Latitudes est une initiative sociale et solidaire à destination des étudiants ingénieurs. Son objectif : Intégrer directement les Tech For Good au coeur des cursus d'écoles d'ingénieur et d'informatique afin que les étudiants puissent prendre conscience de l'impact qu'ils peuvent avoir sur la société. Retour avec Augustin Courtier, cofondateur de l’association Latitudes, sur cette initiative.

Comment cette idée vous est-elle venue ? 

Une étude “Talents : ce qu’ils attendent de leur emploi” publiée en 2016 par Ipsos, le Boston Consulting Group (BCG) et la Conférence des Grandes Écoles (CGE), qui révèlait qu'un élève sur deux en écoles de management, commerce ou encore journalisme sait précisément ce qu’est l’Économie Sociale et Solidaire. Pour les étudiants en écoles d’ingénieur des sciences technologiques, ce chiffre tombe à un sur cinq. 

Un chiffre qui fait réagir quand on sait l'impact que peuvent avoir les technologies sur les évolutions de la Société aujourd'hui : si la technologie est partout, change nos façons de consommer, d'apprendre, d'échanger... Pourquoi ne serait-elle pas là aussi pour combattre la pauvreté, améliorer la démocratie, réduire les inégalités hommes-femmes, faciliter l'égalité des chances à l'école ?

Autour de nous, les ingénieurs et développeurs qui possèdent de fortes compétences techniques sont toujours en recherche de nouveaux challenges, à la pointe de l'innovation : nous voulons leur montrer que la résolution des problèmes de société est l'un des ces challenges passionnants, et que s'ils veulent avoir de l'impact, nous aurons besoin de leurs compétences ! C'est ce qui nous a donné envie de promouvoir les Tech for Good : faire le lien entre compétences tech et enjeux de société, et donner aux profils tech les moyens d'action pour créer des outils innovants au service de l'intérêt général.

Comment fonctionne la plateforme ?

Nous sommes en train de créer une vraie pédagogie pour que des bénévoles puissent apporter leurs compétences tech à des bénéficiaires qui portent des projets à fort impact social (que ce soit des associations, des entreprises (sociales ou non), des institutions publiques). Nous ne sommes pas encore au stade de plateforme, nous ressentons vraiment le besoin d’organiser cette activité à la main pour comprendre non seulement les leviers d’engagement des profils tech, mais aussi le meilleur moyen de réaliser des projets à succès pour nos bénéficiaires. 

Pour le moment, nous nous appuyons sur des écoles d'ingénieur et d'informatique pour diffuser notre vision et intégrer notre pédagogie dans leurs cursus. Nous avons donc encore un grand contrôle quotidien et manuel sur le recrutement d’écoles soucieuses de mettre à profit les compétences de leurs étudiants sur des projets tech à fort impact social, mais aussi le cadrage de ces projets auprès de nos bénéficiaires.
 
Ces deux éléments nous permettent d’acquérir en ce moment même, une compréhension des besoins et de la réalité terrain, indispensables à une bonne exécution et un bon passage à l’échelle par la suite. 

Quel est l'objectif de cette initiative ?

Notre ambition est de créer 3 niveaux d’engagement pour des personnes ayant des compétences techniques, pour que chacun puisse agir en fonction de ses envies. Cette distinction nous a été inspirée par Ticket for Change que nous suivons et remercions :
 
1/ Collaborateur
 
Le but est que chaque ingénieur ou développeur puisse apporter ses compétences sur un projet à fort impact social, que ce soit via des projets (étudiants ou non), des stages et emplois partagés (4 jours en entreprise, un jour en association), un concept de Vendredi (vendredi.cc) avec qui nous faisons un partenariat sur des stages tech, ou du mentoring de structures dans leur transformation digitale (60% des associations dites “connectées” souhaiteraient être accompagnées sur leurs problématiques liées au numérique d’après une étude de Solidatech en 2016).
 
2/ Entrepreneur (et intrapreneur)
 
Nous souhaitons aider à l’émergence de projets tech à fort impact social, que ce soit par des entrepreneurs, ou des intrapreneurs. Effectivement, en tant qu’ingénieurs nous avons côtoyé des entreprises qui possèdent une expertise technique très pointue, et nous voulons les aider à mettre cette expertise au service de l’intérêt général.
 
Comme exemples de cette tendance (pas du tout de nous du coup), on peut citer le projet Open Homes d’AirBnb en faveur des réfugiés, ou alors le projet de Recast.ai qu’ils avaient déposé au concours La Fabrique Aviva : mettre à profit leurs compétences dans le domaine des chatbots pour former des personnes en réinsertion professionnelle. Nous pensons que chaque entreprise possède une expertise qu’elle peut mettre au service de l’intérêt général. 
 
3/ Chercheur
 
Il est important que la recherche scientifique s’intéresse au monde de l’intérêt général, sous peine de le distancer, et d’augmenter la fracture technologique qui existe déjà aujourd’hui.
 
Nous travaillons sur un projet de chaire d’innovation sociale et technologique avec des acteurs de l’enseignement supérieur et des acteurs du monde de l'ESS, mais c’est un projet de longue haleine, nous ne pouvons pas en dire tellement plus aujourd’hui. De premières expérimentations devraient voir le jour en septembre 2017 pour débuter l’exploration de quelques sujets. 

Avec quels partenaires travaillez-vous ?

Nos principaux partenaires sont des écoles et des acteurs du monde de l’ESS. Nous sommes particulièrement suivis par CentraleSupélec, Animafac et la coopérative R2K. Nous cherchons à développer des partenariats avec des entreprises soucieuses de mettre leur expertise technique au service de l’intérêt général. 

Et après ? 

Pour le moment, nous avons facilité la réalisation de 14 projets pour un total de 67 étudiants engagés. À la rentrée, une quarantaine de projets devraient voir le jour dans une petite dizaine d’écoles. À court terme, l’objectif est de consolider la brique collaborateur, en augmentant le nombre de projets étudiants et le nombre d’écoles impliquées, mais aussi permettre à de nouveaux profils tech plus senior de s'engager. À long terme, nous souhaitons diffuser le concept de Tech for Good, et réussir à mobiliser de plus en plus partenaires autour de la problématique : entreprises, institutions publiques, entrepreneurs, et associations (contact : explore@latitudes.cc).
 

Les projets ESS réalisés par les étudiants ingénieurs :

  • Cuestionarix, jeune pousse qui favorise l'accès aux études supérieurs en Amérique Latine grâce aux cours en ligne

    Seung-Eun, Pierre et Antoine travaillent sur des modèles mathématiques pour permettre à la startup d’augmenter son impact pédagogique en suggérant aux étudiants les cours les plus adaptés à leur évolution.

  • Entourage, une application qui permet à chacun de tisser du lien social autour des personnes de la rue

    Quentin, Kévin et Elisabeth ont participé à cette initiative en développant un algorithme pour faire un fil d’actualité qui sera le plus adapté à l’utilisateur, pour retisser un maximum de liens entre les personnes.

  • Reconnect.fr, une plateforme de stockage sécurisée pour faciliter les démarches d'accompagnement social

    Solen et Victor ont réalisé un projet d’application pour que chaque sans-abri puisse stocker ses documents importants dans le cloud solidaire de Reconnect, directement depuis son téléphone.