En votre qualité de professionnel, vous échappez à la réglementation protectrice du Code de la consommation, et notamment de ses articles L. 121-26 à L. 121-33, relatifs aux dispositions particulières aux contrats conclus à distance portant sur des services financiers. Cette exemption s’applique à tous les professionnels, que vous soyez ou non du même secteur d’activité que votre cocontractant, la jurisprudence étant à ce titre restrictive.


De ce fait, si vous ne maîtrisez pas l’ensemble des enjeux liés à la conclusion d’un contrat et/ou n’êtes pas accompagnés d’un conseil juridique pour ce faire, vous pourriez aisément devenir victime de certaines pratiques à la frontière de la légalité.

Au terme de ces ventes, appelées fort justement « one shot », vous vous retrouvez engagés par un contrat d’une très longue durée (bien souvent, au-delà de 48 mois), dont l’objet est en totale inadéquation avec vos besoins et attentes, quand les prestations commandées existent (la plupart du temps, ce n’est pas le cas).

Cette situation est toute particulièrement vraie, dans le cas des contrats de prestations informatiques, en amont desquels vous êtes démarchés par un ou plusieurs commerciaux, sans pour autant être clairement et précisément avertis que des sociétés de financement sont également de la partie. Les contrats sont alors signés dans des circonstances ne vous permettant pas de réfléchir à votre engagement, aux effets juridiques qui en découlent (sur votre lieu professionnel, pas de remise préalable du contrat, ni des CGV, signature immédiate, etc.), ou encore, le cas échéant, la présence d’un logo inconnu, qui se révèle être celui du bailleur financier.

Les médias et les réseaux sociaux se sont emparés de ce sujet il y a déjà plusieurs années mais le Gouvernement ne semble toujours pas avoir adopté de sanction dédiée. Prudence et attention sont donc de rigueur. A noter tout de même : la mise en ligne d’un guide du vendeur e-commerce par la DGCCRF, bien que non spécifique aux contrats conclus entre professionnels.

Si vous êtes concernés, sachez que vous êtes loin d’être le seul à subir ces lourds désagréments. L’action judiciaire est – malheureusement - à ce jour votre meilleure arme, les sociétés de financement considérées rejetant quasi-systématiquement toute solution amiable éthiquement acceptable.

Dans ce contexte, en amont de tout recours contentieux, il convient de préparer votre défense et de compiler l’ensemble des arguments et pièces susceptibles d’emporter l’intime conviction du Tribunal compétent. En la matière, la Cour de cassation ne s’est en effet encore jamais prononcée. Chaque litige est donc soumis à l'appréciation souveraine des juges du fond.

En droit, divers arguments peuvent être avancés à votre soutien :

1- La nullité du contrat, pour vice du consentement

En effet, selon les dispositions de l’article 1108 du Code civil, quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention, dont le consentement de la partie qui s’oblige. Or, il n’y a point de consentement valable s’il a été donné par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol (article 1109 du Code civil).

Le dol, défini à l’article 1116 du Code civil, s’entend des manœuvres pratiquées par l’une des parties, sans lesquelles l’autre partie n’aurait pas contracté. S’agissant des ventes « one shot », il s’agit concrètement de pressions ou de contraintes exercées par le « prestataire », en vue d’obtenir la signature d’un contrat déséquilibré.

Attention : le dol ne se présume pas, il doit être prouvé.

Ce fondement du dol est à ce jour le plus couramment retenu par les tribunaux, au soutien de la nullité du contrat litigieux.

2- La nullité du contrat, pour absence de cause

Au-delà du consentement, il ressort également de l’article 1108 du Code civil qu’un contrat n’est pas valable à défaut de cause.

La cause correspondant à l’intention qu’avaient les parties en signant le contrat, l’enjeu est ici de caractériser l’abus des clauses y relatives, afin que le Tribunal saisi constate que ledit contrat est en réalité dépourvu de cause et, par là-même, nul.

3- La nullité du contrat, pour défaut d’objet

Cet argument tend à se retrouver dans les toutes dernières jurisprudences, dans des cas bien particuliers.

En pratique, il implique de démontrer que le contrat conclu entre professionnels n’est pas intelligible, clair et précis, de sorte que le professionnel ne pouvait être valablement engagé. Matériellement, les prestations ne doivent pas être décrites et le montant réel de la contrepartie ne doit pas être fixé.

Juridiquement, ce moyen est difficile à prouver mais pas impossible, au regard des décisions récentes.

4- L’annulation du contrat, en raison du déséquilibre manifeste entre les parties

Argument subsidiaire tenant à conforter les effets néfastes des manœuvres dolosives du « prestataire », ce moyen s’appuie sur le principe consensuel des conventions, par lequel chaque partie doit consentir des concessions réciproques, pour que le contrat les engage régulièrement.

A l’appui de cette notion d’équilibre, l’article 1101 du Code civil dispose que le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.

En s’exonérant de ses obligations, le prestataire vide de sa substance le contrat et crée un déséquilibre manifeste, au détriment du signataire. L’appréhension d’un déséquilibre entre les parties, par les juridictions, est néanmoins très largement altérée, dès lors que ledit signataire est un professionnel.

Ainsi, quel que son secteur d’activité, en ce notamment compris s’il n’exerce pas dans le domaine du contrat, il est de jurisprudence constante que tout professionnel est réputé être suffisamment averti, pour comprendre et mesurer les engagements qu’il prend. C’est sur cette base que le professionnel ne peut pas revendiquer l’application des dispositions du Code de la consommation.

5- La résolution du contrat, pour inexécution ou manquement contractuel

Si l’article 1184 du Code civil pose en principe que la résolution doit être demandée en justice, la Cour de cassation considère, depuis un arrêt du 13 octobre 1998, que la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale.

Attention néanmoins : cette résolution unilatérale est faite aux risques et périls de son auteur. Il conviendra dès lors que vous puissiez justifier, par des éléments probants, de la gravité du manquement constaté, comme par exemple, une inexécution caractérisée.

6- L’interdépendance des conventions de prestation et de location financière

Enfin, depuis deux arrêts de la Cour de cassation en date du 17 mai 2013, la Haute Juridiction a consacré l’interdépendance des contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans le cadre d’une opération incluant une location financière.

Dans ce contexte, il a été précisé que les clauses inconciliables avec cette interdépendance sont réputées non écrites. Selon cette consécration des plus techniques, un dernier moyen pour vous défendre consiste donc à faire valoir l’interdépendance des contrats conclus entre le professionnel et le « prestataire », d’une part, et entre ce même « prestataire » et le bailleur financier, d’autre part et à démontrer le caractère inconciliable des clauses en question.

En conclusion : si vous êtes confrontés, en votre qualité de professionnel, à une telle problématique, vous n’êtes pas démunis de toute action. Les moyens juridiques à mettre en œuvre, afin de tenter de constater la malveillance des acteurs en présence et la décharge de votre responsabilité, sont toutefois complexes, nécessitant bien souvent l’accompagnement d’un conseil qualifié.

Ce, dans l’espoir d’une éventuelle réforme, visant à reconnaître le statut particulier du professionnel, qui n’exerce pas dans le secteur d’activité du contrat et qui, de par les agissements malhonnêtes de personnes peu scrupuleuses, subissent de véritables préjudices.

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