L'application de rencontres Once, lancée en France à la fin de l’année 2015 mais dont les équipes se partagent entre Pfäffkon et Londres, a décidé de se relocaliser à Paris. Son fondateur, Jean Meyer, explique pourquoi.

Français, né à Paris, j’ai grandi à Toulouse. La plus grande partie de ma vie d’adulte et d’entrepreneur s’est, en revanche, principalement déroulée à l’étranger. Si l’expatriation peut parfois être un choix de vie, il n’en demeure pas moins qu’il fait bon vivre en France ! Cependant, lorsque nous avons fondé Once, avec Guillaume Sempé et Guilhem Duché, rester dans notre pays n’était pas envisageable.

Pourquoi Londres a initialement éclipsé Paris ?

Une startup est une équipe de professionnels et de talents motivés par un projet commun. Or, le succès d’une entreprise dépend de sa capacité à recruter, ré-inventer et conserver tout son capital humain.

" Pour une startup, Londres présentait des avantages considérables
en termes d’accès aux ressources humaines et financières "

Notre décision fut motivée par trois facteurs :

  1. La possibilité de recruter des talents internationaux: le fait de situer nos bureaux à Londres nous a soudainement rendu attractifs aux yeux d’ingénieurs parisiens ou berlinois, davantage séduits par la perspective de travailler au coeur de la City que par une augmentation de salaire. Grâce à ces talents, Once est aujourd’hui présent dans 7 pays et disponible en 7 langues.
  2. La flexibilité du marché du travail (préavis raccourcis, contrats simplifiés…)
  3. L’accès au capital : tous les plus gros fonds de capital risque au monde ont des bureaux à Londres (Accel, Index, Balderton…)

Néanmoins, si le code du travail anglo-saxon est reconnu pour son extrême flexibilité et sa simplicité, nous ne l’avons jamais considéré comme un instrument, ou un prétexte, pour licencier plus facilement.

" Licencier c’est échouer. Le but d’une startup est certes de recruter les meilleurs
mais surtout de les garder. Se séparer d’un collaborateur sera toujours un échec "

La flexibilité du code du travail anglais nous a servi à attirer et à débaucher plus rapidement mais en aucun cas à licencier. Je reste persuadé qu’un entrepreneur ne devrait se résoudre au licenciement qu’en ultime recours, pour survivre économiquement. Dans le cas contraire, il lui faudrait remettre en question son processus de recrutement. De ce point de vue, les 4 à 8 mois de période d’essai dans le cadre des Contrats à Durée Indéterminée en France apportent, à mon sens, une flexibilité suffisante.

Le code du travail anglais et l’attractivité londonienne nous ont permis de démarrer plus vite et plus fort. Ce que nous avons fait à Londres, nous aurions aussi pu le faire à Paris avec un peu plus de temps et au prix d’un coût d’opportunité plus élevé.

Et le Brexit a été voté…

Même si en soi le Brexit n’a pas techniquement eu lieu et que ses conséquences législatives ne seront appliquées, au plus tôt, qu’en 2019, les conséquences indirectes du référendum ont déjà eu un impact important sur nos opérations.

" L’incertitude autour du statut des ressortissants européens, du cours de la livre Sterling
et des risques inflationnistes de l’économie Britannique nous a privé de nombreux talents "

Je ne compte plus le nombre de développeurs, marketing managers ou data scientists qui ont refusé de nous rejoindre suite au Brexit. Les questions naissantes autour de l’économie anglaise et la place du Royaume-Uni dans l’Europe les avaient refroidis et peu importait le salaire proposé.

Soft ou hard Brexit ? Combien coûtera un sponsoring de visa ? Quel sera le coût de l’inflation et de la dévaluation de la livre Sterling ? L’incertitude est le pire ennemi de l’entrepreneur et le signal envoyé par le Royaume-Uni au travers du Brexit est absolument désastreux.

Et Macron a été élu… 

Avec son élection, un signal fort vient d’être envoyé aux entrepreneurs français. Le gouvernement, par l’intermédiaire de la loi travail, est en train de répondre aux craintes de nos investisseurs, craintes qui représentaient, avec le conseil d’administration, le dernier frein à notre retour en France.

Le contenu des ordonnances, qui a récemment fuité dans la presse, les a rassurés sur l’évolution de la flexibilité du travail en France. Plus spécifiquement, les ordonnances portant sur la rupture conventionnelle collective, le barème des indemnités prud’homales ou les licenciements économiques semblent offrir un vrai garde-fou en cas de difficultés économiques : ces mesures protègent les TPE/PME contre les procédures de compensations abusives qui sont, chaque année, la cause de nombreux dépôts de bilan et, ce faisant, de destructions d’emplois. Mes investisseurs l’ont maintenant bien compris.

Alors oui, le coût du travail est toujours 50% supérieur en France par rapport au Royaume-Uni, mais cela n’a aucune importance. Car le vrai coût, pour un entrepreneur, est le coût d’opportunité ; coût d’opportunité qui, à Paris, est en train de devenir l’un des plus attractifs au monde grâce à un écosystème hyperactif (à l'instar de la French Tech), le Startup visa, l’accès aux capitaux ou l’ouverture sur l’Europe.

Et puis Londres, c’est franchement bof ! 

J’ai vécu à San Francisco, New York, Berlin et Paris et je n’ai jamais vraiment compris l’attrait des Européens pour Londres :

  • En dehors du London Bridge et de Westminster Abbey, l’architecture est comment dire… aléatoire ? déstructurée ? La ville ressemble davantage à un film de Ken Loach ou se perd dans ses clichés hipster. Comparez l’architecture de Londres à celle de Paris, Rome, Venise, Prague, San Francisco, Boston ou Athènes. Il n’y a pas de match.
  • C’est cher, mais vraiment très cher. Plus cher que New York et deux fois plus cher que Paris. Un petit trois pièces dans le quartier “populaire” de Shoreditch ? 4000 euros par mois.
  • Les pubs et le métro ferment à minuit.
  • La météo est fidèle à sa réputation.
  • En hiver, la nuit tombe à 15 heures.

Pour tout cela, thank you London but bye,! So long and thanks for all the fish ! Paris nous voilà !

Tribune initialement publiée sur la page Medium de Jean Meyer