Nous avons créé The Machinery en 2016 avec en tête une approche légitimiste du développement d’applications et de sites. Quand un client vient nous voir en nous disant qu'il a tel ou tel budget et qu'il veut "créer le TripAdvisor/Uber/Airbnb de la beauté/du sport/de l’alimentation...”, notre réponse est invariablement : “quelle est la cible, quelle est la proposition de valeur et savez-vous estimer ce que vous coûtera un téléchargement vs votre revenu par user ?”.

C’est en étant nourri de ces expériences que nous avons décidé de packager notre offre iterate it visant à aider les porteurs et les entreprises à simuler vite et bien leur idée de startup afin de voir si le concept était capable de générer des leads grâce à des Ads Facebook ultra ciblées en mode A/B Test et des sets de landing pages ultra segmentées elles aussi. Comme on est à la fois des petits farceurs et des grands curieux et que l’expérience de Bricool avec Mon Beau Bricoleur nous avait totalement séduit, on a eu très envie de suivre l’exemple en lançant à notre tour un faux concurrent afin d’attirer l’attention sur notre offre. C’est dans ce contexte que Startup-Voyance.com a vu le jour.

Pourquoi startup-voyance.com ?

Notre studio d’innovation propose un accompagnement de la structuration de l’idée d’un projet innovant (think it), en passant par son test (iterate it), son développement (make it) jusqu’à sa diffusion (share it). Le point commun à chaque étape : une approche itérative et centrée utilisateur. Cela dans un seul objectif : réduire le risque d’échec en prenant très tôt en compte les retours qualitatifs ou quantitatifs des potentiels utilisateurs finaux.

On a donc décidé de se créer un faux concurrent, et ce pour plusieurs raisons :

  • Nous avions pour objectif d’augmenter notre notoriété auprès des startups, initialement celles de Station F. Après quelques échanges avec Station F, nous avons compris que nous n’étions pas dans leur cible pour devenir partenaire, nous devions donc trouver un moyen alternatif pour toucher les résidents.
  • Il est toujours plus plaisant de travailler avec des clients qui ont le sens de l’humour. Une campagne basée sur l’humour pouvait potentiellement attirer des clients avec qui il serait agréable de travailler.
  • Au sein de l’équipe nous avions envie de nous amuser sur une campagne de communication drôle et décalée.
  • Nous voulions aussi nous prouver que ce n’est pas parce qu’on fait du BtoB que l’on ne peut pas faire des actions street marketing.
  • Enfin, notre équipe a une appétence naturelle pour le “street art”, comme en témoigne le portrait de notre growth hacker réalisé par notre CEO.

Marketer notre faux concurrent

Notre concurrent devait être particulièrement caricatural tout en pouvant être rattaché, même de manière indirecte, à notre proposition de valeur. Pour le nom a rapidement émergé Startup-voyance.com. Tout était dans le nom..! Côté identité visuelle, il s’agissait de bien utiliser les codes des annonces légendaires de voyants pour que le message passe. Tout allait être dans le décalage entre les annonces voyance à l’ancienne et le jargon tech so disruptif de l’univers des startups. Nous avons donc procédé à un benchmark en bonne et due forme.

Autant vous dire que notre stagiaire marketing chargé de cette mission stratégique a eu des choses à raconter à ses camarades… Notre marketer a su s’imprégner très rapidement de cet univers haut en couleurs pour proposer des pistes très convaincantes. Enfin, comme il s’agissait de promouvoir un concept très décalé, il nous semblait inenvisageable d’utiliser l’image d’anonymes via des banques d’images. Nous avons donc décidé de mettre en scène notre propre équipe. Tant pis pour l’honneur…

Une fois les affiches créées il ne nous restait plus qu’à concevoir le site et la mécanique pour driver du trafic vers notre vrai site. Concernant cette mécanique, nous avons pris le parti de révéler quasi-immédiatement le fake, en expliquant notre activité et en redirigeant vers notre offre.

Le temps de l'action

Une fois le site en place, c’est parti pour l’affichage ! Nous avons fait le choix d’afficher à deux endroits :

  • Station F : nous avons placardé des affiches en format A1 en face de la halle Freyssinet, le mercredi 23 mai au soir, la veille de VivaTech. Un grand moment en équipe et des premiers retours très encourageants des passants qui venaient à notre rencontre ou prenaient une photo. La pression a commencé à monter...
  • VivaTech : nous avons eu recours à une (très) vieille méthode d’affichage : l’affichage sur camion publicitaire. Ce format nous permettait de taper fort à l’entrée du salon : nous nous doutions que nombreux seraient ceux qui chercheraient à attirer l’attention du chaland lors de Viva Technology, EDF ayant par exemple mis les moyens dans les couloirs du métro. Pour pousser notre fake jusqu’au bout, nous voulions un support aussi décalé (dans le cadre d’un salon technologique, nous trouvions que l’utilisation d’un camion publicitaire ne manquait pas d’ironie) que voyant et donc efficace. Un camion publicitaire allait donc tourner de 9 heures à 17 heures, pendant toute la durée du salon, avec l’instruction de stationner devant l’entrée autant que possible.

Le jeudi matin, nous étions à la fois impatients d’avoir les premiers résultats et en même temps en plein doute : c’était la première fois que nous cherchions à ce point à attirer l’attention. Notre opération pouvait-elle être mal perçue ? À l’issue de la première journée, nous commençons à être tagués par nos potes et comprenons que pour ce qui est de retenir l’attention, l’opération est efficace. Nous sommes heureux de voir que l’idée a su capter l’attention, avec comme retour une perception plutôt positive, la blague étant plutôt bien reçue dans l’ensemble.

