15 novembre 2022
15 novembre 2022
Temps de lecture : 8 minutes
8 min
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Mira : vers la construction d'un métavers français "éthique et respectueux"

Rencontre exclusive avec Gaspard Giroud qui revient pour la première fois sur l’histoire de la création de Mira, ce monde miroir au nôtre qui héberge des expériences d'extension du réel. Un premier événement aura lieu le 30 Novembre à la Tour Eiffel.
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Mira n’est pas en train de créer un métavers. Tout comme lorsqu'un site web est créé, ce n’est pas un nouvel internet qui se crée. Le métavers, que certains imaginent comme l’étape post-internet, sera l’agrégation d’une multiplicité de mondes virtuels persistants.

Alors qu'internet est fait pour consulter l’une des quelque milliards de pages présentes, demain chaque métavers permettra de plonger dans l’une des très nombreuses expériences de réalité virtuelle, avec la même richesse et diversité que l’on peut connaître aujourd’hui sur la Toile.

Gaspard Giroud, fondateur de Mira, reste donc très humble dans sa démarche : " On nous demande souvent si on est en train de créer le métavers… mais non, on fait de l’informatique spatiale et on espère apporter notre petite contribution à ce monde-là ". Mira a donc l’ambition de créer un petit morceau du métavers, et la vidéo ci-dessous est très certainement une démonstration parlante de ce à quoi ce monde virtuel pourrait ressembler.

Les origines de Mira

Il faut dire que Mira construit un projet lié au métavers depuis plus de six ans, bien avant que le terme métavers ne sorte du monde de la fiction pour entrer dans celui des nouvelles technologies. En effet, le terme est issu de l’esprit de Neal Stephenson, auteur américain de science-fiction qui l’avait conceptualisé en 1992 dans son livre Le Samouraï virtuel.

Mais pour comprendre ce que souhaite proposer Mira, il faut remonter dans le parcours de Gaspard Giroud. À l'issue de ses études d’architecture, il fait le choix de s’orienter vers de la visualisation 3D de projets non construits, pour aider à se projeter dans le rendu architectural en contexte.

Le point culminant sera peut-être atteint avec la création d’un court-métrage pour dévoiler les plans du nouveau World Trade Center, deux ans avant son inauguration, dans une projection ultra-réaliste du projet finalisé. Le studio de création, nommé Piranha NYC, rassemble alors des équipes à la pointe de la création 3D pour répondre aux exigences de clients tels que Ferrari, Paramount, Marvel, Nike, et tant d’autres.

Pendant ces années-là, Gaspard découvre la puissance du moteur de jeux vidéo Unreal Engine pour réaliser des visites en réalité virtuelle. " Je me suis dit que c’était extraordinaire et que cela allait tout changer, se rappelle-t-il. Tout changer dans l’immobilier bien sûr, mais aussi que cela va tout changer dans toutes les industries et dans pratiquement toutes les activités humaines. Cela nous est apparu comme un flash : on a eu la vision d’un avenir du monde numérique qui va se construire sur ses moteurs de jeux vidéo pour proposer des expériences plus interactives, avec plus de profondeurs, plus de collaboratifs, plus de social ".

Avec ses équipes, il commence alors à créer une démo pour prouver à quel point cela allait tout changer. Ils recréent un Manhattan virtuel, dans lequel il est possible de naviguer. " On a voulu montrer que ça allait changer l’industrie automobile, donc on a fait une concession Tesla. On disait que cela allait changer le tourisme, donc on a reproduit le Brooklyn Bridge. Ça va changer les musées, on a alors ajouté le Guggenheim. Il faut imaginer que l’on est un peu fou parce que c’est énormément de travail de recréer en 3D quelque chose qui est accessible dans la réalité. "

Leur inspiration, ce sont les brochures de luxe et leurs univers 3D sont ainsi hyper-réalistes. Un point qui va leur permettre d’attirer de nombreux clients partout dans le monde pour créer des expériences en 3D et des mondes immersifs. Ils travaillent ainsi pour Chanel, Viacom, Fujitsu, SNCF, France Télévisions, … et réinjectent l’ensemble de leurs revenus dans la création de Mira.

Repérés par Verizon et les équipes du Unreal Engine, ils bénéficient aussi de subventions qui les aident à développer le projet.

Mira, une extension du réel

" Mira n’est pas un monde parallèle, mais un monde miroir qui héberge des expériences d'extension du réel ". Derrière cette affirmation un peu énigmatique se cache en vérité la particularité de la vision de Mira.

