Pour bien commencer la semaine, la rédaction de Maddyness propose à ses lecteurs un nouveau rendez-vous baptisé NewsOffStartups. Celui-ci a pour vocation de détailler et d’approfondir les sujets politiques et économiques à propos de l’écosystème startups français. En novembre dernier, 101 startups gagnaient un financement auprès de trois business angels reconnus - Marc Simoncini, Xavier Niel et Jacques-Antoine Granjon – dans le cadre d’un concours de pitches. Près d’un an après, Maddyness tire un premier bilan détaillé de cette opération.


Il y a presque un an, le 18 novembre 2013, 300 jeunes entrepreneurs présentaient en une minute leur projet de startup sur la scène du Théâtre de Paris devant une salle comble de journalistes, de fondateurs de jeunes pousses et, surtout, d’investisseurs.

Leur tâche était alors de convaincre ces derniers, a fortiori le jury composé de trois grands business angels : Marc Simoncini (Meetic), Xavier Niel (Free) et Jacques-Antoine Granjon (vente-privee.com). Ces grands noms du numérique ont été en effet les instigateurs de ce concours de pitches qui avait pour but de financer 101 projets d’entrepreneurs de moins de 25 ans, à hauteur de 25 000 euros.

A relire : Découvrez la liste complétée des #101projets qui recevront 25 000 euros chacun

Juste un coup de communication ?

Si chaque jeune entrepreneur a été ravi de cette expérience, où il a dû présenter son projet d’entreprise en un temps très réduit – une minute seulement ! –, ceux qui ont été sélectionnés ont eu une mauvaise surprise. Car après le tweet de Marc Simoncini annonçant les heureux bénéficiaires de l’enveloppe de 25 000 euros, un mail a suivi. Celui-ci déterminait les conditions de ce financement.

Beaucoup ont alors réalisé qu’il ne s’agissait alors pas d’une subvention mais bien d’obligations convertibles. Cet outil financier permet de contracter de la dette, en offrant la possibilité de la rembourser en part du capital.

« Nous ne souhaitions pas accueillir d’investisseurs externes, car nous voulions éviter de céder une partie de notre capital à ce stade de développement. Or, ce financement induisait de transformer la dette obligataire en actions dans notre société au bout de deux ans. Par conséquent, par rapport à notre projet de gouvernance, nous avons trouvé plus adapté de recourir à Ulule, une plateforme de crowdfunding. », explique Aurèle Charlet, co-fondateur de In’Bo.

Le producteur d’objets en bois In’Bo a ainsi levé 60 000 euros sur la plateforme, en l’échange de 180 paires de lunettes, 30 skateboards et 4 vélos. Non seulement l’entreprise fondée par quatre ingénieurs a renforcé sa trésorerie, mais l’équipe a également validé le projet en termes d’attractivité des produits commercialisés et a offert incidemment de nombreuses retombées dans les médias... le tout sans dilution des fondateurs au capital.

Des startups ont renoncé au financement

Cette incompréhension a mené une part non négligeable de startup à renoncer à l’aide, chacune pour des raisons différentes. Ainsi l’entreprise Jimini’s, offrant une gamme d’insectes aromatisés pour l’apéritif, a préféré passer la main car les 25 000 euros de trésorerie... lui aurait coûté beaucoup plus cher en capital, quelques semaines seulement après les avoir touchés !

En effet, ces obligations se convertissent en actions, dès qu’une levée de fonds est négociée. Le montant prêté est dont transformé en part de capital en fonction de la valorisation de la société, moins une décote de 25%. C’est cette décote qui permet la rémunération des trois investisseurs de 101 projets.

« Pour nous, accepter cet argent était contre-productif car nous allions conclure notre première levée de fonds, qui couvrait notre besoin de financement, sans avoir à accorder de décote. Accepter ces obligations convertibles nous aurait donc coûté beaucoup plus cher en capital que l’argent apporté initialement, quelques semaines seulement après avoir touché le cash », témoigne Bastien Rabastens, co-fondateur de Jimini’s.

