Lancé en 2013 par Kima Ventures, le programme Kima15 donnait l’opportunité à des startups de lever 150 000 dollars en échange de 15% du capital de l’entreprise. Kima se donnait 5 jours pour prendre une décision et promettait de verser les fonds en moins de 15 jours. Aujourd'hui, le programme a été abandonné. Retour sur les raisons de l'échec de Kima15 et les leçons tirées dans un post initialement proposé sur Medium par Vincent Jacobs de Kima Ventures.

Il y a de cela quelques semaines, j’assistais à une conférence sur les startups à Lisbonne. J’ai été agréablement surpris de voir que Kima Ventures était bien connu des participants. J’ai cependant remarqué que ce qu’ils connaissaient de Kima était son programme Kima15 (notre offre fixe de 150 000 dollars contre 15% en 15 jours) et pensaient qu’il s’agissait du seul type d’investissement réalisé par Kima Ventures.

Considérant Kima15 comme l’unique offre que proposait Kima, les entrepreneurs qui cherchaient à lever plus de 150 000 dollars ou ceux qui recherchaient une valorisation supérieure à 1 million de dollars n’envisageaient pas Kima Ventures comme une source d’investisseurs potentiels. Ils pensaient en effet que leur recherche de fonds n’intéresserait pas Kima (alors qu’elles nous auraient, en réalité, parfaitement convenues).

Depuis le lancement de Kima 15, nous avons tenté (et échoué) d’expliquer clairement que Kima Ventures investissait 100 000 à 200 000 dollars par entreprise, selon des modalités souples au cours de tours de seed ou de SERIE A que nous menions ou auxquelles nous participions. Et que nous avions aussi, une offre fixe, Kima 15, avec des termes fixes, mais qui représente seulement une petite part de notre stratégie globale d’investissement.

Malgré cela, l’existence de cette offre a continué à semer la confusion. Afin d’éviter cette confusion dans le futur, nous avons décidé de mettre un terme à l’offre Kima15 et n’acceptons plus de nouvelles candidatures Kima15 via AngelList.

Nous continuerons à investir tôt et souvent (vous pouvez suivre le portfolio actuel et même notre circuit d’évaluation en temps réel) mais nous n’accepterons désormais que les candidatures soumises depuis notre site web via un formulaire unique.

Petit historique : 

Kima Ventures a été fondé en 2010. En décembre 2013, nous avons constaté qu’une partie du marché des capitaux d’amorçage était peu considérée et avons lancé Kima15. Ce programme permet aux startups de candidater, en utilisant leur profil AngelList, afin de lever 150 000 dollars auprès de Kima Ventures en échange d’une cession de 15% des parts de leur entreprise. De la demande à la réception effective des fonds, le processus dure 15 jours. Nous avons mis en place un Service Level Agreement (Contrat sur le niveau de service) qui garantissait aux candidats que nous étudions chaque demande, que nous rendions une décision en cinq jours et bouclions l’investissement en quinze. Nous avons publié le termsheet, basés sur celui de Seedsummit, que nous utilisions pour chaque investissement Kima15 sans modification ou négociation. Nous voulions apporter rapidité et transparence à un processus qui était, en général, lent et opaque.

Ce qui a fonctionné :

Beaucoup de startups se sont révélées intéressées par l’offre

Au total, nous avons reçu 3 177 candidatures directes pour Kima15 (une moyenne de 3,2 demandes par jour en 32 mois d’existence). Cela montre qu’il y a une véritable demande de financement rapide à ce niveau de valorisation (nous avons demandé à toutes les entreprises de confirmer qu’elles acceptaient les conditions de candidature). Je suppose que les chiffres étaient en partie dus à la simplicité de s’inscrire à notre programme via AngelList grâce à leur profil existant ainsi qu’à la visibilité de l’offre sur AngelList. Beaucoup de startups ont spécifiquement cherché Kima15 sur la plateforme et se sont crées un profil pour pouvoir candidater au programme.

Le portfolio Kima15 se porte globalement bien

Alors que nous ne communiquons pas sur les entreprises dans lesquelles nous avons investi via le programme Kima15 (les entreprises préfèrent habituellement garder leur valorisation privée) et les traitons comme tout autre investissement, on note qu’une poignée d’entreprises de Kima15 ont réussi d’importantes levées en Serie A et que la valeur théorique de nos parts dans ces entreprises compense grandement les pertes induites par les entreprises Kima15 qui n’ont pas réussi. Étant donné le faible nombre de valorisations à 1 million de dollars, lever une Serie A suffit à nous permettre de faire une plus-value plus importante que si nous avions investi dans une levée de  seed classique.

Une offre fixe peut également être proposée aux entreprises qui n’ont pas candidaté.

Dans certains rares cas, nous avons utilisé le service Kima15 pour investir dans des entreprises qui n’avaient pas explicitement candidaté pour ce programme d’investissement. Si l’investissement seed utilise habituellement des clauses types, avoir un termsheet et une valorisation auxquelles se référer lorsque nous rencontrions une jeune pousse qui nous intéressait a rendu les choses plus simples. Cela nous a également permis de faire une offre plus rapidement et de boucler ces investissements au lieu de leur demander de revenir quand elles auraient généré plus de traction.