Plutôt que de créer un nouveau monde avec sa géographie et sa culture, Gaspard Giroud et ses équipes ont fait le choix d’ancrer le projet dans la réalité en venant construire un jumeau numérique de notre monde. Ce sont aujourd’hui les villes de New York et Paris qui ont été modélisées de manière très réaliste. " Cela peut être déstabilisant d’entrer dans une réalité virtuelle. On est conditionné pour reconnaître la réalité et on a une connexion émotionnelle plus forte avec des contenus qui nous sont familiers. Plutôt que d'être complètement hors sol dans un nouvel univers, on a immédiatement le sentiment d’être présent dans un lieu où l’on peut se repérer… et cela a plus d'autorité sur nos sens que d'avoir quelque chose de complètement abstrait ".

Mira propose donc la découverte de Paris, de ses monuments et la visite des musées pour en admirer les plus belles pièces : une démonstration que Mira imagine avec ces institutions pour leur permettre de vendre des billets pour cette expérience virtuelle.

Un groupe d’amis pourra également privatiser la tour Eiffel pour une expérience inédite qui se terminera par un décollage en jetpack depuis son sommet. Une grande expérience de liberté pour les utilisateurs, qui se reflète aussi dans celle des créateurs, qui sont invités à venir utiliser le kit de développement mis à disposition pour venir créer tout ce qu’ils peuvent imaginer.

Il est ainsi possible de faire l’acquisition d’un loft qui va venir se positionner dans l’AltaMira, le ciel au-dessus du monde virtuel. Les marques sont aussi une pierre angulaire de la stratégie de Mira, puisqu’elles pourront venir se créer un showroom, un événement virtuel, ou une session de formation pour ses collaborateurs.

Les possibilités sont infinies d’après les fondateurs, il reste maintenant à les explorer.

De l’importance de construire le métavers

Alors que certains médias prédisent déjà la mort du métavers, Gaspard Giroud invite à comprendre la taille des enjeux de ce nouveau marché. " On a bien rigolé quand Mark Zuckerberg a mis sa photo de la tour Eiffel avec son avatar super moche. C’est devenu la blague de l’internet. Mais la France ne s’est pas rendue compte à quel point on a échappé à quelque chose de grave. Si Meta avait fait un jumeau numérique de la tour Eiffel avec le même niveau de qualité que nous, en invitant tout le monde à le visiter, c’est une partie du patrimoine français qui serait tombé chez Facebook. C’est pour ça que l’on continue à être proche du gouvernement pour faire comprendre combien les enjeux sont sérieux. Si l’on ne fait pas attention, le patrimoine culturel français va être accessible sur une plateforme qui ne sera pas forcément française ou européenne ".

Jérôme Chasques, Chief Revenue Officer de la plateforme rebondit immédiatement sur ses propos : " Chez Mira, nous avons une forme de respect du réel, de ses actifs… il y a un respect du patrimoine dans notre ADN. L’approche d’autres acteurs américains ne sera certainement pas aussi respectueuse ". La startup se refuse donc à jouer avec le patrimoine, à le dénaturer ou à le revendre. Une éthique qu’il est difficile de deviner dans les actions de Meta jusqu’à présent.
" La France a tous les talents nécessaires, lance Gaspard Giroud. Que ce soit dans le secteur du jeu vidéo avec un Ubisoft, avec les sociétés d’effets spéciaux qui font des films d’Hollywood, même le directeur de l’intelligence artificielle de Facebook est français (ndlr : Yann Lecun). Les talents sont là et il faut maintenant le construire. Il ne faut pas attendre pour réguler ensuite… en le construisant on double tout le monde ".

C’est aussi l’ambition de Mira qui a fait le choix de mettre le pied sur l’accélérateur en 2021 en réalisant une première levée de fonds de 5,5 millions d’euros auprès de business angels. Une levée qui a aussi vu l’entrée au capital de Mira, de l'une des plus grandes maisons de luxe au monde. Si Mira refuse de le confirmer, il est assez facile de comprendre qu’il s’agit de Chanel, entreprise avec laquelle la startup travaille depuis longtemps et qui s’est déjà illustrée en réalisant un défilé de mode immersif en février dernier.

Une série A est également en cours pour permettre à Mira de définitivement défendre la vision d’un métavers respectueux et de qualité. " Il faut participer à construire le métavers, rappelle Gaspard Giroud. Soyons dans la construction parce qu’il n’y a pas de meilleure défense ".