Guillaume Cairou, président du groupe de portage salarial Didaxis, revient sur les raisons qui poussent les jeunes à abandonner leurs projets de création d'entreprises malgré une très forte envie initiale.

« Le problème avec les Français, c’est qu’ils n’ont pas de mot pour entrepreneur » : S’il fallait retenir un seul des fameux « bushismes », ces néologismes renvoyant aux pires inepties prêtées à l’ancien président américain George W. Bush (2001-2009), ce serait sans aucun doute celui-ci.

Non content d’être le reflet de la plus pure ignorance linguistique, il consacre en effet la persistance d’un préjugé éminemment faux, qui présente le Français moyen comme une sorte de « fonctionnaire né », incapable de faire preuve d’initiatives concrètes ou d’aspirations créatives orientées vers le « business », le monde de l’entreprise et, au-delà, les secteurs les plus à la pointe de l’économie d’aujourd’hui.

Un tel stéréotype a, hélas, la vie dure, bien qu’il soit allègrement battu en brèche par les succès que connaissent certaines pépites originaires de l’Hexagone, nées en France mais d’ores et déjà incontournables dans le reste du monde, qu’il s’agisse de BlaBlaCar, Criteo, Sigfox et consorts dont la seule mention du nom suffirait d’emblée à confondre les plus sceptiques.   

Économie collaborative, santé connectée, internet des objets, FinTech, Blockchain, etc. : les domaines innovants dans lesquels brillent nos jeunes pousses témoignent en effet du rôle incontournable qu’exercent les entrepreneurs afin d’accompagner, et bien souvent d’initier, les transformations spectaculaires de nos modèles d’activité et de société

Et les prétendants à cette véritable mission d’« évangélisation » ne manquent pas, si l'on s'en réfère à plusieurs études récentes qui expriment la forte d’envie d’entreprendre des jeunes générations, nonobstant la persistance de cette crise économique, sociale et sécuritaire dont l’apparente fatalité n’a heureusement pas bridé toute initiative ou envie d’indépendance !

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Ils sont ainsi 36% d'élèves de prépas économiques et commerciales à vouloir créer leurs propres structures à l’issue de leurs études, selon l'étude Edhec NewGent Talent de 2016, une proportion qui s’élève à 64% chez les 18-25 ans dans leur ensemble selon une étude réalisée en novembre 2014 par le Club des Entrepreneurs, réseau de 18 000 membres que j’ai l’honneur de présider depuis sa création.  

L’attrait qu’exerce l’entrepreneuriat auprès des jeunes est indéniable, mais peine le plus souvent pourtant à se traduire en actes, semblable à cette « tentation de Venise » comprise comme un rêve inabordable à jamais inassouvi et décrite dans un célèbre ouvrage de 1993 par un de nos hommes politiques les plus en vue.   

À l’heure où seuls 4% des diplômés de l’enseignement supérieur lancent leurs entreprises, les causes d’une telle déperdition sont multiples, et dans certains cas connues et identifiées de longue date, qu’il s’agisse par exemple des effets de seuil, une fois franchi le cap des 50 salariés, ou de cette insupportable instabilité fiscale propre à dissuader les plus téméraires.

Cette dernière pèse en particulier sur la législation des stock-options ou des plus-values de cession, autant d’outils sommairement diabolisés en France et pourtant au service de la création d’entreprise chez nos voisins britanniques, allemands ou américains et qu’il serait urgent de « sécuriser » au plus vite dans le marbre de notre droit. 

Outre ces blocages institutionnels ou juridiques que l’auteur de ces lignes a déjà dénoncé à plusieurs reprises,  c’est tout un état d’esprit qu’il est désormais urgent de changer, afin de favoriser le goût pour la prise de risque dès le plus jeune âge et diminuer par la même occasion la crainte de l’échec.

Alors que les familles et l’entourage en général manifestent toujours une méfiance de principe envers la « carrière » d’entrepreneur, avec 93% des parents rassurés à l’idée de voir leur enfant devenir salarié (étude Club des Entrepreneurs – novembre 2014), l’économie française souffre en profondeur de cette excessive prudence.  

En dépit de taux de croissance parfois éclatants, certaines startupers françaises préfèrent ainsi céder rapidement leurs entreprises à de grands groupes étrangers, au nom d’une « morale » qui préfère en rester sur une éphémère réussite et éviter ainsi toute déconvenue.  

Il revient donc aux responsables politiques, éducatifs et à nous, chefs d’entreprise, de bouleverser ces mentalités et rappeler que les champions de l’économie de demain n’existent pour la plupart pas encore, tout comme 6 métiers sur 10 exercés à l’horizon 2030 (étude Wagepoint – 2015). C’est aux entrepreneurs qu’il revient de les créer. Encourageons-les de toutes nos forces à relever le défi.