Portfolio par Denis Fages
23 juillet 2019
23 juillet 2019
Temps de lecture : 8 minutes
8 min
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La supériorité de l'intelligence artificielle : l'arnaque du siècle

L'intelligence artificielle n'est-elle qu'une coquille vide ? Denis Fages, président de VideoTelling, alerte sur la nécessité de ne pas prêter à cette technologie des vertus qu'elle n'a pas - et ne pourra jamais avoir.
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Republication du 30 juillet 2018

J’entends trop de bêtises concernant l’intelligence artificielle. Je travaille dans le digital learning et il ne se passe pas un jour sans que je lise des délires à propos du cerveau et de la mémoire. On nous dit - dans les médias et cela est répété sur les réseaux sociaux - que les ordinateurs vont “penser”, “imaginer”, “créer”. On nous dit qu’ils vont rendre l’humanité obsolète. Que nous allons bientôt rejoindre les autres espèces éteintes comme l’homme de Neandertal. Et si, au lieu de vendre des lendemains apocalyptiques, on essayait de faire un peu de pédagogie ?

Big DataBot is watching you

C’est 1984 qui frappe à notre porte. Ce sera rapidement notre futur… si on accepte que les GAFA conditionnent notre existence en "faisant la prédiction de nos désirs pour nous faciliter nos vies". Toutes ces belles intentions, c’est du bullshit. Ce n’est qu’un discours marketing pour vendre des leads à des marques en analysant vos données. On nous met dans des cases pour piloter des scénarios de marketing comportemental.

Ceux “qui ne savent pas” sont en extase devant la puissance des ordinateurs. Déjà en 1968, un super calculateur battait la majorité des êtres humains en calcul. Cinquante ans plus tard, en 2018, alors que les voitures autonomes débarquent sur nos terres et les drones dans nos cieux, truffés de capteurs et d’IA, on en est toujours au même point. Les ordinateurs calculent certes plus vite que les êtres humains. Mais ils ne sont pas du tout intelligents.

Qu'est-ce que l'intelligence ?

Prenez un dictionnaire et vous verrez qu’il existe à peu près une dizaine de définitions de l’intelligence. En voici quelques-unes : "faculté de comprendre, de ne pas se méprendre sur le sens des mots, la nature des choses et la signification des faits" ; "activité volontaire et réfléchie de l’homme s’exerçant d’une façon normale en vue de la connaissance et s’opposant à l’instinct" ; "aptitude, capacité particulière, don pour une activité" ; "adresse, habileté, et s’applique surtout au choix des moyens employés pour obtenir un résultat" ; "correspondance, communication entre des personnes qui s’entendent l’une avec l’autre ; connivence". Dans les dérivés, le dictionnaire propose l’intelligence créative, l'intelligence du cœur, l’intelligence émotionnelle, l’intelligence pratique…

Alors, quand on parle d’intelligence artificielle, de quoi parle-t-on ? L’encyclopédie Larousse indique que l’on désigne par IA “l'ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence”. Lorsque Deeper Blue bat Garry Kasparov aux échecs, en mai 1997, on oublie une évidence. Seul Garry joue vraiment. Deeper Blue, lui, calcule ! L’ordinateur le plus perfectionné ne fera jamais rien d’autre que ce que son concepteur a prévu qu’il fasse. Point. On peut simuler l’apprentissage et l’intelligence, dans la mesure où l’on a programmé la machine à emmagasiner des données et à prendre des décisions avec. Mais ce n’est qu’une simulation.

Ce que nous faisons… en un millième de seconde

À y regarder de près, l’intelligence artificielle est plutôt stupide. Celui qui croit qu’un ordinateur peut penser plus vite ou mieux que lui est en fait en train de se dévaloriser en tant qu’être. J’ajouterai qu’il ne sait pas grand-chose sur lui-même. Beaucoup de gens s’identifient à leur corps, confondent l’esprit avec le cerveau et se considèrent eux-mêmes comme des machines.

Prenons le temps d’analyser vraiment notre potentiel. Quand nous pensons à des sujets complexes, comme élaborer une stratégie marketing, voici ce que nous faisons :nous analysons des dizaines de données ; nous les évaluons, les comparons, les sélectionnons selon leur importance ; nous utilisons des milliers de connaissances accumulées sur toute notre vie, ainsi que notre éducation ; nous tenons compte de nos sentiments pour toutes les parties impliquées ; nous évaluons les conséquences pour chaque personne impliquée à court et long termes ; nous faisons une prédiction de tous les scénarios possibles, selon leur probabilité ; nous éliminons toutes les mauvaises solutions et nous choisissons au final ce qui nous semble créer le maximum de bien pour nous, notre famille, notre groupe, notre entreprise, mais aussi peut-être pour notre pays, pour l’humanité et la planète… Et nous faisons cela en une microseconde, des milliers de fois par jour, à chaque fois que nous prenons une décision.

Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?

C’est le titre original du roman de Philip K. Dick à l’origine du film Blade Runner. Et c’est la grande question. Un être humain peut chanter sous la pluie. Il peut, en dépit du bon sens et de la logique, peindre le plafond de la chapelle Sixtine. Il peut élaborer une philosophie pour tenter de saisir l’existence. Il crée à longueur de journée et une bonne partie de la nuit. Est-ce que quelqu’un a pensé à demander à Sophia - le citoyen robot d’Arabie Saoudite - ce qu’elle pensait de la peinture de Picasso ou du son de Daft Punk ? Le meilleur des algorithmes du monde ne pourra jamais penser plus vite et mieux qu’une personne saine d’esprit. Et il ne créera rien.

Bien sûr, on peut simuler la création. On peut la programmer. On peut recombiner des créations et des ajouts, selon une séquence aléatoire savamment programmée… par son programmeur. Le créateur, le programmeur, sera toujours celui qui anime la machine. Cette création n’aura rien à voir avec les motifs, les intentions, les motivations et les émotions d’un être humain, artiste ou non.

Comprenez bien que l’intelligence artificielle repose sur les sciences cognitives. Or, celles-ci ont l’ambition (ce qui ne veut pas dire qu’elles y arrivent) de modéliser la perception, l’intelligence, le raisonnement, les émotions et même la conscience. Moi, je pense aux bouddhistes qui passent leur vie entière à méditer pour atteindre un niveau de conscience plus élevé. Et je me demande à quoi ressemblerait un algorithme qui intégrerait cette aspiration : atteindre un état d’être supérieur.

“Science sans conscience...”

J’aborde directement cette notion de conscience spirituelle, car le risque avec les IA, c’est que la petite minorité des scientifiques matérialistes fassent prévaloir leurs idées étriquées sur la nature de l’Homme. On finirait par croire que nous ne sommes qu’un ensemble de connexions synaptiques, entourés d’un squelette et de quelques muscles… Bref que nous ne sommes que des machines… et donc qu'une machine très puissante peut nous battre !

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.” Rabelais nous avait prévenus. La propagande a commencé et elle va s’intensifier : “une machine pensera mieux que l’Homme, car elle n’aura pas d’émotion. Elle fera moins d’erreurs. Une machine fera de meilleurs choix. Une machine pourra mieux…” Stop ! Le vrai danger qui nous guette, le véritable enjeu de l’IA et de la robotique, c’est d’éviter les scénarios à la Matrix ou à la Terminator. Bien-sûr, on peut parler d’éthique, de lois de la robotique…

Mais encore plus profondément, il y a une révolte à mener. Et c’est de ne pas être d’accord avec le fait qu’une machine puisse devenir supérieure à l’Homme. Non pas en empêchant de faire de puissantes machines, mais en reconnaissant la puissance de chaque être humain. Car “les machines sont supérieures à l’Homme” ne pourra devenir vrai que dans la mesure où certains humains arriveront à en convaincre tous les autres qu’ils ne sont que des machines, de vulgaires bouts de viande, pris dans la grande roue de la vie.

L’IA est un leurre. Les vrais bons programmeurs le savent. L’intelligence est le propre de la vie. De ce qui anime la vie. L’homme peut tenter d’en faire une pâle copie. Mais la machine ne surpassera jamais son maître.

Le combat du siècle

“Big Data Bot contre Bouddha”, c’est le match entre l'avènement de l’âge des machines et une renaissance spirituelle de l’humanité. D’ailleurs, un jour peut-être, aurons-nous une philosophie qui réconciliera la science et la spiritualité. Big Data Bot gagnera face à l’Homme uniquement si celui-ci laisse ceux qui ont déjà succombé lui mentir sur sa nature, son potentiel et son passé. Personnellement, je n’ai aucunement l’intention de me faire dicter mes actes par une machine. C’est en martelant aujourd’hui, haut et fort, que l’homme est une conscience, un être spirituel et qu’un ordinateur n’est qu’une machine inerte que l’on peut empêcher une dérive qui nous pend au nez.

Le plus beau robot du monde doté de l’IA la plus perfectionnée n’est qu’un bout de métal sans âme. Il n’a d’intérêt que comme outil perfectionné me permettant de mieux utiliser mon intelligence et mon corps. Et seulement, s’il m’aide à développer mes compétences. C’est d’ailleurs une bonne chose que se développe actuellement la cobotique (robotique collaborative qui vise à produire des robots assistant l'Homme).

Pour l’amour du ciel, arrêtons de croire à toutes ces balivernes sur la puissance de l’IA. Vous êtes une intelligence, une conscience. Vous êtes un esprit créatif dont la profondeur est abyssale. Et votre potentiel en tant qu’être spirituel est un milliard de fois plus grand que celui de n’importe laquelle de ces foutues machines !