Ce sont des lieux publics, ouverts et dans lequel Montreuil accueillait samedi dernier le lancement de la plateforme ‘Codecademy’ en français (pour que tout le monde puisse savoir coder). Des cybercafés ? Et non, raté. Perçues comme un brin ringardes mais pourtant tellement pertinentes, il s’agit des bibliothèques.[hr]

(L’éducation et les nouvelles technologies accessibles vous intéressent ? Découvrez et soutenez la première carte de localAcademy.org qui rassemble des projets du monde entier - en anglais).

Souvent associées au papier et (c)ouvertures rigides, ces espaces très innovants sont pourtant au Brésil ou en Colombie un théâtre où se réinvente le lien social et où s’invente la collaboration en ligne. Pourquoi nos bibliothèques physiques ne sont-elles pas une étape parfaite pour une inclusion numérique à grande échelle en 2014 ? Comment peut-on dès lors construire des ponts entre ce que nous promet le numérique et les compétences pratiques pour être “inclus” dans cette nouvelle société ?

3 bonnes raisons de trouver les bibliothèques sexys :

Comme on le lit souvent, ‘l’inclusion numérique’ ne se limite pas au simple accès à une adresse e-mail ou à une tablette numérique, elle est au contraire une promesse via les outils qu’il est nécessaire de découvrir et de s’approprier via des exemples concrets pour être acteur dans la société numérique. Pourquoi dès lors jeter son dévolu sur les bibliothèques?

#1 - Les bibliothèques sont intergénérationelles. Si l’on grossit le trait, les générations les plus âgées ont des connaissances et les plus jeunes des facilités plus grandes pour naviguer sur internet. Les bibliothèques sont un tiers-lieu public pour leur rencontre et vont au delà des écoles.

#2 - Les bibliothèques sont gratuites, locales et ouvertes. La France a par exemple plus de 7000 bibliothèques municipales (sans compter celles associées aux écoles) et celles-ci sont réparties sur le territoire. Elles sont déjà partie intégrante de la sphère publique.

#3 - Les bibliothèques sont en quête de renouveau. Avec l’essor des usages et livres numériques, les bibliothèques se digitalisent et se réinventent pour assurer l’accès à l’information quelque soit le support.

L’inclusion numérique: pourquoi est-ce que les outils importent plus que l’accès à la donnée ou à du matériel. L’exemple du Brésil.

Quand les premiers ordinateurs furent déployés au Brésil dans les années 90, Rodrigo Baggio comprit tout de suite qu’un écart profond allait se creuser entre les personnes qui seraient de cette “ère de l’information” et ceux qui en seraient exclus. Le Centre pour l’inclusion par le digital (CDI) fut alors crée pour permettre aux jeunes défavorisés d’accéder à des compétences numériques et, eux aussi, de s’y intégrer. Ce centre démontra alors la nécessité des nouvelles technologies a travers les compétences “ad hoc”.

Par exemple, la favela dans laquelle CDI fut lancée avait un souci majeur de poubelles: ignorées des pouvoirs locaux, celles-ci s’amassaient semaine après semaine. Les brûler aurait partiellement résolu le problème. A la place, CDI présenta deux manières de les rendre visibles aux yeux des politiciens locaux: apprendre à se servir des e-mails pour en reproduire l’effet ou le montage vidéo pour que cette absence de ramassage soit efficacement dénoncée via les médias locaux. Une manière percutante de se rendre compte de l’impact et donc du potentiel de cette inclusion numérique pour ces jeunes.

Inclusion numérique = accès à l’information + savoirs faire + usage + personnes physiques qui collaborent.

Comme le montre CDI, il n’est pas nécessaire de posséder du matériel informatique pour être inclus dans la vie numérique: l’éducation numérique est plus englobante et cela se voit aussi par certains apprentissages. L’un des plus beaux exemples de renouveau par l’inclusion et le numérique ? L’ex-capitale des narco-trafficants, Medellin, qui accueille maintenant la très dynamique Ruta N et son réseau de bibliothèques.

Localisée au coeur de ce qu’était l’épicentre de la pire ‘favela’ de la ville (le quartier San Domingo), la Bibliothèque Parque Espana est la plus grosse de ces bibliothèques. Son objectif est simple: promouvoir l’inclusion de la population locale et les faire naturellement utiliser les nouvelles technologies. Efficiente et technophile, celle-ci s’est lancée dans une expérimentation avec son programme interchange. Ce programme met en relation des enfants et experts internationaux via Google Hangout (outil gratuit) pour que ces derniers appréhendent ensemble les nanotechnologies. Ici encore, il n’est pas nécessaire d’avoir un ordinateur individuel mais d’une salle de bibliothèque: un bel exemple dont nous pouvons nous inspirer.

Les premières bibliothèques (en 2600 avant JC) avaient pour support des tablettes d’argile: il s’agit simplement d’en prolonger l’esprit avec une actualisation des savoirs et pratiques. Dans cette “ère d’information” vers laquelle nous nous évoluons, il est plus nécessaire que jamais de savoir pourquoi se servir des outils technologiques (être éduqué au numérique) plutôt que de savoir comment obtenir cette technologie (être simplement connecté au numérique).