Néanmoins, le fait d’avoir travailler son pitch et d’avoir été sélectionnés a tout de même offert à la société une certaine crédibilité, notamment auprès de ses nouveaux investisseurs

Une aide surtout destinée à l’amorçage

Mais surtout, ce sont les entreprises dans une dynamique d’amorçage qui avait le plus besoin de ce type de financement. Déjà, l’argent était prêté sur deux ans, avec un taux d’intérêt de seulement 1%. Puis il devait être remboursé à terme, soit en cash soit en capital pour les startups qui réussissent une levée de fonds dans ces délais.

« Après avoir rencontré de nombreux business angels et banquiers, je commençais à m’inquiéter. Je n’arrivais pas à les convaincre car je n’avais encore rien commercialisé et que mon secteur, celui du camping, n’est pas porteur de marges significatives. Alors ces obligations convertibles sont arrivées à point nommé ! », précise Joseph Léopold, fondateur de la startup Gamping.

L’entreprise proposant des solutions de camping chez l’habitant, sorte de Airbnb de la tente, a touché l’argent en mai dernier et dispose de deux ans pour le rembourser. Surtout, cette aide lui a permis de trouver un associé développeur web, indispensable pour son projet. Ce dernier n’a alors eu que peu d’argent à mettre au pot pour faire partie de la startup.

Un tremplin pour d’autres financements

Certains entrepreneurs ont également eu la chance de bénéficier d’une aide supplémentaire. Ce fut le cas de l’agence de design nantaise spécialisée dans l'innovation d'usage Pulse and Pulpe. La startup a non seulement été prévenue du concours grâce à un tweet de son incubateur, celui de l’école Audencia Nantes, mais a également vu le financement doubler par ce dernier.

« Nous avons donc eu 25 000 euros en obligations convertibles mais également 10 000 euros de subventions versées par notre incubateur et des services d’accompagnement pour l’équivalent de 15 000 euros au sein de l’incubateur. Ainsi, nous avons bénéficié de 50 000 euros de financement début juillet dernier ! », note Jonathan Charier, co-fondateur de Pulse and Pulpe.

Mais surtout, cet investissement de la part de Marc Simoncini, Xavier Niel et Jacques-Antoine Granjon permet d’avoir une certaine crédibilité pour frapper aux portes de nouveaux investisseurs. Ainsi, fort de ce label 101 projets, la jeune agence de design espère bien lever 300 000 euros d’ici la fin du premier semestre 2015.

De quoi développer son business

Côté banque, 101 projets est aussi un tremplin. Par exemple, l’entreprise de distributeur de jus d’orange pressé, L’orangerie de Paris, a réussi à utiliser les 25 000 euros reçus dès décembre dernier pour renforcer ses fonds propres et présenter un bilan solide. Grâce à cela, la banque CIC lui a accordé le prêt de 72 000 euros nécessaire pour financer la construction de ses dix premiers distributeurs, capables de presser des oranges à la demande.

Mais, surtout ses liens avec les trois business angels lui ont aussi permis de développer son portefeuille client :

« Grâce au fait que nous pouvions contacter nos trois investisseurs à tout moment, j’ai eu de la chance de pouvoir proposer mes machines à ces patrons d’entreprise. Ainsi, nous avons un distributeur chez Meetic et deux chez Free. J’ai rendez-vous le 15 octobre chez Venteprivée.com pour proposer mes machines. Ces clients prestigieux permettent aussi de démarcher plus facilement de nouveaux prospects », témoigne Félix Canto, co-fondateur de L’orangerie de Paris.

Près d’un an après, ce dispositif a donc été particulièrement constructif pour toutes les entreprises qui étaient en situation d’amorçage. De nombreuses levées de fonds devraient d’ailleurs logiquement suivre en 2015-2016. Il est a parié que si ces dernières sont couronnées de succès, rendant rentable l’investissement de Marc Simoncini, Xavier Niel et Jacques-Antoine Granjon, les 101 projets pourraient alors renaître pour une deuxième édition. À suivre donc !