Tendance forte dans toutes les industries, l’impression 3D s’attaque également à l’agroalimentaire. Rencontre avec les experts David Desrousseaux, fondateur de Koppaz et Bertrand Busson, cofondateur de wiShape à l’occasion de la sortie du MaddyInsights Food & Tech.


Lorsque l’on parle d’innovation culinaire, cela tourne essentiellement autour de nouveaux aliments et de la façon de les consommer. Pourtant l’une des plus grandes évolutions à venir sera certainement celle de la conception de ces aliments. Avec l’impression 3D, c’est toute la chaine de valeur qui est remise en cause. Demain face à la pénurie de certaines matières premières et aux enjeux écologiques, nos assiettes seront certainement fournies d’aliments imprimés depuis la cuisine.

Comment fonctionne l’impression 3D alimentaire ?

Pour fabriquer un aliment, l’imprimante 3D a besoin de deux choses. D'un fichier informatique, contenant un dessin en 3D, et de matière. Cette matière, à l'état liquide ou de poudre,  est généralement intégrée dans la machine sous forme de cartouche, ou extrudée dans une bobine. Demain, aux côtés de dosettes de cafés vous trouverez certainement des cartouches pour imprimer un repas saint à base de légumes, et peut-être même votre pâtisserie favorite.
Une fois que le fichier est transmis à l'imprimante, la machine dépose le(s) aliment(s) par couches successives pour concevoir un dessin en chocolat, un objet en sucre, un chewing-gum ou une pizza.

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Mais à quoi sert l’impression 3D concrètement ? Gagner du temps en cuisine ? Non ce n'est pas (encore) le cas. Les machines sont encore trop lentes pour remplacer l'humain ou d'autres procédés de fabrication.

« Il faut 20 minutes pour écrire un prénom en chocolat en 3D, hors installation et paramétrage de la machine. Contre quelques secondes pour obtenir un café dans une machine à dosette », remarque David Desrousseaux, fondateur de Koppaz

Concevoir quelque chose d’impossible à reproduire à la main alors ?
Effectivement. Une animation en tête de gondole chez Mark & Spencer, par exemple, qui consistait à écrire le prénom d'un enfant dans la police d'écriture de Coca-Cola aurait été très compliquée à réaliser à la main.

« Le digitalisation de l'impression 3D alimentaire permet de personnaliser facilement et rapidement (15 minutes environ) un dessin unique... et consommable », ajoute David Desrousseaux.

Aujourd'hui, on utilise surtout l'impression 3D alimentaire pour orner des plats (gâteaux, etc.). On peut effectivement faire des choses très jolies, comme ici avec l’école de design culinaire de Reims.

Si l'on considère que l'impression 3D alimentaire consiste à déposer par couches successives des aliments fondus, tous types d'aliments pourraient alors être imprimés. Comme pour un milkshake, les aliments sont transformés, pour leur donner ensuite une nouvelle forme : les aliments ne sont pas transformés biologiquement parlant. Le goût ne change donc pas, les vertus non plus.

Un marché naissant que se disputent déjà quelques acteurs. Encore embryonnaire, ce marché est largement expérimenté par les laboratoires de la NASA et du MIT. Sur le plan commercial, différentes startups et autres constructeurs se sont lancés comme le britannique ChocEdge avec sa fameuse ChocCreator (3500€), Natural Machines et sa Foodini (1200€), le géant 3D Systems et sa ChefJet Pro (7000€). On pourrait aussi citer la Gumlab, spécialisée dans l’impression de Chewing-gum.

« Les acteurs en place n’ont que deux à trois ans d’existence. Avant de se livrer une bataille commerciale, il faudra d’abord une évangélisation de la grande distribution avec des événements pour tester les concepts et les produits », explique Bertrand Busson, co-fondateur de wiShape

Quelles sont les prochaines étapes avant une utilisation massive ?

Ce marché est encore trop anecdotique et trop peu fiable pour être utilisé par le grand public ou les professionnels, excepté pour de l’ornement. Nous n’en sommes encore qu’au stade de R&D. Le seul business existant aujourd'hui est celui de l'événementiel.

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A moyen terme, l’impression 3D grand public ne devrait pas percer. En effet, pour faire fonctionner une imprimante 3D alimentaire, il faut remplir des cartouches de matières. Cela nécessite donc une action au préalable pour ensuite concevoir sa nourriture.

« Je pense que les gens sont paresseux, et préfèrent acheter du surgelé où un plat préparé, le déposer deux minutes au four à micro-ondes... et c'est tout », observe Bertrand Busson.

Pour devenir indispensable l’imprimante 3D alimentaire devra atteindre trois objectifs :

1. Devenir plus rapide
2. Être conçue "tout-en-un"  et inclure des fonctions de chauffe, comme un micro-ondes, etc.
3. Faire en sorte que les aliments soient déjà traités avant impression, pour être simplement déposés dans les cartouches, sans qu'il faille effectuer une action supplémentaire de la part de l'utilisateur.

Malgré tout, l’imprimante alimentaire est pleine de promesses. Elle ne consomme que ce que vous avez programmé, ce qui est une des bases des technologies additives. Dans un futur proche, des machines feront certainement des plats complexes avec zéro déchets et parfois dans des lieux hostiles comme une station spatiale ou sur Mars.