Alors que l'examen en séance publique du projet de loi pour une République numérique et de ces amendements a débuté hier, mardi 26 avril, au Sénat, le Conseil national du numérique s’inquiète de certaines dispositions du texte qui sont en décalage avec les ambitions affichées par la France en matière d’open data.

Le Conseil tient tout d’abord à saluer la volonté des pouvoirs publics d’affirmer un principe d’ouverture par défaut et de libre réutilisation des données publiques au sein du projet de loi pour une République numérique, à l’approche du Sommet mondial pour un gouvernement ouvert (PGO). “Le mouvement vers plus d'ouverture est une nécessité autant démocratique qu'économique. On ne peut pas se permettre de ralentir la capacité d'innovation de la France”, soutient Mounir Mahjoubi, Président du CNNum. Aussi l’open data ne doit pas être vu uniquement comme une charge par les services publics et les entreprises publiques, mais plutôt comme un investissement durable pour la société.

Si la loi relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public renforce déjà les dérogations au principe de gratuité, le Conseil craint que le projet de loi pour une République numérique ne soit l’occasion de nouveaux reculs en matière d’open data. Le texte adopté en Commission des lois pourrait avoir pour effet de ralentir le développement de l’open data en multipliant les voies de dérogations, voire de complexifier le travail des administrations désireuses de libérer leurs données.

Il serait dommageable que le débat au Sénat marque un coup d’arrêt à la stratégie d’ouverture des données publiques. “Ne manquons pas le rendez-vous de l’open data”, alerte Yann Bonnet, secrétaire général du CNNum, “Ces données publiques sont notre patrimoine commun. Les citoyens et les entrepreneurs doivent pouvoir s'en saisir pour créer plus d'utilité pour tous.” Le CNNum appelle donc les parlementaires à se saisir pleinement de ces sujets à l’occasion de l’examen du projet de loi pour une République numérique, et à proposer des pistes d’amélioration.

En premier lieu, le CNNum alerte les pouvoirs publics sur les voies de contournement légales aux obligations d’ouverture des données, qui brouillent le message adressé aux administrations :

  • Aussi, le Conseil craint que la faculté accordée aux administrations d’évaluer l’intérêt de libérer une donnée en fonction du nombre de sollicitations dont elle fait l’objet (articles 1er ter et 4.4°) ne serve de prétexte pour retarder l’ouverture de certaines données. Il rappelle à cette occasion que ce qui fait la valeur d’une donnée, c’est sa réutilisation sous des formes parfois inattendues ;
  • D’autre part, le Conseil met en évidence la tentation de prioriser les avantages concurrentiels au détriment de l’ouverture des données. Le renforcement à l’article 7 de l’exception pour l’administration détenant des droits de propriété intellectuelle sur les bases de données produites dans l’exercice d’une mission de service public soumises à la concurrence risque de vider de sa force la stratégie open data dans des secteurs aussi clé que les transports ou l’énergie. Cette disposition peut même entrer en contradiction avec le principe de spécialité des établissements publics.

En second lieu, le CNNum rappelle la nécessité d’accompagner et de soutenir les administrations dans l’ouverture de leurs données. Or certaines dispositions du projet de loi pour une République numérique sont susceptibles de compliquer le travail des administrations en ajoutant de nouvelles obligations :

  • Aussi, dans un souci d'assurer une bonne administration, une utilisation efficiente des deniers publics et le respect des dispositions assurant la protection de la vie privée, le Conseil propose de ne pas inscrire dans la loi le principe d'étude de risque préalable systématique avant toute ouverture des données (article 4.8°). S'il est certain qu'une telle analyse s'impose pour certains jeux de données, les études préalables ne devraient se limiter qu'aux seules données dont le traitement par des tiers pourrait faire courir un risque de réidentification. Le Conseil propose également de renforcer l’instruction ex-post des risques de réidentification, notamment à travers le lancement de programmes de recherche et de veille sur les risques de réidentification.
  • Enfin, les articles 4.6° et 10 précisent que seul le contenu des bases de données peut être soumis à l’obligation d’ouverture, et non pas la structure même de la base. Aussi, les administrations et les délégataires de service public seront contraints de scinder les éléments de la base de données, avant de les diffuser sous une forme déstructurée et donc difficilement réutilisable par un tiers. Le Conseil souligne la charge de travail et le coût induits par une telle obligation. C’est pourquoi il appelle à ce que l’obligation d’ouverture s’applique directement à la base de données à moins qu’elle ne fasse l’objet de droits de propriété intellectuelle détenus par des tiers.