Pas un jour ne passe, ou presque, sans l’annonce dans le paysage médiatique digital français d’une levée de fonds réalisée par une startup. Le nombre et le montant de ces tours de tables croissent quotidiennement : en France, 161 opérations pour un montant total de 646,95 millions d’euros ont été menées sur le premier trimestre 2017, en progression de 20% par rapport au premier trimestre 2016 (Financement start up – T1 2017 : le numérique en pole position (In Extenso), itepresso, 24 mai 2017).

Pourtant, 9 startups sur 10 disparaissent en moins de 3 ans ; la deuxième raison identifiée porte sur une gestion trop aléatoire de leur cash. Une utilisation à mauvais escient des fonds et l’aventure peut se transformer en la chronique d’une mort annoncée.

Pourquoi ? Que se passe-t-il lors de l’après levée de fonds ? Comment cet apport d’argent est-il appréhendé et utilisé ? Quels sont les écueils identifiés ? Peut-on les anticiper ? Existe-t-il des bonnes pratiques favorisant la pérennité d’une startup post levée de fonds ?

lever fonds

Une trentaine d’acteurs de cet écosystème, Dirigeants-Entrepreneurs, Incubateurs, Pépinières, Accélérateurs, Facilitateurs, Pôles de compétitivité, Ecoles, Business Angels et Fonds d'Investissement - de la région PACA, Aix Marseille principalement, et de Paris ont fait part de leur retour d’expérience. Certains effectuent à nouveau un tour de table. Chacun a un rôle et une approche qui lui sont propres ; en commun la volonté de réussir l’entreprise dans laquelle ils s’investissent et investissent : transparaissent alors différentes perceptions et analyses.

Une levée de fonds est souvent longue et éreintante. La phase de négociation, assimilable au jeu du chat et de la souris, peut être grisante et peut épuiser aussi ; certains dirigeants traversent la « LFblues » de l’entrepreneur post closing. Beaucoup d’erreurs en découlent notamment l’oubli de l’objectif premier et des modalités contractuelles de ce financement obtenu.

Pourquoi effectuer une levée de fonds ? Pourquoi investir dans une startup ?

Laurent Moy, C.E.O. et fondateur d’Aroma Therapeutics, créateur de l’aromacare le premier diffuseur connecté d’huiles essentielles, a une approche itérative. « Avec le recul et les expériences antérieures, c’est step by step avec une levée de fonds adaptée à mon besoin ; pour la dernière réalisée, la production est primordiale. Je passe du développement à l’industrialisation. Je dois donc finir le produit, outiller la chaine de production et honorer mes commandes. J’ai trois problématiques : les personnes, les finances et le commercial. Je me suis entouré d’une équipe à qui je fais confiance et à qui je sais pouvoir déléguer ».

A l’inverse, lors de sa dernière levée de fonds également relative à l’industrialisation de son produit « Hi », l’interphone vidéo connecté, Bruno Davoine, C.E.O. et fondateur de Fenotek, a choisi d’effectuer une levée de fonds conséquente, en s’appuyant sur les acteurs régionaux, pour justement éviter les séquencements. « J’ai 2 points à traiter : le produit et la commercialisation. Il faut maintenant que le chiffre de vente soit significatif ; avoir des racines fortes localement est une des clés. L’adhésion à P.Factory a été le gros phénomène déclencheur ».

Jean-Laurent Schaub, C.E.O. et co-fondateur de Ween, le thermostat connecté autonome, a suivi le même raisonnement : « nous passons en phase d’industrialisation avec la vente en magasin. Notre produit requiert un gros budget de Recherche & Développement, du hardware aussi, donc de gros investissements ; d’où une levée de fonds conséquente. Il faut maintenant assurer la traction et dégager du volume et du chiffre d’affaires (CA) ».

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Pour le même domaine d’activité (IoT) et un objectif à atteindre identique, les stratégies sont différentes. Selon la manière de fonctionner du fondateur, sa manière d’appréhender son besoin opérationnel et l’utilisation des fonds, la levée sera séquentielle répondant à une utilité précise pour un montant visé, ou, à l’inverse, globale, avec un montant plus élevé en s’appuyant éventuellement sur le réseau local pour se concentrer sur l’exécution de l’objectif à atteindre comme la traction via un produit innovant ou la commercialisation pour assurer la scalabilité.

