Republication du 31 janvier 2020

Et si le produire local était une manière de renouer avec une dynamique économique (sous entendu dans ces territoires délaissés) " questionne de manière rhétorique Arnaud Montebourg, en introduction de sa prise de parole à la Maddy Keynote 2020. Pour l’ancien ministre de l’Economie, la concentration de la richesse dans certaines entreprises et la perte de contrôle des consommateurs sur le système économique sont à l’origine d’un mouvement de rébellion mondiale. Ce mécontentement se traduit dans les urnes mais aussi dans la rue comme en témoignent les multiples manifestations menées à Hong Kong, au Liban, en France  avec les gilets jaunes, ou encore en Algérie. Si le facteur déclencheur n’est pas le même, le constat à l’origine de cette rébellion est le même : " la société n’est pas d’accord sur l’allocation des richesses "  martèle Arnaud Montebourg. Et sur cet échiquier, le consommateur a son rôle à jouer.

Payer au juste prix : un acte de rébellion !  

Dans les années 60, l’alimentation représentait 30% du budget total des ménages. Aujourd’hui, ce taux a chuté de moitié pour atteindre les 15 à 17%. L’industrialisation et la concurrence étrangère ont fait baissé les prix jusqu’à étrangler certains agriculteurs.  Mais un vent nouveau pousse désormais un retour à un " juste " prix ou, tout du moins, une meilleure rétribution de ces acteurs qui nous nourrissent. En 2018, le commerce équitable a affiché une croissance de 22% en France. Et les marques de producteur comme C’est qui le Patron ? connaissent un succès fulgurant. Le beurre bio vendu par cette dernière a devancé tous ses concurrents en à peine quelques mois. Pourtant, ses produits sont plus chers. Les producteurs laitiers sont, en effet, payés 3 centimes de plus le litre, ce qui représente un gain extrêmement important pour eux. " Il s’agit d’une vraie solidarité qui s’installe entre le consommateurs et les producteurs " estime Arnaud Montebourg. 

La (re)localisation, un modèle duplicable

Ce modèle, qui a prouvé sa viabilité, peut être généralisé à l’industrie et aux services également. L’entreprise  1083, qui commercialise des jeans Made In France, illustre bien les propos du ministre. " Le tissage, la confection, les pièces détachées et la teinture sont tous fabriqués en France. Seul le coton ne l’est pas car le pays n’en produit pas " explique Arnaud Montebourg. En réintégrant toutes les composantes de la chaîne de production en France, la marque a (re)créé des emplois qui avaient complètement disparu du pays en raison des délocalisations. 

Le projet réussit car il est compétitif, la marque utilise les technologies numériques et distribue elle-même ses produits, sans intermédiaire. Résultat, leur chiffre d’affaires explose " se réjouit l’ancien ministre qui a décidé de s’inspirer de cette success story.

Du ministère aux ruches, le combat du Made In France se poursuit 

Bleu Blanc Ruche, startup montée par l’ancien ministre, a pour objectif de créer un système d’entraide économique entre le consommateur et l’apiculteur. En achetant un miel français de la marque, le client fait un choix responsable en acceptant de payer son pot de miel à un tarif plus élevé. En contrepartie, l’apiculteur s’engage à réaliser un plan de repeuplement de ses ruches. En 3 ans, 45 apiculteurs sont passés sous contrat. 

Et le politicien reconverti ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Le lancement d’une marque de glace réalisée directement chez le producteur de lait est déjà en cours. Au final, ce modèle devrait permettre de créer de nouveaux emplois en revalorisant directement le terroir français. "Désormais, le consommateur ne fait pas qu’acheter mais vote également avec sa carte bleue " estime Arnaud Montebourg qui voit dans chaque achat un acte d’engagement potentiel. 

Ces (nouveaux) modèles de consommation, qui reviennent au goût du jour, permettent de reconnecter les centres de production et de décision. La bipolarité des consommateurs, dont " un cerveau pensait à son pouvoir d’achat et l’autre à son envie de mieux manger et mieux protéger nos producteurs "  est en train de s’effacer au profit d’un engagement et d’une rébellion qui profitent à nos territoires.