Franck Delorme, VC et business angel, a imaginé une série d’articles sur le développement aux U.S. d’éditeurs de logiciel français. En effet, compte-tenu de l’importance et de la taille de ce marché pour les acteurs du logiciel, y compris pour les sorties, aller se développer aux U.S est souvent considéré comme un must : c’est là-bas que se font –et se défont aussi parfois…– les succès de nos startups. Dans ce contexte, Franck Delorme a souhaité raconter l’histoire et l’expérience (do’s & dont’s, lessons learnt…) de ceux qui l’ont fait afin d’aider ceux qui envisagent d’y aller. Découvrez la huitième des 10 sociétés sélectionnées pour ce projet : Bonitasoft.

Un an après sa création, Bonitasoft fait une deuxième levée de fonds de 8 millions d'euros et le CEO-fondateur décide de partir aux U.S compte-tenu de la taille et du dynamisme du marché et d’une communauté open source très développée. Le CEO compte dans son Board Bertrand Diard, l’un des co-fondateurs de Talend, qui s’était lui-même installé à San Francisco 3 ans auparavant, le tout sur un business model très similaire.

Lors des premiers mois, Bonitasoft cherche à développer des partenariats stratégiques avec des éditeurs américains open source tels que Jaspersoft ou SugarCRM en leur proposant une intégration poussée de son moteur de workflow/BPM dans une approche partenariat technologique.

En s’appuyant sur l’expérience de Bertrand et le réseau de la communauté française de la Silicon Valley (chambre de commerce, Ubifrance, entrepreneurs français...), ils montent progressivement une équipe de vente/marketing/support client avec un mix d’américains « pur-souches » et de quelques salariés de la société française, pour lesquels l’expérience américaine représentait une opportunité de carrière motivante. Un VP sales U.S., basé à Boston, avec une forte expérience du secteur et ayant travaillé pour des sociétés Françaises est recruté. L’expérience initiale d’une petite structure avec 2 bureaux distants tourne court et au bout d’1 an le bureau de Boston est fermé. Un deuxième VP sales de nationalité américaine mais avec des origines allemandes est recruté à San Francisco.

La réplication du modèle de contrat de licence et de support qui avait fait ses preuves auprès des grands comptes en France trouve ses limites, les clients américains étant beaucoup plus exigeants en termes de qualité de service et de respect des engagements au niveau du support. Il a fallu revoir les process internes et les standards U.S. ont été finalement répliqués en France et en Europe.

Pour financer le développement américain, quelques VC U.S avaient été approchées mais les cycles étaient longs car ceux-ci préféraient investir dans une société de droit américain et voyaient la structure juridique en France comme une contrainte. Dans ce contexte la société privilégie un 3ème tour de table d’un montant de 10m€ en 2013 auprès de ses investisseurs historiques (3 fonds français) et de BPI France.

Début 2016 et avec une équipe US en place et un business en croissance, le CEO fondateur décide de rentrer en France pour passer plus de temps avec les clients et les équipes en Europe. Le VP sales américain assurant le rôle de country manager, avec une organisation matricielle au niveau du marketing, et du support client, les managers locaux étant rattachés fonctionnellement à leurs homologues en France. Le CEO continue de passer environ 1 semaine tous les 2 mois aux U.S. pour rencontrer les analystes, les grands clients/prospects et les journalistes.

Fin 2016 Bonitasoft a 20 personnes dans la filiale U.S (sur un effectif total de 100 collaborateurs) avec 3 bureaux (San Francisco, New York et Boston), et y réalise 40% de son chiffre d’affaires.

Les « lessons learnt » 

  • Avec l’expérience acquise lors des 3 premières années et le peu de traction auprès de ses partenaires stratégiques, Bonitasoft a fait évoluer son approche commerciale en vendant son offres directement auprès des grands comptes ; de ce fait une implantation initiale sur la côte Est où se trouve 75% de ses prospects aurait probablement été plus judicieuse.
  • Le fait d’être présent aux U.S. a contribué à la signature d’affaires importantes en France, UK, Espagne et Scandinavie, la société étant perçue comme une « global company ».
  • Le turn-over des salariés américains est bien sur plus élevé qu’ailleurs mais l’arrivé des jeunes ingénieurs français a permis de créer une dynamique et un environnent international aux US qui a contribué à la consolidation des équipes.
  • Enfin, le ticket d’entrée sur ce grand marché est assez élevé : environ 10m€ sur les 27,5 millions d'euros levés depuis la création ont été consacrés au développement de la filiale U.S

Franck Delorme est entrepreneur,  président et co-fondateur de Seed4Soft, administrateur de l’Association Française des Editeurs de Logiciel et Services internet (TECH’IN France) et siège au comité d’investissement du fonds CapHorn Invest.