Avec l’essor des téléconsultations, la dématérialisation des ordonnances s’est accélérée. Si l’ordonnance numérique est acceptée en pharmacie depuis 2004, force est de constater qu’elle ne s’est pas démocratisée depuis. Il faut dire que le système reste artisanal : envoi par mail à la pharmacie ou impression d’un fichier PDF, sans parler des problèmes de réseau ou de lecture des fichiers par certains professionnels. Même pour un geste aussi anodin, le passage au numérique reste une aventure pour certains ! Alors que d’autres rêveraient de n’avoir qu’à cliquer sur leur smartphone pour récupérer leur prescription…

Qu’ils se rassurent, tout cela sera bientôt de l’histoire ancienne ! Le plan Santé 2022 prévoit en effet que la e-prescription, puisque tel est son nom officiel, soit généralisée non seulement pour les médicaments (dès cette année dans les centres urbains) mais aussi pour les prélèvements biologiques et les actes infirmiers (en 2021) ainsi que pour les actes de l’ensemble des auxiliaires médicaux (en 2022). L’idée est donc, à terme, de voir disparaître ou tout du moins de réduire drastiquement les ordonnances papier pour leur préférer leur version numérique, plus écologique et surtout plus pratique.

Rendre l’ordonnance immuable et pérenne

En effet, si la fibre écolo des patients sera sûrement sensible à cette numérisation, c’est pour d’autres raisons plus pragmatiques que l’administration a choisi de miser sur la e-prescription, comme l’explique Léo Péchin, CTO de la startup MonOrdo, qui permet justement de gérer les ordonnances dématérialisées : " l’ordonnance est un document sensible et le système actuel présente des lacunes en termes de sécurité ". En effet, " aujourd’hui, lorsque l’on imprime une ordonnance en PDF pour la donner à son pharmacien, on perd la trace numérique de toutes les informations inscrites par le médecin sur l’ordonnance " . Sans parler de la possibilité pour le patient de l’imprimer en plusieurs exemplaires pour récupérer autant de boîtes de médicaments supplémentaires…

C’est justement pour remédier à ces problèmes de sécurité que le plan Santé 2022 prévoit de déployer à grande échelle des prescriptions numérisées mais surtout sécurisées, à l’instar de la solution développée par MonOrdo. Celle-ci embarque à la fois une interface pour le médecin lui permettant de rédiger l’ordonnance numérique, une application destinée au patient dans laquelle il reçoit ses prescriptions et une application pour le pharmacien afin qu’il reçoive les documents et puisse contacter le patient. Pratique, certes, mais davantage sécurisé ? Plus question ici de PDF maison, " toutes les données inscrites sur l’ordonnance sont traitées et encodées, notamment la posologie : le nombre et le moment des prises de médicament, le renouvellement éventuel ", précise Léo Péchin. Avec ce système, impossible d’antidater une ordonnance ou de multiplier auprès de plusieurs pharmacies la récupération de ses médicaments.

Traçabilité et interopérabilité

L’application est d’autant plus sécurisée qu’elle repose sur la blockchain. Tous les échanges sont tracés en utilisant une blockchain privée, basée sur la plateforme libre Hyperledger, notamment utilisée par IBM Trust Food pour développer sa solution de traçabilité des aliments à laquelle s’est joint Carrefour. Grâce à cette technologie, le patient garde la propriété de son ordonnance à tout moment.

MonOrdo a aussi beaucoup travaillé sur l’interopérabilité de sa solution avec les différents systèmes d’information des professions concernées afin qu’elle puisse s’interfacer avec le plus grand nombre. L’application a aujourd’hui un partenariat avec la solution de télémédecine Médi-Link mais est déjà en discussions avec d’autres acteurs. Lancée pendant la crise en version gratuite, elle a su fédérer une communauté d’adeptes à Toulouse et Montpellier qui aident l’équipe à enrichir l’application.

Des services variés

L’exploitation numérique des données laisse entrevoir la possibilité d’une kyrielle de services annexes destiné au patient : un pilulier connecté avec rappel de prise, par exemple, ou la livraison de médicaments. " Cela devrait permettre d’améliorer l’observance des traitements ", espère Léo Péchin. Car c’est bien là aussi l’idée derrière l’e-prescription : en faire la figure de proue de toute une série de services médicaux proposés au patient. " Nous souhaitons créer un hub de services. Nous discutons avec des partenaires pour pouvoir intégrer leurs services à l’application. Pour l’instant nous nous concentrons sur les ordonnances médicamenteuses mais nous travaillons aussi à une solution pour les laboratoires d’analyses " , souligne le développeur, anticipant déjà les expérimentations nationales qui doivent être lancées en la matière.

Prochaines étapes pour la startup : recruter un business developer afin d’accélérer commercialement et travailler sur une levée de fonds, qui pourrait être réalisée dès la fin de l’année. En parallèle, Léo Péchin, qui doit encore assurer deux années d’études à Epitech, prépare son départ à l’étranger dans le cadre de son cursus. Pas de quoi inquiéter le jeune homme sur sa capacité à gérer de front ses études et le développement de la startup : " on prépare tout en amont ! "

Maddyness, partenaire média de IONIS Education Group