Dans quelle situation se trouve le secteur du tourisme?

Nicolas Dufourcq : On a une profession qui a vécu une fermeture administrative et les fonds propres qu'elle a perdus durant les trois mois ont purement et simplement été brûlés, alors que pour tous les autres secteurs, on peut espérer que ce qui n'a pas été vendu le sera parce qu'il y aura un effet de rattrapage plus tard. Les nuits d'hôtel qui n'ont pas été consommées ne seront jamais rattrapées.

Pour la reprise, il y a un scénario dans lequel on monte de 30% à 60% d'activité d'ici la fin de l'année, et il y en a un autre pour lequel on arrive à 85%. La vérité se situera probablement entre les deux.

Quels sont les dispositifs mis en place par Bpifrance à l'intention des entreprises du secteur ?

ND : Un milliard d'euros de prêts tourisme : c'est intéressant parce que ce sont des prêts à dix ans avec deux ans de différé de remboursement. Le taux est de l'ordre de 2,7% et nous ne prenons pas de garantie ni sur le patrimoine de l'entrepreneur, ni sur son entreprise. Il sera disponible dès lundi matin. Par ailleurs, on a mobilisé une enveloppe de 500 millions d'euros de fonds propres, dont 150 millions pour investir dans les grosses ETI (entreprises de taille intermédiaire de 250 à 1 500 salariés).

Et on porte les capacités du fonds France Investissement Tourisme à un niveau beaucoup plus élevé avec un deuxième fonds de 240 millions (en plus des 80 millions d'euros existants), et des tickets d'investissement entre 400.000 euros et 7 millions d'euros. Ce fonds vise à soutenir les PME et les petites ETI qui ont été fragilisées. Il y aura aussi un fonds intitulé FAST de 80 millions d'euros pour des petites structures dès 500.000 euros de chiffre d'affaires avec des obligations convertibles d'un montant moyen de 200 000 euros.

Nous allons enfin accompagner 1 500 chefs d'entreprise de la profession, avec de la formation à distance gratuite, des auto-diagnostics en ligne, des parcours de e-formation, 400 missions de conseil et deux accélérateurs, c'est-à-dire des programmes intensifs pour les dirigeants de 90 entreprises parmi les plus prometteuses.

Cette crise est-elle l'opportunité de faire émerger un "nouveau" tourisme?

ND : C'est l'occasion de gagner plusieurs années de maturité sur la réponse aux nouveaux besoins des clients, de faire levier pour se projeter massivement vers l'avenir. Il s'agit de soutenir les entreprises qui ont été fragilisées, et surtout de leur permettre de se réinventer dans le tourisme français du futur.

Ce nouveau tourisme aura une composante digitale très significative. Nous avons déjà beaucoup investi dans des startup de la digitalisation du tourisme, mais aussi dans les campings, dans des hôtels flottants, des cabanes
dans les arbres, etc. Quantité de nouveaux concepts d'hôtellerie ou de restauration méritent de passer à une autre échelle, et sont aussi plus adaptés aux clients d'aujourd'hui: ces derniers demandent par exemple de la fluidité entre la vente à emporter et la restauration, et également des promesses en termes d'économie circulaire. Notre rôle est d'accompagner tout le monde dans la direction d'une France décarbonée en 2050.