Au milieu de l'été 2013, l'initiative "10,000 startups" voyait le jour en Inde, l'un des projets d'incubateur parmi les plus importants d'Asie. Installé au coeur de la fameuse Bangalore Valley, la Silicon Valley indienne, avec le soutien de Microsoft et de Google, ce projet vise à mentorer et à financer plusieurs milliers de jeunes startups locales. Au même moment, cette fois-ci en France, le projet Simplon.co, la première école solidaire de codeurs-entrepreneurs se concrétisait à Montreuil et accueillait sa première promotion de futurs développeurs issues de couches sociales défavorisées ou sous-représentées dans l'innovation (jeunes des quartiers populaires, filles, etc.).[hr]

Le point commun entre ces deux projets ? Dans les deux cas, la mobilisation des meilleurs talents de la Diaspora autour des thématiques startups et entrepreneuriat peut constituer un facteur d’accélération et de succès très important dans la mise en oeuvre de ces projets. Mais tout d'abord, qu'est ce que le "Diaspora Entrepreneurship" ?

Le "Diaspora Entrepreneurship", un mouvement qui a vu le jour dans la Silicon Valley

Le nouvel incubateur indien "10,000 startups" a été élaboré en partenariat avec le réseau Indus Entrepreneurs, l'un des pool de talents de la Diaspora indienne parmi les plus anciens et les plus importants de la Silicon Valley. Fondé en 1992 en Californie par des entrepreneurs et des professionnels du software indiens expatriés dans la Silicon Valley, Indus Entrepreneurs avait pour mission de fédérer les talents indiens vivant aux Etats-Unis et dans le monde. Fort de plusieurs milliers de membres, ce réseau a rapidement joué un rôle clé dans le développement technologique de l'Inde, en servant de "corridor" entre d’une part l'innovation et l'investissement de la Silicon Valley, et d’autre part les besoins technologiques de la Bangalore Valley. Le "Diaspora Entrepreneurship" à l'heure de l'internet venait de prendre son envol.

Le succès de cette stratégie a inspiré d'autres communautés d'expatriés dans la Silicon Valley. A commencer par des réseaux de Diaspora de haut niveau souhaitant aider leur pays d'origine à rattraper leur retard technologique face à la mondialisation (d'autant plus qu'en 2005, environ 52% des startups fondées dans la Silicon Valley l'ont eté par des entrepreneurs de la Diaspora selon la Kauffman Foundation). C'est par exemple le cas du réseau arabo-californien TechWadi qui construit des ponts technologiques entre les Diasporas arabes spécialisées dans les nouvelles technologies et leur pays d'origine.

Comment et pourquoi les Diasporas Tech peuvent contribuer à l'essor des startups ? 3 leviers d’action

Les talents de la Diaspora installés dans les hubs technologiques du Nord peuvent booster les startups de leur pays d'origine en les aidant à se développer et à s'internationaliser. Une étude sur le "Diaspora Entrepreneurship" sortie en 2010 proposait déjà des outils concrets pour renforcer les écosystèmes Startups des pays du Sud. On peut retenir 3 leviers d’action principaux :

1. Par le coaching et le mentorat

Outre un minimum de financement pour démarrer leur société, les jeunes startupeurs ont surtout besoin de conseils venant de professionnels expérimentés : comprendre les marchés visés, mettre à l'épreuve un business model, viser l'international, anticiper les imprévus, etc. Les success stories de la Diaspora constituent une véritable mine d'or en matière de conseils et d'inspiration pour les jeunes startupeurs. Reprenons notre exemple indien avec l'incubateur "10,000 Startups". Des actions d'accompagnement peuvent être menées par le réseau de Diaspora Indus Entrepreneurs au sein même de l'incubateur via des ateliers de coaching (entraînement au pitching ou au webmarketing par exemple). Ou bien à distance, sur internet, en combinant vidéo conférences et l'utilisation d'outils collaboratifs.

2. Par le financement et le partenariat

Les entrepreneurs et les talents de la Diaspora sont en mesure de créer de la valeur ajoutée dans leur pays d'origine en investissant directement dans des startups technologiques, la plupart du temps en tant que business angels. Ils peuvent également être apporteur d'affaires grâce à leurs réseaux business : déjà installé à Paris, Londres, ou dans la Silicon Valley, l'entrepreneur de la Diaspora peut aider les jeunes startups du Sud à s'internationaliser en fournissant contacts, mises en relation et même de potentiels clients.

3. En jouant un rôle d'interface entre le Nord et le Sud pour connecter les écosystèmes

Grâce à leur double culture, les talents de la Diaspora peuvent servir de relais et de facilitateur. Il peut s'agir d'aider des entreprises technologiques du Nord à ouvrir des filiales ou des antennes au Sud, de diriger les équipes locales, etc. Dans la chaîne du financement, ils peuvent par exemple aider les fonds d'investissements du Nord à sourcer des startups bankables au Sud. Au niveau de l'innovation, il peut aussi s'agir de faciliter la mise en place de partenariats Nord-Sud entre incubateurs, écoles de commerce ou centres de recherches.

Connecter les écosystèmes Startups via les Diasporas, quel rôle pour la France ? L'exemple de Simplon.co avec l'Afrique

Comme pour la Silicon Valley avec l'Inde, la France peut et doit se servir des nouvelles technologies et des talents tech de la Diaspora pour bâtir des ponts numériques avec les pays du Sud. Prenons le cas de l'Afrique sub-saharienne et de l'école du web Simplon.co. Située à Montreuil, ville qui compte l'une des communautés africaines les plus importante de France, Simplon.co a très tôt cherché à faire de cette réalité sociologique un atout et un levier pour renforcer l'esprit d'entreprise de ses étudiants et pour connecter les écosystèmes Startups entre la France et l'Afrique. Car parmi les futurs codeurs-entrepreneurs formés par Simplon.co figureront de très nombreux jeunes français d'origine africaine.

Continent en plein boom digital, l'Afrique connaît aujourd'hui une croissance spectaculaire : on dénombre 500 millions de personnes reliées à un terminal mobile sur le continent - un chiffre qui devrait atteindre les 750 millions d'individus en 2018. Et malgré les obstacles (sécurité, manque de financement), les incubateurs de startups africaines se créent un peu partout, souvent avec le soutien de la Diaspora. Un nombre croissant de startups françaises prennent conscience de cette nouvelle donne et cette sensibilisation peut tout autant concerner la petite startup du web encore incubée que la très grande entreprise informatique installée à la Défense.

Un exemple emblématique : celui de la jeune startup tricolore Ityz qui, dans une tribune parue dans le quotidien du soir Le Monde il y a quelques jours (Jeunes de France, Restez y !), nous expliquait pourquoi et comment les marchés africains francophones représentent les relais de croissance de demain pour les jeunes pousses françaises.

La Diaspora Tech africaine vivant en France a un rôle stratégique à jouer pour aider la scène startup française à être partie prenante du développement technologique du continent africain. Cette Diaspora peut être la passerelle qui relie les entreprises innovantes françaises et les opportunités numériques africaines. Des espaces de créativité numérique comme Simplon.co peuvent servir de point de contact et de catalyseur de projets entre les écosystèmes européens et africains, avec comme ciment naturel l'énergie, le dynamisme et l'envie de création des talents Tech de la Diaspora.

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