Comment se porte l'écosystème européen de la FoodTech ? Comment se place la France face aux autres pays ? Quelles sont les catégories les plus porteuses ? Quels sont les pays leaders ? Autant de questions auxquelles DigitalFoodLab et ses partenaires, Sopexa, Vitagora, Eutopia et la CCI Paris Île-de-France, ont tenté de répondre dans une nouvelle étude fraichement parue

Celle-ci, basée sur les résultats de près de 1700 jeunes pousses européennes du secteur de la FoodTech entre 2014 et le premier semestre 1018, dévoile ainsi l’ensemble des investissements réalisés sur le continent européen depuis 2014 avec un traitement géographique, par catégories et par types d’investissements.

4,2 milliards d’euros investis dans les startups européennes de la FoodTech entre 2014 et 2018 mais....

Et des opérations, il y en a à foison ! Si certains anticipaient un ralentissement dans le secteur, il n'en est rien de tout ça. Au total, ce sont 4,2 milliards d’euros qui ont été investis en 999 levées de fonds entre 2014 et 2018. Parmi les opérations recensées, 434 levées ont dépassé les 500 000 euros, et 33 les 20 millions d’euros.

Autant d'opérations qui permettent à la FoodTech européenne de représenter aujourd'hui 16% des investissements mondiaux dans ce secteur. Si le chiffre n'est pas surprenant aux vues de la représentation de la population européenne dans le monde (un peu moins de 10% de la population mondiale en 2015), elle l'est pourtant au regard du poids de l’industrie agroalimentaire européenne dans le marché mondial (25%).

Enfin, sans surprise, c'est le secteur du Delivery & Retail qui concentre le plus de levées de fonds (37%), ainsi que la majorité des montants investis (80%), devant les catégories Foodservice (27% des deals), AgTech (18%) et Foodscience (17%). Des chiffres portés, en très grande partie, par les levées de fonds des trois licornes Delivery Hero, Hello Fresh et Deliveroo.

....60% des investissements détenus par seulement trois startups

Car dans les 4,2 milliards d’euros levés ces quatre dernières années, 2,5 milliards l'ont été uniquement par ces trois startups sur des fonds privés (avant leur introduction en bourse). L'allemand Delivery Hero a ainsi bouclé un impressionnant tour de table de 387 millions d'euros en 2017, tandis que l'anglais Deliveroo annonçait, coup sur coup entre 2016 et 2017, deux levées de fonds de 246 millions et 324 millions d'euros. Enfin, l'allemand Hello Fresh bouclait de son côté une opération de 85 millions d'euros en 2016.

Quatre opérations qui placent l’Allemagne et le Royaume Uni comme les deux leaders du secteur en Europe, devant la France, les Pays-Bas, la Suède, la Suisse et l’Espagne. Les 40% des fonds levés restants, correspondant à "seulement" 1,7 milliards d'euros, sont ainsi partagés entre les startups restantes du secteur.

Et la France dans tout ça ?

Avec 341 levées de fonds réalisées entre 2014 et le premier semestre 2018 pour un montant global de 501 millions d'euros, la France a, de loin, l'écosystème FoodTech le plus actif, en comparaison avec ses voisins allemands (64 opérations et 137 millions d'euros hors Delivery Hero et Hello Fresh) et anglais (223 opérations pour 348 millions d'euros hors Deliveroo).

Pourtant, si l'hexagone concentre le plus grand nombre de levées de fonds (176 levées de plus de 500 000 euros), celui-ci peine par la suite à transformer ses "petites" startups en champions internationaux. Ainsi, le pays ne peut se targuer d'avoir que trois opérations dépassant les 20 millions d'euros (Frichti avec 30 millions d'euros en 2016 ou encore Wynd avec 30 millions également en 2016), sur les 33 bouclées en Europe.

Une difficulté qui s'explique par une compression des séries A dans l'hexagone, une fois les startups arrivées à maturité. Si la part de seed est constante en France, permettant de financer de plus en plus de petites startups, il est plus difficile par la suite de trouver 1 ou 2 millions d'euros de financement. Les investisseurs disent ne pas trouver de startups dans lesquelles investir ce montant, et, à l’inverse, les startups peinent à trouver des investisseurs. 

"Si en Allemagne, on met beaucoup d’argent dans peu de startups, en France, à l'inverse, on met un peu d’argent dans beaucoup de startups. C'est symptomatique du pays, on retrouve ça dans plusieurs écosystèmes", expliquent les fondateurs de DigitalFoodLab, à l'origine de cette étude. La solution ? Le rachat : "Les nombreux rachats de startups françaises avant qu’elles ne soient matures donne une partie de l’explication du paradoxe français : beaucoup de levées sur des montants moyens mais une absence de champion de dimension internationale", ajoutent-ils.

Et ce n'est pas les exemples de rachats qui manquent dans l'hexagone : Quitoque, racheté par Carrefour en 2018, FoodChéri par Sodexo en 2018 également, ou encore LaFourchette par TripAdvisor, pour près de 110 millions d'euros.

En comparaison, l’Allemagne obtient 42% des investissements pour un nombre assez réduit de startups, mais qui sont des géantes qui s’exportent. Le Royaume-Uni présente, quant à lui, l’écosystème le plus équilibré avec une croissance constante du montant des investissements obtenus depuis 2014.

"Les investisseurs prennent moins de risques en FoodTech car beaucoup de jeunes pousses y ont un potentiel intéressant mais limité. Mais les les rachats sont une vraie raison d'être optimistes : les industriels se mettent à investir dans certains projets, et cela va vraiment aider l'écosystème à décoller", explique Matthieu Vincent de DigitalFoodLab, avant de conclure "Il y a un vrai besoin d’expertise dans l’écosystème français".