2 décembre 2021
2 décembre 2021
Temps de lecture : 6 minutes
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Hectar : les ambitions tech de Francis Nappez pour l'agriculture

Le campus d’Hectar, le projet de Xavier Niel et d’Audrey Bourolleau dédié à l’entrepreneuriat agricole, a ouvert ses portes en septembre. Son directeur général, Francis Nappez, co-fondateur de BlaBlaCar, dévoile ses ambitions pour les futurs apprentis.
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Crédit : Chris Ensminger-

Article initialement publié le 6 septembre 2021

Présenté en février dernier, le nouveau projet d’envergure de Xavier Niel a pris ses quartiers dans les champs de la Vallée de Chevreuse. Si la formation dédiée aux porteurs de projets qui veulent affiner leur business model s’effectuera tout d'abord en ligne, c’est bien dans ce campus de 600 hectares que les autres apprentis et les startups accélérées tenteront de développer une nouvelle agriculture, plus résiliente et plus respectueuse des agriculteurs. Francis Nappez, qui a débuté sa carrière chez Free avant de co-créer quelques années plus tard BlaBlacar et le think-thank TechRocks, qui aura la charge de sa direction.

Toujours au board de la société de covoiturage et de car, l’entrepreneur s’est éloigné de l’opérationnel, ce qui lui laisse le temps de se consacrer à d’autres projets. Après cette première aventure couronnée de succès, Francis Nappez, 40 ans, avait envie "d’un challenge qui me fasse transpirer" , confie-t-il à Maddyness, tout en gardant son principal moteur : utiliser la tech comme un "moyen d’apporter des solutions à la société" .

Lorsqu’il entend parler du projet de campus agricole de Xavier Niel, Francis Nappez - qui a été recruté par ce dernier en 2000 chez Free - tente sa chance. "J’ai envoyé un mail en parlant de Station A pour agriculture (en référence à Station F créé par Xavier Niel, ndlr). Ensuite, j’ai rencontré Audrey Bourolleau avec qui nous avons beaucoup échangé sur nos visions et nos complémentarités". L'accord était conclu pour avancer tous les deux ensemble.

Si le fil rouge entre BlaBlacar et Hectar n'est pas forcément évident au premier abord, il est pourtant clair pour l'ingénieur, diplômé de l’Université Joseph Fourier en recherche en Technologie et Communications : "Avec BlaBlacar, on a essayé d’avoir un impact positif sur la société, de faire bouger les lignes sur l'impact économique, écologique et social de la mobilité. Si on prend le prisme d'Hectar, les valeurs sous-jacentes sont les mêmes : vitalité économique, respect de la planète, vie acceptable pour les agriculteurs".

L'usage donnée, fer de lance de la nouvelle agriculture

Web developper chez Free, mobile development manager chez Meetic et directeur technique chez BlaBlaCar, la carrière de Francis Nappez a toujours été orientée autour de la tech. "Pour moi c’est un moyen d‘apporter des solutions à la société. Nous avons la chance de vivre dans une société où les outils pour faire des choses formidables sont à portée de main" . Pourquoi s'en priver ?

Initialement présenté comme un campus pour former la prochaine génération d’agriculteurs avec un fort prisme sur l'entrepreneuriat, Hectar fait naturellement la part belle à la technologie avec Francis Nappez à sa tête, et Xavier Niel au financement. Audrey Bourolleau a ainsi dévoilé qu’un accélérateur prendra racine au sein du campus à partir de janvier 2022. "Si on regarde le passé, les agriculteurs ont toujours été technophiles, souligne Francis Nappez. Il y a un enjeu autour de son utilité : de la technologie oui mais pourquoi faire ?" . Les données acquises grâce à l'AgriTech doivent ainsi permettre de faciliter la prise de décision. "Il y a vraiment tout un parcours à créer autour de la donnée, l’accès à cette donnée, la valorisation de la donnée et l’aide finale offerte aux agriculteurs" , développe t-il. Ce qui obligera aussi les développeurs à imaginer des outils avec des interfaces adaptées à des profils différents, tous les agriculteurs n’étant pas des geeks en herbe.

À cet usage de la data s’ajoute également la robotisation et les solutions visant à réduire les tâches ingrates et difficiles comme le désherbage. Mais attention, pas question pour autant de remplacer les humains par des machines : Francis Nappez n’imagine pas la ferme de demain comme un amoncellement de technologies gérées par une intelligence artificielle. "Il y a un prisme sur lequel nous ne voulons pas aller : la technologie comme remplacement, insiste-t-il. Je n’y crois pas, il faut que ce soit les agriculteurs qui prennent la décision finale et pilotent leurs fermes. La technologie doit aider à augmenter la valeur directe" .

Penser la technologie pour les agriculteurs

Pour réussir à développer ces solutions, il faut trouver des développeurs motivés. Et quoi de mieux que d’aller piocher dans le vivier de l'école 42... montée par Xavier Niel, encore, qui travaillera en partenariat avec Hectar. Les ponts entre les deux entités du fondateur de l'opérateur Free étaient une évidence. Mais pour que la magie opère, il faudra faire évoluer ces profils techs "dans un contexte agricole" , précise le directeur d’Hectar afin qu’ils comprennent les besoins réels et les contraintes des agriculteurs.

L’autre point à ne pas négliger, au risque de voir la technologie boudée des agriculteurs, est son prix. Décrocher un prêt pour racheter une ferme est parfois déjà compliqué. Qu’en sera-t-il pour acquérir une technologie à plusieurs dizaines de milliers d’euros ? "Si votre marché correspond aux agriculteurs, votre technologie a intérêt à être accessible. Il faut vraiment étudier combien va leur coûter cette technologie à la fin du mois car ils n’ont pas des réserves énormes" , reconnaît le DG. On peut alors très bien imaginé le développement de technologies de pointe dans des secteurs précis avec un coût élevé et à côté, des solutions plus adaptées aux porteurs de projet aux poches moins remplies. "Il faut être attentif à ce que la technologie ne soit pas une rupture économique" avec un taux d’adoption faible si le prix de vente est démentiel, confirme Francis Nappez.

Les fonds et les corpo entrent dans la boucle

Le campus est encore en cours de construction et les chantiers restent encore nombreux pour Hectar. "Nous avons discuté avec de nombreux fonds d’investissement et nous nous concentrons sur les grands groupes du secteur aujourd’hui" , précise le directeur d’Hectar. Ils seront essentiels pour "faire vivre l’accélérateur car ce sont eux qui vont devenir leurs clients [des AgriTechs accélérées, ndlr], leurs investisseurs ou qui vont les racheter" . En réunissant autour d’Hectar des entrepreneurs, des ingénieurs, des développeurs mais aussi des investisseurs et des grands groupes, l’idée est de créer un véritable écosystème dont l’ambition est d’aider les entreprises à se structurer et grandir. "À la fin de leur accélération, je veux amener les sociétés à une série A" , assume Francis Nappez. Ce qui est loin d’être impossible, plusieurs beaux tours de table ont été effectués en 2020, notamment ceux d'Ÿnsect ou d'Innovafeed, montrant le chemin de l'intérêt des financeurs pour l'alimentation de demain.

Investisseur discret, mais prolifique avec une quarantaine de participations à son actif, le directeur pourrait-il aussi prendre des parts dans ces startups ? "J’analyse les candidatures avec mon expertise de business angel. Je regarde l’équipe, si c’est le bon moment, quelles sont les barrières à l’entrée" , reconnaît-il. Mais jusqu'ici, il ne s'est encore jamais aventuré sur ce secteur.