Côté fréquentation du site, nous faisons une bonne première journée avec plus de 350 visites. La photo est publiée sur reddit france et va se placer dans le Top 3 pendant deux jours, les publications sur LinkedIn se multiplient et la photo circule sur différents groupes Facebook pertinents pour notre audience, le trafic augmente rapidement au cours de la journée.

Nous observons que le temps moyen passé sur le site est de 8,04 minutes, néanmoins nous voyons sur inspectlet que les gens semblent rester un peu sur leur faim une fois arrivés sur le site. En termes de redirection vers notre site, nous sommes satisfaits de constater qu’un tiers des visiteurs se rendent sur notre site pour découvrir qui sont les plaisantins. En revanche cela génère assez peu de lead. Faisant l’hypothèse que les internautes souhaitent en voir davantage sur le site Startup Voyance et que notre page de destination, trop sérieuse, n’est pas encore assez optimisée, nous décidons de pousser un peu plus la blague sur le site en apportant davantage de contenu et revoyons également le contenu de la landing de notre offre iterate it sur le site de The Machinery.

Une fois arrivé sur startup-voyance.com, deux possibilités s’offrent désormais aux curieux : consulter l’horoscope de son projet d’entreprise ou lire la croissance dans les lignes de son marché. Nous avons voulu être les plus propres possibles en évitant de demander des données personnelles. Il aurait été très facile de faire un bad buzz le premier jour de l’application de la RGPD en collectant de manière sauvage des mails… D’autant que la qualité des leads générés via startup-voyance allait être de toute façon assez aléatoire. Attirer l’attention, ok, mais en évitant d’aller à l’inverse de la directive mise en application le même jour. Concernant ce questionnaire, on a d’ailleurs été très surpris de voir que plus de 650 personnes ont répondu.

En améliorant l’expérience sur le site, nous espérions augmenter l’impact de notre campagne en favorisant le partage du site lui-même et générer des sortes de viral loop (jusqu’ici le trafic direct représentait 82% du trafic, c’est surtout le partage de photos du camion et des affiches de station F qui généraient des visiteurs), tout en laissant quelques liens vers themachinery car nous avions quand même plus de 30% de clic entre startup-voyance.com et notre site originel. Dans la foulée, nous avons également remanié notre site et ajouté des liens vers nos comptes LinkedIn (BizDev et CEO) afin de favoriser une prise de contact plus douce et incarnée.

Tout au long de la journée du vendredi le trafic a continué de grimper, à un rythme bien supérieur: 1150 visiteurs le vendredi. Dans la journée du lundi nous avons eu également une publication sur brainmag.

L'heure du bilan

In fine, nous avons réussi à driver du trafic plutôt efficacement sur le site Startup Voyance ainsi que sur notre page iterate it. Côté génération de leads, les performances se sont avérées très décevantes, en dépit d’un trafic relativement élevé pour notre site et malgré nos efforts pour générer davantage de leads en optimisant notre landing. Cette campagne a plutôt généré de la notoriété, en associant la marque The Machinery à une forme d’audace et en réussissant à faire connaître notre offre iterate it auprès de notre persona (temps moyen passé sur la page autour de 2 minutes). Nous avons également eu des prises de contact étonnantes, par exemple une représentante d’un fonds d’investissement de tout premier plan nous a donné un feedback très positif sur cette campagne.

Concernant le budget de l’opération, nous avons dépensé en tout 1515 euros HT : 1500 euros HT pour le camion publicitaire et 15 euros pour les affiches. Nous n’avons pas valorisé le temps que nous avons chacun passé sur l’organisation, mais une chose est sûre : même les plus sceptiques dans notre équipe ont pu apprécier de participer à cette improbable campagne. Ce fut un moment très agréable à partager en équipe et également une très bonne occasion de mesurer notre capacité à gérer de l’optimisation marketing sur une période de 3 jours dans des conditions intenses.

À la fin de la campagne, la page Startup Voyance avait enregistré plus de 4000 sessions pour près de 3800 utilisateurs uniques. 12% des utilisateurs ont visité l’horoscope de leur projet et 24% ont souhaité voir la lecture de la croissance de leur startup. Point très positif : 33% des utilisateurs ont visité la page iterate it sur The Machinery, soit plus de 1250 utilisateurs.

Ce que nous avons appris

  • Utiliser des supports à contre-pied peut permettre d’attirer l’attention.
  • Nous aurions dû jouer le jeu jusqu’au bout et laisser planer un plus grand mystère sur l’origine du fake.
  • Notre approche ne nous a pas permis de générer une grande quantité de leads. Soit ce n’est pas une communication adaptée pour générer des leads (humour décalé, public plutôt accaparé par le salon VivaTech, notre service n’a pas convaincu nos visiteurs de l’intérêt de s’inscrire...). Soit l’enjeu était plutôt de faire connaître une offre et une marque et nous observerons potentiellement dans les mois à venir des ventes plus rapides ou des appels entrants grâce au gain généré par cette petite notoriété.
  • Quels que soient les résultats, l’expérience valait le coup d’être menée pour ce qu’elle a permis de faire vivre à l’équipe.
  • Nous avons reçu au même moment quelques candidatures spontanées et la page jobs a été souvent visitée !

Post initialement publié sur le site de The Machinery