Les places de marché n'ont plus forcément le vent en poupe. Elles requièrent en effet des investissements colossaux - en témoigne la méga-levée de Meero, bouclée l'année dernière - afin de pouvoir atteindre une taille critique qui leur permet d'espérer survivre avant même de penser à s'imposer puis prospérer sur leur marché. Mais de nombreux exemples nourrissent les espoirs des entrepreneur·se·s comme des investisseur·se·s quant aux perspectives que laissent entrevoir ce modèle : Etsy, Veepee ou Vinted ont montré que sur des créneaux bien choisis, il est possible de créer des géants. Et c'est justement ce que cherche Samaipata.

Le fonds espagnol s'est spécialisé dans les marketplaces à fort potentiel et présente une quinzaine d'investissements en portefeuille en Espagne mais aussi au Royaume-Uni et en France. L'Hexagone est d'ailleurs un marché particulièrement porteur, avec cinq participations du fonds dont une sortie. Samaipata avait en effet investi dans Foodchéri, rachetée en 2018 par Sodexo. "Nous cherchons des entreprises qui ont le potentiel pour devenir des fund returners (des investissements suffisamment rentables pour effacer les pertes enregistrées sur le reste du portefeuille, NDLR), qui peuvent faire des sorties à 500 millions d'euros, explique ainsi Aurore Falque-Pierrotin, principal au sein du bureau parisien de Samaipata. Nous cherchons des acteurs qui sont en capacité de devenir leaders dans leur secteur à l'échelle continentale."

Le fonds mise ainsi sur la montée en puissance de ses protégées. L'histoire de Foodchéri est ainsi l'incarnation même des ambitions du fonds ibérique : alors qu'elle n'avait levé que 7 millions d'euros durant ses trois années d'existence indépendante, la startup était valorisée 273 millions d'euros après son rachat.

Des secteurs très variés

Samaipata ne se ferme aucune porte sectorielle, comme l'illustrent ses cinq participations tricolores. En-dehors de Foodchéri, le syndic immobilier Matera, la plateforme de vente de produits de la pêche ProcSea, les cafétérias d'entreprise Totem et l'appli de rencontres pour seniors Passions ont également eu les faveurs du fonds. Un éclectisme qui reflète la diversité du modèle des marketplaces "many to many" .

La crise a d'ailleurs accéléré la montée en puissance de certaines verticales que le fonds scrute avec attention. Les places de marché liées au télétravail d'abord, avec l'émergence de startups hyper-spécialisées se développant dans le sillage des Zoom et autres outils de vidéo-conférence. Mais aussi, après le succès d'Etsy, son pendant numérique qui profite de l'essor de "l'économie de la passion" , comme l'a détaillé l'iconique VC de la Valley Andreessen Horowitz. "On est passé de la gig economy qui rendait l'offre plus facilement accessible au consommateur à la creator economy qui valorise l'offre en contribuant à distinguer l'individualité des créateurs" , précise Aurore Falque-Pierrotin. Même d'énormes plateformes comme YouTube ou Shopify, jusque-là peu connues pour leur capacité à individualiser les offres, ont pris ce tournant pour gagner en qualité de contenu et éviter de devenir des dépotoirs d'offres bas de gamme.

Bâtir des géants européens

Spécialisé dans l'investissement en amorçage, avec des tickets compris entre 500 000 et 4 millions d'euros, pour une moyenne légèrement au-dessus du million, le fonds a annoncé mi-octobre son deuxième véhicule d'investissement d'un total de 100 millions d'euros qui seront investis par l'ensemble de ses bureaux européens. Une dizaine de nouveaux investissements devraient ainsi rejoindre la quinzaine déjà en portefeuille.

Et Samaipata se donne les moyens de ses ambitions. Car investir en amorçage dans des modèles aussi incertains implique un rôle particulièrement actif auprès des participations. "Nous aidons beaucoup nos startups à recruter, gérer les relations presse ou le reporting financier mais aussi sur leur coeur d'activité puisque nous sommes spécialisés dans les marketplaces et que nous connaissons donc bien les ressorts de ce modèle, détaille l'investisseuse. Nous les soutenons aussi lorsqu'il s'agit de préparer les tours de table suivants, nous jouons en quelque sorte le rôle du leveur : nous nous chargeons de construire avec eux l'equity story, rédiger leur deck, procéder aux bonnes mises en relation..." Un travail titanesque mais dont les promesses de retour sur investissement rendent la charge bien plus supportable.