Jean-Louis Hostache, Président fondateur de Conseil Plus Gestion, Société de gestion de portefeuille entrepreneuriale, confie que « l’investissement porte sur des Jeunes Entreprises Innovantes, décelées très tôt dans leur processus de développement en s’appuyant sur un véritable esprit de partenariat et d’accompagnement. Il faut garder en tête qu’un apport de fonds, quelle que soit sa forme, est réalisé sur une période donnée : c’est une souscription bornée dans le temps. Lors d’un nouveau tour de table, la question que je me pose est : ai-je envie de remettre au pot ? à quelle hauteur ? ». La préparation amont en favorise l’exécution. « D’où l’intérêt d’accompagner les jeunes entrepreneurs au tout début de leur aventure ». En effet, certains financeurs font partie de réseaux associatifs permettant l’émergence de nouvelles activités proposées par de jeunes créateurs entrepreneurs.

Denis Liotta, Entrepreneur, Business Angel (BA) fondateur de Netangels, un accélérateur privé -Startup Studio en Provence, indique « qu’investir en tant que BA dans une startup c’est un coup de poker ; une valorisation est posée, plus ou moins importante, mais je ne sais pas ce qu’il se passe dans l’entreprise. Lorsque j’accompagne, je peux influencer le porteur de projet ; Il faut savoir soutenir l’effet de levier insufflé par cette rentrée de fonds en allant chercher le chiffre d’affaires. Avec 20 K€, on sait si ça marche ou pas ».

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Ces 2 financeurs font part de la nécessité de connaître très tôt l’entreprise, son activité, l’équipe et aussi de leur volonté et besoin d’implication dans l’accompagnement pour choisir si oui ou non ils investissent. Connaître avec qui ils travaillent, sa manière d’être, son mode de fonctionnement et d’appréhension de la direction d’une entreprise est aussi important que le R.O.I. attendu ; par expérience, ces aspects conditionnent pour beaucoup la pérennisation de l’activité.

Effectivement, Laurent Moy (Aroma Therapeutics) précise bien que « lorsque je fais appel à des investisseurs car je ne peux pas financer moi-même, je dois pouvoir répondre à la question je dépense comment pour obtenir quoi ? Il faut donc bien préparer en amont le BP sur 3 ans : la stratégie et la tactique sont primordiales ».

D’ailleurs, Sébastien Rutigliano, CFO chez Jaguar Network, startup marseillaise, aujourd’hui PME florissante du numérique, ayant réussi la pérennisation de son activité, met l’accent sur le volet financier : « Effectuer une levée de fonds fait sens lorsque l'on constate une réelle plus-value ; accélérer le développement, capter de nouveaux marchés ou lancer le développement d’un cycle produit tout en permettant de sécuriser les personnes clés de l’entreprise en leur proposant d’entrer au capital. L’entrée d’un fonds au cœur de l’entreprise apporte un partenaire clé pour réaliser des investissements couplés à des capacités d’endettement et d'engagement supplémentaires. De nouveaux experts rejoignent ainsi les équipes des startups en apportant suivi, rigueur, conseils et des cibles marché ou de croissance externe potentielles. La difficulté réside pour le fondateur décisionnaire à trouver le moment opportun pour céder le contrôle à un fonds majoritaire. Si le fonds est majoritaire, la capacité financière sera, par définition, très élevée au détriment d’une indépendance de décision technique et d’une autonomie d’action immédiate. Si le fonds est minoritaire, l’entreprise sera structurée via les contraintes liées au cadre financier, législatif et documentaire du pacte d’associé mais le talent du fondateur sera à l'ouvrage. Dans tous les cas, le dirigeant fondateur doit garder la décision finale, étant le visionnaire et porteur du projet de l’entreprise, ce constat étant partagé dans toutes les configurations."

Le suivi du Business Plan après la levée de fonds importe tout autant...

.... voire plus, que son élaboration, sa revue suite au pacte est incontournable ; tout comme l’impact sur l’organisation interne de la création d’un pacte d’associé. Comment dimensionner l’équipe ? Quelle fonction a la priorité ? Comment faire pour trouver les bons éléments ?

Tous le diront. Rien ne se passe jamais comme prévu. Ce serait bien trop facile.

Le challenge réside dans la simultanéité entre la capacité à faire pour dérouler le Business Plan et la capacité à analyser, statuer, choisir et informer ; pour ensuite, par expérience, pouvoir anticiper autant que faire se peut, quel que soit la nature du problème rencontré : humain, technique, technologique, organisationnel, de production, opérationnel, financier, commercial, marketing ou de communication.

Chaque jour amène son lot de surprises au sein d’une startup quand on est dirigeant fondateur. Quelles sont ces problèmes et difficultés rencontrés ? Quels sont les écueils à éviter ?

Pour le savoir, rendez-vous la semaine prochaine pour le #volet2 de la saga sur le devenir des startups post LF