En 2019, 40 % des entreprises individuelles ont été créées par des femmes. Un chiffre quasi stable depuis 2015, mais néanmoins en augmentation depuis une trentaine d'années (elle était de 29 % en 1987 et de 33 % en 2000). À côté de ça, la loi Copé Zimmermann dont l'objectif était de féminiser les conseils d’administration des grandes entreprises cotées a porté ses fruits : la féminisation des conseils atteint 45% du SBF120 post-AG 2019, imposant la France parmi les meilleurs standards internationaux, selon le Baromètre IFA-Ethics & Boards de septembre 2019.

De bonnes nouvelles ? Oui, si l'on met de côté la représentation des femmes dans les domaines de l'investissement et de l'actionnariat. Politiques et acteurs de l'économie déploient en effet beaucoup d'énergie, depuis quelques années, afin de promouvoir la place des femmes dans l’économie, oubliant complètement l'intérêt de leur donner également les clés pour se positionner dans les domaines financiers.

Un constat qu'à pointé du doigt Femmes Business Angels, qui à l'occasion de la 3ème édition du Winday, le forum de l’investissement au féminin, publie un livre blanc sur le sujet. Et les chiffres révélés sont, sans surprise, sans équivoque : une étude menée par Air Liquide et Actionnariat en 2018, baptisée Les Millennials et Xennials et l’investissement en entreprise, indique ainsi que 86% des actionnaires individuels interrogés sont des hommes. Côté business angels, même constat, puisque seulement 10% de ceux-ci sont des femmes. Enfin, les femmes représenteraient seulement 20% des effectifs au sein des comités exécutifs dans le capital-investissement en France. Un chiffre qui s'établit à 25% au sein des équipes d’investissement, "avec une forte disparité selon les grades, la proportion de femmes baissant au fur et à mesure qu’elles progressent dans la hiérarchie", précise Femmes Business Angels.

Des causes évidentes

Mais comment expliquer ces chiffres ? Selon Femmes Business Angels, les causes sont diverses, mais relèvent logiquement de la place donnée aux femmes dans la société depuis toujours. Ainsi, un plus faible patrimoine, notamment financier, et des revenus inférieurs, empêcheraient les femmes de se positionner dans l'investissement. Ces dernières touchent en effet 18,5 % de moins que les hommes, selon l’Insee, à temps de travail égal, bien évidemment.

Ajoutez à cela des biais culturels et éducatifs évidents : longtemps, c'est l'homme qui a été en charge de la gestion des finances du foyer. Les femmes n'ont d'ailleurs eu l'autorisation d'ouvrir un compte en banque en leur nom et à travailler sans le consentement de leur mari qu'en 1965. Il y a à peine 50 ans, donc. Deux ans plus tard, elles étaient autorisées à entrer à la Bourse de Paris. Une émancipation financière tardive, qui explique en partie la difficulté des femmes à s'imposer dans le domaine de la gestion financière.

Enfin, les femmes sont plus sensibles au risque, et investissent donc moins facilement : une étude de Gunther Capelle-Blancard, Jézabel Couppey Soubeyran et Antoine Rebérioux publiée dans la Revue de la Régulation en 2019, intitulée Vers un nouveau
genre de finance ? indiquait ainsi que : "Les femmes semblent manifester une plus grande aversion à l’égard du risque. Elles se disent plus prudentes, tandis que les hommes sont plus nombreux à aimer l’aventure, la nouveauté et les défis. [...] Les choix de placements s'orientent plus vers des placements sûrs pour les femmes. [...] Cette défiance envers les placements risqués s'exerce naturellement au détriment des actions."

Quatre solutions formulées

Pourtant, les études sont formelles : la mixité dans les équipes permet aux structures de superformer. Le rapport Women matter, Ten years of insight on gender diversity, publié en 2017, révélait notamment que sur 300 entreprises analysées, celles qui comptent le plus de femmes dans leur top management dégageaient des performances économiques largement supérieures aux autres entreprises.

Afin d'accompagner la montée des femmes dans l'investissement et l'actionnariat, Femmes Business Angels s'est ainsi adossé à plusieurs acteurs économiques, entrepreneurs et entrepreneures afin de poser sur le papier quatre propositions d'actions :

Collecter les données sur l’actionnariat féminin et créer un index de l’actionnariat féminin sous le pilotage d’un comité pluridisciplinaire

La première étape sera de sensibiliser les acteurs du secteur à l'introduction des femmes dans leurs équipes. Un objectif que Femmes Business Angels propose d'atteindre en introduisant une obligation d’information des entreprises sur leur typologie d’actionnaires, en notifiant, par exemple, le pourcentage de femmes et d’hommes parmi les actionnaires individuels (en nombre et en pourcentage de détention) dans les publications annuelles des entreprises, et en se saisissant du sujet dans les assemblées générales.

Le réseau propose également de réaliser un état des lieux de l’actionnariat individuel, afin de publier régulièrement un Index de l’actionnariat féminin en France, et ce dans tous les secteurs économiques, quels que soient les types d’entreprises, et tous les types d'actionnariat.

Mobiliser et accompagner les femmes actionnaires, en développant la formation à l’actionnariat et l’investissement, à l’instar des Masterclass de l’investissement qui ont créées par FBA

Également, Femmes Business Angels propose la mise en place de campagnes de sensibilisation spécifiquement destinées aux femmes "pour développer leur culture financière", mais aussi de lancer des actions auprès des écoles et universités et d'inclure des modèles féminins dans les manuels d’économie.

Mieux flécher les fonds publics vers les entreprises les plus inclusives

Il est important de récompenser les entreprises qui s'engagent pour la diversité et l'inclusion, afin de créer un modèle vertueux. Femmes Business Angels propose ainsi, ici, "que l’octroi de fonds publics à destination des entreprises (investissement au capital, subventions, prêts), directement ou par l’intermédiaire de fonds d’investissement, soit conditionné au respect, par ces entreprises, de critères de diversité et de mixité".

Soutenir l’investissement privé en améliorant l’encouragement fiscal du dispositif Madelin pour les investissements effectués dans des entreprises respectant des critères d’impact, de mixité et de diversité

Afin d'inciter les femmes à prendre plus de risques et à investir dans l’économie réelle et impactante, Femmes Business Angels propose enfin que l’encouragement fiscal individuel (dispositif Madelin) soit "amélioré pour les investissements effectués dans des entreprises respectant des critères d’impact, de mixité et de diversité", par l'augmentation, par exemple, du pourcentage de déduction de 18% à 30%, mais aussi par la sortie du plafond des "niches fiscales" de 10 000 euros "qui pénalise plus particulièrement les femmes qui l’utilisent en priorité pour leurs aides à domicile et gardes d’enfants", conclut le réseau.