Si les données numérisées sont au cœur de la mutation du travail, centrée sur leur exploitation ou leur transformation, elles sont aussi la source de tensions nouvelles entre le salarié et l'entreprise. L'article reprend les propos recueillis à l’occasion d’un colloque co-organisé par la DIRECCTE IDF, la DGT, et l’association Fing, le 12 mars 2013, sur les transformations du travail liées au numérique. [hr]

Conséquence directe de l’informatisation de l’entreprise, chaque organisation produit, stocke, récolte un très grand nombre de données pouvant potentiellement aider à mieux comprendre son activité. "La donnée a de plus en plus de volume, de vitesse et de variété" résume François Bancilhon (@fbancilhon), fondateur de la Start-up Data Publica. L’impact de ce déferlement de données sur le monde professionnel est bivalent : entre d’un côté le potentiel des données en termes d'analyse et performance, et de l’autre des inquiétudes portant la vie privée, l'identité des individus et la gouvernance des données.

En ouvrant de nouvelles perspectives de création de valeur, les données deviennent le carburant, le nouvel or noir des entreprises. Mais leur déferlement fait surgir de nouvelles problématiques : surinformation, sécurité informatique, traçabilité, surveillance, qui peuvent être sources de tensions entre l’entreprise et ses salariés. On le voit notamment à travers la pratique du  BYOD (des salariés qui utilisent leur propre matériel informatique pour travailler), leurs aspirations et leurs contraintes respectives peuvent diverger notamment dans les domaines de la sécurité informatique, du contrôle et de la traçabilité. Pour autant, face à la sur-information, au besoin de confidentialité des données individuelles et collectives, une convergence d’intérêts peut exister.

Un compromis est-il possible ? Quelle doit en être la part de confiance, et de contrat ?

Pour Georges Epinette directeur des systèmes d’informations du groupe les Mousquetaires et membre du CIGREF, "l'utilisation des données doit être équilibrée", ainsi le gain potentiel de performance apportée par la data ne doit pas justifier tous les usages. Dans le cadre des travaux de la CNIL, Sophie Vuillier-Tavernier, directrice de la prospective, interroge sur la place de l'Homme suite à l'utilisation des algorithmes prédictifs. Elle souligne par ailleurs une augmentation de 10 à 15 % par an des plaintes dans le monde professionnel.

Parmi les 6 000 plaintes enregistrées en 2012, c'est la vidéo-surveillance qui est la première source de contentieux. On retrouve ensuite respectivement, la géolocalisation et le droit d'accès aux dossiers des entreprises ; comme le montre ces chiffres, les données font désormais partie des inquiétudes des salariés.

Si la donnée est soumise à des enjeux juridiques, de gouvernance, de responsabilité et de protection des données personnelles… la question de l’usage des données dans et par l’entreprise recouvre des problématiques plus larges et complexes. Elle ne doit pas être prise uniquement sous l’angle de la régulation, des restrictions. Il faut réussir à concilier la protection de la vie privée et le concept d’identité humaine, tout en tirant parti des potentialités des données, pour améliorer la compréhension des comportements liés à l’activité économique de l’entreprise.

A chaque évolution technologique, ces enjeux n’ont de cesse de se poser avec une acuité croissance, le développement des interfaces sensorielles et la sophistication des interfaces homme-machine préfigurent sans déjà d’une nouvelle révolution...