Une couche de big data, une couche d’intelligence artificielle et une voix suave : les services vocaux interactifs répondront bientôt à toutes les requêtes des usagers. Une source d’économie et d’efficacité pour les villes. Jusqu'à quel point ?

Vous connaissez Siri, la voix d’Apple qui répond à toutes vos questions. Siri est un chatbot ("agent conversationnel"), une interface d’intelligence artificielle qui rend la technologie quasi "invisible" derrière une conversation avec un interlocuteur. L’essor de ce type de service, dont certains prédisent qu’il signera la mort des applications mobile, est exponentiel : il devrait être multiplié par 15 d’ici 2023. Les entreprises ont vite intégré ce nouvel outil dans leur stratégie marketing. Mais un autre acteur mise dessus pour faire sa révolution : la ville connectée.

"Le temps de la paperasse et des formulaires en ligne est révolu"

Dans le district d’Enfield, au nord de Londres, c’est une charmante Amelia qui oriente les 24 000 habitants dans le dédale des services municipaux. Amelia n’est pas une employée de la mairie : c’ est un robot doté d’une intelligence artificielle et d’une voix humaine. Les résidents de Kongsvinger en Norvège, peuvent questionner Mia sur le nombre de places en crèche ou les spécialités des hôpitaux. Dans la même idée, l’application "Buddy Krefeld", qui a remporté en septembre 2016 le hackathon de la région Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Allemagne) oriente les habitants sur les questions administratives, par exemple quel formulaire remplir pour quel service. A Singapour, le gouvernement s’est allié à Microsoft pour une plateforme de services vocaux intelligents. "Le temps de la paperasse et des formulaires en ligne est révolu", s’enthousiasme Vivian Balakrishnan, le ministre en charge de la Smart Nation Initiative.

Plus astucieux encore. Dans le Vermont, le compte Twitter automatisé Dirty Water VT détecte les fuites ou les contaminations sur le réseau d’eau potable et avertit les habitants. Le compte PermitBot, à Chicago, publie lui les permis de construire ou de démolition en direct, avec un lien vers une page contenant tous les détails : montant, adresse, plan, promoteur, impacts possibles sur le paysage urbain, etc.

Plus rapide pour les usagers, plus économique pour les communes

En France aussi, les municipalités sont tentées. "Paris et Rouen nous ont déjà contactées", assure Thomas Sabatier, le fondateur de The ChatBotFactory. Sa startup développe des services de conversation intelligente pour les entreprises et collectivités. Elle lancera bientôt un service gratuit de géolocalisation de bornes de recharge électrique et planche sur de nouveaux sujets, comme un agenda culturel qui proposera des idées de sorties selon vos goûts.

"Entre 40 et 60% des requêtes des utilisateurs ne nécessitent aucun raisonnement, comme trouver l’horaire d’ouverture d’une piscine ou l’adresse d’une déchèterie". Des tâches pour lesquelles le robot est parfaitement adapté. C’est bien plus pratique que d’aller fouiller dans les centaines de pages d’un site web, assure Thomas Sabatier. En plus, le service est disponible 24 heures sur 24, là où les horaires des administrations sont parfois limités. Dans certaines communes rurales, la mairie n’est ouverte que quelques heures par semaine !

Gagnant pour les usagers et gagnant pour les mairies, alors que le personnel représente 40% des dépenses des communes en 2016 (+80% en 20 ans). "Les employés auront plus de temps pour s’occuper des questions complexes", explique Thomas Sabatier. Encore faudra-t-il qu’ils soient formés pour cela... En tous cas, 56% des Français considèrent déjà les chatbots comme un outil qui simplifiera leur vie à l’avenir, selon une récente étude Do You Dream Up.

Diriger un pays tout entier

Avant de conquérir l’ensemble des municipalités, restent quelques problèmes à régler. La pertinence des réponses laisse parfois à désirer et la fameuse affaire du Bot raciste de Microsoft montre que l’apprentissage de la machine doit être manié avec précaution. On imagine mal un agent municipal, même virtuel, se montrer grossier ou proférer des injures ou des blagues douteuses. Les chatbots ne comprennent pas les forts accents et ont du mal avec l’humour ou les expressions imagées. La qualité de la réponse dépend également de sa base de données associée. Avec ce système, une mise à jour en temps réel est indispensable sous peine de délivrer des informations erronées.

"La technologie est encore jeune mais dans 2 ou 3 ans les bots seront capables de répondre à des requêtes beaucoup plus élaborées

Thomas Sabatier

D’autres ont d’ailleurs des vues bien plus vastes. "On n’invente pas des bots pour commander des pizzas", s’énerve Gabriel Leydon, un entrepreneur de la Silicon Valley à la tête de RTplatform. Lui ambitionne d’inventer des chatbots "pour diriger un pays tout entier", et vise tous les domaines, des transports à l’énergie en passant par la santé. Sa technologie est capable de répondre à des centaines de millions de requêtes par seconde, prétend Leydon. Infiniment plus que les échanges boursiers par exemple. Il imagine donc une sorte de chatbot prenant lui-même ses décisions en fonction de ce que lui disent les utilisateurs et de sa base de données. Lors d’une visite officielle, le système décidera par exemple de fermer tous les parkings et les rues à proximité, détaille-t-il.

"Demain nous bâtiront un réseau digital et interactif constituant un miroir numérique du monde réel"

Gabriel Leydon

Ce jour-là, les 36 000 maires de France pourront songer à leur retraite.

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