La France veut accélérer sur l'IA, mais a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Au lendemain du Sommet sur l'intelligence artificielle organisé à Paris, les grandes annonces sur le sujet se sont multipliées. Entre les déclarations du type "j'en étais" ou "j'ai joué un rôle", nombreux sont ceux qui cherchent à surfer sur la vague. Derrière ce tumulte médiatique, un seul et unique objectif : entretenir l'illusion du leadership français dans une technologie qui façonnera l'avenir.
Un Sommet IA qui ne reflète pas la vérité
En observant nos voisins d'Outre-Manche, le constat est sans appel : le Royaume-Uni s'impose comme le leader européen de l'IA, porté par un écosystème ultra-dynamique, une réglementation plus douce, davantage de startups, plus d’investissements et des formations tout aussi prestigieuses. Même l'Allemagne suit une trajectoire similaire en consolidant sa position d'outsider de l'intelligence artificielle.
Ce constat concerne uniquement les « petits joueurs » de l'IA que sont les pays européens face aux géants américains et chinois. De quoi largement relativiser l'engouement et le leadership français autoproclamé. La question n’est plus de savoir si la France a une carte à jouer, mais si elle est encore réellement assise à la table.
Suivre le mouvement ou tracer sa propre route ?
Malgré des chercheurs brillants, des formations d’élite et des pépites comme Mistral AI, la réalité est là : la France ne mène pas la course, elle la suit. Tout comme l’Inde, le Canada, l’Afrique du Sud et ses voisins européens, elle tente de se positionner dans un écosystème dominé par des puissances bien plus engagées.
L’investissement record de 109 milliards d’euros, annoncé par Emmanuel Macron, est une avancée significative. Mais il doit être mis en perspective avec les centaines de milliards annuels engagés par le projet Stargate et par la Chine, qui façonnent déjà l’avenir de l’intelligence artificielle.
Par ailleurs, la question de la souveraineté nationale demeure. Le plan français prévoit certes l’installation de datacenters sur le territoire, mais financés par des fonds émiratis, canadiens et américains pour la plupart. Si ces investissements renforcent les infrastructures tricolores, ils ne réduisent en rien la dépendance aux composants et aux logiciels étrangers.
Pourquoi construire des datacenters en France si c'est pour faire tourner des licences Open AI avec des puces Nvidia ?
La France a l'ADN de la rupture, mais pas celui du risque
Si la France veut jouer un rôle clé dans l’intelligence artificielle, elle ne peut pas se contenter d’accompagner les tendances. Or, les choix d’aujourd’hui façonnent les succès de demain. L’innovation de rupture ne naît pas de ceux qui optimisent les modèles existants, mais de ceux qui osent faire autrement, voire de faire mieux en repartant de zéro...
Les Français ont toujours su se démarquer par leur capacité à trouver des alternatives. L’ADN national est fait d’ingénierie, de sciences et d’innovations disruptives, un terreau fertile pour les grandes ruptures technologiques. Mais innover réellement implique d'oser prendre des risques et d'accepter un taux d'échec élevé. Trop souvent, nos décideurs publics ont privilégié la prudence à l’audace, l’optimisation à la rupture.
L'avenir de l'intelligence artificielle ne repose pas uniquement sur la puissance de calcul brute, un domaine où les États-Unis et la Chine ont déjà une avance considérable. Les besoins futurs exigent bien plus : des approches radicalement disruptives, capables de sauter des générations technologiques plutôt que d’essayer de combler un retard déjà structurel.
La question n’est plus de savoir si la France peut rattraper son retard. Elle doit trouver une nouvelle trajectoire et changer les règles du jeu.