À horizon trente ou quarante ans, il y a fort à parier que les compagnies VTC proposeront des trajets à prix cassés grâce aux voitures sans conducteurs. Or, on le voit aujourd'hui, de nombreuses questions se posent déjà : Comment vont être programmées ces voitures quand il s'agira de faire un choix de sacrifice de vie humaine en cas d’accident inévitable par exemple ? Le développement des voitures sans chauffeur est en réalité aujourd'hui plus freiné par des questions éthiques et philosophiques que par des problèmes techniques ou mécaniques.

Au début du mois d'août 2013, au cœur des conflits entre les taxis et les VTC, Google Ventures, le fonds d'investissement de Google, a investi 258 millions dans le plan de développement d'Uber à l'international. Bien que n'étant pas l'actionnaire majoritaire, Google, inventeur des voitures sans chauffeur Google Car, siège donc aujourd'hui au conseil d'administration d'Uber. Après plusieurs déploiements dans des villes de test, le constat est globalement positif. Ces voitures de nouvelle génération, grâce aux technologies et algorithmes embarqués, permettent de fluidifier le trafic et d’éliminer jusqu'à 90% des accidents routiers tout en ayant une empreinte énergétique inférieure aux voitures actuelles.

Une étude sur le comportement à suivre des voitures autonomes en cas d'accident inéluctable a été menée par le CNRS sur un échantillon de deux milles personnes. Imaginons qu'un individu traverse la route brutalement en coupant la trajectoire d'une voiture autonome en vitesse de croisière. L'algorithme doit-il être conçu afin de percuter le piéton ou bien de déporter la voiture contre un mur adjacent au risque de tuer le conducteur ? L'étude montre que de nombreux facteurs influencent la décision des personnes sondées. Le piéton pourrait être une personne âgée, un enfant ou bien un groupe de personnes. Le véhicule pourrait transporter seulement le conducteur ou bien plusieurs personnes, dont des enfants. Le conducteur pourrait être une personnalité importante …

Ces questions sont en réalité des dilemmes philosophiques n'ayant pas de solution tranchée et dépendant principalement de la morale déontologique ou utilitariste de chacun. Les résultats de l’étude sont néanmoins clairs, 75% des personnes sondés sont d'accord pour sacrifier le conducteur d'une voiture autonome si plusieurs vies de piétons sont engagées, mais paradoxalement, ils ne souhaiteraient pas acheter ni utiliser cette voiture sachant que ces choix ont été faits par les constructeurs.

Qui du constructeur ou du conducteur devrait prendre cette décision ?

Un réel dilemme, et question sociétale de demain, se pose à nos constructeurs. Plusieurs options se profilent pour eux. Ils peuvent concevoir des technologies et algorithmes pour diminuer le risque d'accident inévitable. La voiture évoluant, son design pourrait être repensé à des fins fonctionnelles. Nous pourrions imaginer une caméra surélevée sur le toit ou une escorte par un drone afin d'augmenter la visibilité par exemple.

Cependant, le risque zéro n'existant pas, il est probable qu'un accident inévitable puisse toujours se produire. Les constructeurs pourraient donc laisser choisir aux consommateurs parmi plusieurs paramétrages de l'algorithme en question, en fonction de leurs convictions personnelles.

Le déploiement massif des voitures autonomes aura des impacts importants dans la société et notamment pour les entreprises d’assurances. Ces compagnies vont devoir revoir en profondeurs leurs contrats. Elles devront offrir de nouveaux services liés aux nouveaux risques : une protection contre la cybercriminalité par exemple. Le nombre d'accidents étant fortement réduit, les clients sont en droit d’espérer des contrats moins coûteux. De plus, le conducteur ne dirigeant plus le véhicule, elles pourraient établir un barème de prix dégressif non plus en fonction du profil de celui-ci, mais des versions logicielles et technologiques embarquées. Le métier lui-même sera aussi bouleversé, et notamment au niveau de la relation client. Les assureurs ne vont plus traiter directement avec les conducteurs, mais avec les constructeurs automobiles.

L’administration Obama avait d’ailleurs présenté au congrès des réglementations le 19 septembre dernier, afin d’encadrer ces questions éthiques, de faciliter l’approbation du gouvernement pour de nouveaux essais dans les villes de test et donner plus de transparence aux résultats obtenus.