Mener les discussions autour de l’investissement early-stage

Il y a trop peu d’innovation en matière d’investissement early-stage. Trop peu de fonds d’investissements tentent de nouvelles choses. Lorsque Kima15 a été lancé, nous avons reçu une grande couverture médiatique (TechCrunch, Pando, Tech.eu, WSJ) et avons créé la discussion sur des sites tel que Hacker News. Je crois que nous avons été le premier fonds de capital-risque à garantir un temps de réponse et à offrir un Service Level Agreement. Depuis, une partie de ce que proposait Kima15 a été repris par d’autres fonds de capital-risque amenant plus de transparence quant à leurs conditions et processus d’attribution de fonds.

Ce qui n’a pas fonctionné :

Nous avons réalisé bien moins d’investissements que prévu

Au lancement, notre but était de réaliser « 50 nouveaux investissements dans les douze prochains mois via Kima15 ». Nous n’y sommes pas parvenus. Les chiffres sont loin des 50 investissements annuels. Bien que nous ayons reçu beaucoup de candidatures, leur qualité était faible (ou nos attentes étaient trop élevées) comparée à celle des entreprises qui candidataient via notre site ou via notre réseau. Même lorsqu’il s’agissait de valorisation à un million de dollars, nous trouvions difficile de justifier l’investissement de 150 000 dollars dans beaucoup des entreprises candidates et notre pourcentage de candidats financés dans le cadre de Kima15 était plus bas que celui via d’autres canaux entrants.

Les conditions étaient contraignantes 

Nous avions décidé d’une contrepartie de 15% pour un investissement de 150 000 dollars, somme qui était en dehors des standards, et à ce moment la valorisation semblait légitime pour une toute jeune startup qui levaient des fonds pour la première fois (et l’utilisation du « 15 » était impactante). Cela limitait la capacité des entreprises de Kima15 à lever plus (elles y étaient autorisées mais cela aurait causé plus de dilution des parts) ce qui bien souvent se traduisait par courbe de croissance trop courte de ces sociétés. La valorisation offerte a également mené à des candidatures étrangères venant d’écosystèmes startups moins développés (ce qui peut être une bonne estimation en Europe peut ne pas l’être à San Francisco), excluant automatiquement les entreprises de même niveau sur des marchés plus développés.

Le choix d’une structure en actions (plutôt qu’en dettes convertibles) et le fait que l’on envisageait d’investir dans n’importe quelle domaine a également limité la flexibilité et la rapidité de clôture à cause de la complexité des formalités juridiques. Il y a eu, depuis, beaucoup de progrès quant à la standardisation des pactes d’associés (SAFE, KISS, AIR etc.) qui auraient pu être utilisée afin de simplifier l’offre Kima15.

Nous n’avons pas toujours su rester en adéquation avec le SLA

Le Service Level Agreement garantissait « une décision en cinq jours ouvrés à la suite de la soumission de candidature via AngelList ». Ce délai était assuré en entrant chaque entreprise dans notre base de données CRM et en faisant voter chaque membre de notre équipe pour qu’il indique avec quelle entreprise il souhaitait poursuivre. Dans la plupart des cas où tout le monde votait « non », les entreprises recevaient une réponse rapide, dans le délai promis. Mais dans le cas d’entreprises où un collaborateur avait voté « oui », cela demandait plus de temps pour convenir d’un entretien téléphonique et prendre une décision : parfois, cela dépassait allègrement les cinq jours. Le but était alors de boucler l’investissement en quinze jours, mais cela prenait invariablement plus de temps.  Nous réussissions à y parvenir lorsqu’il s’agissait d’entreprises simples à la structure standard aux États-Unis ou en France. Mais dès lors que le cas était plus compliqué (activité inhabituelle, actionnaires déjà engagés etc.) il nous fallait plus de temps.

Le positionnement de Kima Ventures

Comme expliqué dans l’introduction, malgré nos tentatives d’expliquer que Kima15 ne représentait qu’une seule offre et que la plupart de nos investissements étaient réalisés en dehors de ce programme, sous des conditions souples, les gens continuaient à penser que Kima15 était notre unique offre. Aussi, des entrepreneurs qui bouclaient des tours plus importants ou qui cherchaient une plus forte valorisation n’ont pas envisagé Kima Ventures comme source d’investissement potentielle. Ils pensaient que leurs requêtes ne nous intéresseraient pas alors que ces levées étaient exactement en adéquation avec notre activé.

Ce qui nous attend

Afin d’éviter la confusion sur l’activité de Kima Ventures, nous avons retiré le formulaire spécifique à Kima15 de la plateforme AngelList et n’accepterons plus de candidatures pour cette offre.

Nous continuerons à investir tôt et souvent (vous pouvez suivre le portfolio actuel et même notre circuit d’évaluation en temps réel) mais nous n’accepterons désormais que les candidatures soumises depuis notre site web via un formulaire unique (si vous êtes intéressés par un financement de 150 000 dollars pour une valorisation  à 1 million, vous pouvez toujours l’indiquer dans le formulaire lors de la question sur le financement).

En réponse à la gestion de Kima15 et pour trouver des moyens d’appliquer les dispositions du SLA, nous avons passé les dernières années à développer plus de logiciels nous permettant d’évaluer rapidement les entreprises qui demandent un financement. Nous continuerons à les utiliser pour tous les nouveaux candidats et cela devrait nous permettre de répondre très rapidement à chaque entreprise qui nous contacte, en les traitant conformément au SLA de Kima15.

Désormais, nous offrons même un numéro de suivi à chaque candidat.

À relire : [Finance] X.Niel et J.Berrebi lancent Kima15: 150 000 dollars en 15 jours pour 15% d’equity