se renseigne on line avant de louer une chambre d’hôtel ou de réserver une table dans un restaurant. Et il cherche bien sûr un maximum de renseignements sur l’entreprise dans laquelle il va passer les prochaines années de sa vie ! », plaisante Joe Wiggins.

C’est cette marque-employeur, compilation de données abstraites et concrètes, de sensations et de lectures, qui va finalement décider l’internaute à signer un contrat pérenne et fructueux avec une entreprise.

De l’authenticité, pas de la cosmétique

« Dans certains cas, nous publions une annonce avec la marque du client pour lequel nous cherchons un candidat, et une annonce aveugle dans un autre media. Si la marque employeur est mauvaise, nous recevrons pléthore de candidatures de qualité pour l’annonce en marque blanche, et quelques mauvais CV pour l’autre… preuve que les candidats sont non seulement très bien renseignés, mais qu’ils sont très influencés par cette notion de marque-employeur !, raconte Hymane Ben Aoun. LeBonCoin ou AlloResto travaillent très bien leur marque-employeur, et les candidats sont toujours partants pour aller passer un entretien chez eux »

Mais qu’est-ce qu’une « mauvaise » marque-employeur ? Contrairement à l’idée qu’on peut s’en faire, il ne s’agit pas nécessairement d’une entreprise dans laquelle les salariés sont sous-payés ou maltraités. La marque-employeur ne remplit pas ses objectifs quand elle vante des valeurs qui ne lui correspondent pas, qu’elle met en avant des insights qui ne font pas partie de son ADN, ou  tout simplement quand elle ne communique pas sur elle. « C’est un ‘motto’ chez Glassdoor : nous répétons aux entreprises qu’elles doivent absolument parler d’elles, sinon quelqu’un le fera à leur place », ajoute Joe Wiggins. Il ne s’agit donc pas de construire des plans de communication de recrutement qui vont coûter des millions de dollars, mais de communiquer sur des vrais sujets, tels qu’ils sont vécus dans l’entreprise.

« Consumer centric », pour les RH aussi

Le nouveau consommateur, quand il achète une paire de baskets, est placé au centre des préoccupations – et des mécanismes – de la marque. Car cette dernière a pris en compte le fait qu’il zappe entre plusieurs écrans, qu’il compare les prix avant d’acheter etc. Dans les process de recrutement, ce sont les mêmes données qui rentrent en compte. La marque-employeur parfaite n’existe pas. Mais il existe des valeurs qui vont faire rêver des individus, mais qui vont en éloigner d’autres.

« Je pense à une grande marque française, qui a la réputation – justifiée – de ne pas prendre soin de l’épanouissement personnel de ses salariés. Cette donnée va effrayer certains candidats, mais les perspectives de carrière proposées en interne sont incroyables… c’est cet insight qui séduira d’autres candidats » conclut Hymane Ben Aoun.

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