Il devait envahir le ciel et nous suivre partout. Mais à peine le décollage amorcé, le drone grand public semble déjà battre de l’aile. Les fabricants ont peut-être largement surestimé l’engouement du public pour des joujoux peu utiles et très chers.

Toujours plus perfectionnés : les derniers drones de loisirs ressemblent à de véritables aéronefs. Le Disco, une aile volante de Parrot se pilote «en immersion» grâce à des lunettes spéciales, tandis que le Mambo est capable de saisir des objets ou de lancer des billes en plastique. Yuneec, une startup chinoise soutenue par Intel, a crée un engin capable de détecter et d’éviter les obstacles de façon autonome. Le français Hexo et le Chinois DJI ont lancé des drones autonomes qui suivent et filment l'utilisateur.

Cette débauche de technologie cache pourtant une réalité moins brillante : le ciel commence à être bien encombré pour tous ces drones grand public. Au CES de janvier 2017 de Las Vegas, pas moins d’une douzaine de fabricants s’étalaient dans deux halls différents. Une guéguerre qui commence déjà à faire pas mal de victimes.

Flops en série chez les fabricants

Le 9 janvier dernier, Parrot, leader du marché, a annoncé de revenus en recul de 29% sur un an. Son cours de Bourse s'est effondré de 62% dans le même temps pour atteindre 9 euros. Une débâcle largement due à son activité drones grand public, qui pesait la moitié de ses revenus en 2015. GoPro, le spécialiste des caméras embarquées, a lui aussi connu un flop monumental en 2016 avec un rappel massif de son gadget high tech Karma, du à des «problèmes techniques». 3D Robotics, une startup de la Silicon Valley présentée comme un futur leader du drone, a carrément jeté l’éponge après le lancement désastreux de son engin Solo. Dernier échec en date de cette liste (non exhaustive) : Lily Camera, une startup qui avait pourtant déjà récolté 34 millions de dollars de précommandes sur Kickstarter pour son «drone-selfie». La jeune pousse a mis la clé sous la porte le 12 janvier. Signe qui ne trompe pas : les capitaux investis dans les fabricants de drones ont chuté de 60% au 3e trimestre 2016 par rapport à l’année précédente.

Les ventes progressent, mais…

Le marché est pourtant en forte croissance : 31% et 375 000 ventes en France en 2016 selon GfK. Mais quand on part de rien (le drone de loisir était encore quasi inexistant il y a trois ans), les chiffres sont forcément impressionnants. Et ont fait tourner la tête. Parrot n’avait ainsi pas hésité à investir 300 millions d’euros dans cette activité en 2015. Un eldorado qui a tourné court. Il y a d’abord la concurrence des chinois comme DJI qui n’hésitent pas casser les prix. A Noël, ce dernier a ainsi bradé son bestseller, le Phantom 3, à 300 dollars (contre plus de 1000 dollars en temps normal). «Le prix moyen s’établit à 188 euros», détaille Angela Diaz, en charge du marché des drones chez GfK. «On est essentiellement sur de l’entrée de gamme».

Hélas, le problème ne vient pas seulement du prix. «Il y a quatre ans, on présentait un objet qui vole quand on appuie sur un bouton et c’était suffisant», reconnait Adam Lisberg, un porte-parole de DJI. Aujourd’hui, le consommateur n’est plus prêt à dépenser 1300 euros pour s’amuser dans son jardin. «Le drone de loisir ne sera jamais un objet de masse comme le PC ou le smartphone», confirme Lin Renxiang, un analyste du cabinet d’études iResearch. A l’instar de la montre connectée ou des lunettes de réalité virtuelle, le drone de loisir s’est vu trop beau. En se cantonnant à faire de belles images à poster sur Instagram, il risque fort de finir dans un placard après quelques semaines d’utilisation. «Il reste à trouver un usage vraiment disruptif», prône le site Internet The Verge.

Se recentrer sur le marché professionnel

Tout n’est pas perdu pour autant pour les constructeurs. Si le grand public boude les nouveaux objets volants, le drone professionnel semble lui bel et bien prometteur. Chez Parrot, cette activité était la seule à afficher une confortable croissance l'an dernier (entre 15 et 20 %), que l'entreprise compte encore voir s'accélérer en 2017. Surtout, le monde professionnel permet de développer une gamme de services associés, un peu comme les applications payantes pour les smartphones. 3D Robotics propose par exemple aux professionnels du bâtiment de cartographier un site en 3D tandis qu’Airinov (racheté par Parrot) permet aux agriculteurs d’optimiser l’épandage de fertilisants sur leurs cultures. Un service facturé 10 euros/hectare.

Mais là encore, méfiance. Les applications les plus médiatiques ne sont pas forcément celles qui marcheront. Se faire livrer une pizza ou ses cadeaux de Noël par drone ne risque pas d’être généralisé dans un proche avenir. En novembre 2016, Alphabet a ainsi mis en suspens son programme «Project King», testé depuis quelques mois pour livrer des repas par drone. Les ingénieurs ont été priés «de chercher un job ailleurs». Chez Uber ?