L’association de l’internet des objets, du big data, de l’intelligence artificielle et de la fabrication additive permet à l’industrie de concevoir, produire et maintenir différemment. En proposant de petites séries personnalisées, elle se rapproche aussi du client final.

Fini les clichés autour de l’usine dont certains semblent remonter aux Temps modernes, le film de Chaplin. Sale, bruyante et dangereuse, elle constituerait un environnement hostile à l’homme en le soumettant à des cadences infernales. Tout cela, c’est derrière nous. Les avancées technologiques autour de la robotique, la fabrication additive, l’internet de objets, l’intelligence artificielle ou le big data changent la façon de concevoir, de produire et de maintenir.

Dans l’usine du futur, baptisée usine 4.0 en Allemagne, l’ouvrier n’est plus asservi à une machine, il sait anticiper et a gagné en compétences. Devenu opérateur, il programme les robots et supervise la ligne de production. Ce changement de paradigme, on le doit au numérique.

L’usine est de plus en plus irriguée par un flot continu de données. Jusqu’alors sous-informatisée, l’industrie a rattrapé son retard. Toutes les briques sont interconnectées, du contrôle-commande du robot au MES (Manufacturing execution system) qui collecte en temps réel les données de production pour assurer la traçabilité, la qualité et la maintenance, en passant par le PLM (Product lifecycle management) qui couvre le cycle de vie des produits et l’ERP qui gère les commandes et les factures.

Comme les autres secteurs d’activité, l’industrie connaît aussi une inflation du volume de données sous la poussée de l’internet des objets. Une multitude de capteurs placés sur les installations mesurent en temps réel la température, l’humidité, la vibration ou la pression. Ils remontent un flux de données dont les technologies du big data assurent le traitement et l’analyse.

Maintenance prédictive et feed-back client

Cette association IoT + big data offre une connaissance intime du fonctionnement d’un équipement. Cela permet d’évaluer son niveau de performance, de prévenir les pannes et d’allonger sa durée de vie en configurant au mieux ses paramètres d’utilisation.

En dotant un cobot – c’est-à-dire un robot collaboratif qui partage le même espace de travail que l’homme - de senseurs de vision et d’effort, on s’assure qu’il ne met pas en danger la vie de son « collègue ». Dans une aciérie, des capteurs vont vérifier la qualité de surface de l’acier. S’il détecte qu’un rouleau abimé crée une déformation, l’alerte est donnée pour engager des opérations de maintenance.

Du côté du fabricant, le couple IoT et big data peut lui apporter un formidable feedback sur la façon dont ses produits sont utilisés. Il en tiendra compte dans la conception de la génération suivante. De nouveaux modèles commerciaux peuvent, par ailleurs, émerger comme la facturation à l’usage plutôt que de proposer la propriété d’un équipement amortissable sur X années.

Un coup d’arrêt au taylorisme

L’autre grande avancée de l’usine du futur, c’est la fabrication additive, l’appellation de l’impression 3D dans l’industrie. Additive, car elle procède par dépôt de matière et non par retrait comme avec l’usinage. Ce qui permet de créer de petites séries de pièces personnalisées avec des formes inédites. Un coup d’arrêt à la production de masse chère au taylorisme.

La fabrication additive libère d’autant plus la création que la palette des matières « imprimables » s’élargit avec l’acier, le bronze, le cuivre, la céramique, la cire ou le textile. Pour répondre au désir de « customisation » des consommateurs, les acteurs du manufacturing peuvent proposer des chaussures sur mesure ou des montures de lunettes à façon.

Mais cette tendance concerne aussi l’industrie lourde. Comme l’illustre cette vidéo futuriste, Peugeot PSA entend parvenir à une chaîne de traitement sans couture, de la vente à la supply chain. Au moment de la commande, le client émet ses souhaits de personnalisation. Dès que l’ordre est passé, la fabrication du véhicule peut commencer. Le client reçoit alors une notification avec la date de livraison estimée.

PSA, Airbus, La SNCF, Air Liquide… sur les rangs

Le constructeur automobile n’est pas le seul à exposer sa vision de la digital factory. Airbus, Michelin, Total ou Engie communiquent beaucoup sur le sujet. Et des réalisations concrètes sont à l’œuvre. En janvier dernier, Air Liquide a inauguré son centre d’opération à distance dans la banlieue lyonnaise. D’ici la fin de l’année, il contrôlera et optimisera la production des 22 usines françaises du fournisseur de gaz industriel.

L’équipementier aéronautique Safran a, lui, créé dès 2015 une entité dédiée au big data. Objectif principal : anticiper les besoins de maintenance d’un moteur d’avion afin d’allonger la durée de vie du moteur tout en réduisant ses coûts d’entretien.

La SNCF s’est, elle, lancée depuis trois ans dans un vaste plan d’« internet industriel ». Il porte, bien sûr, sur la maintenance prédictive des rames et des installations pour anticiper les pannes de climatisation ou les fameuses ruptures de caténaires, véritables hantises des usagers.

Le big data aide aussi le groupe ferroviaire à éviter les retards liés à une obstruction de la voie ferrée liée à un arbre tombé ou une végétation trop luxuriante. La croissance de cette végétation peut être prédite à partir de l’analyse d’images prises par des drones et à d’autres données de type météo.

Revers de la médaille, en se digitalisant, l’industrie augmente son exposition aux risques. En 2014, une aciérie allemande subissait une cyberattaque lors de l’opération « Heartbleed » qui exploitait une faille système. Tout récemment, le « rançongiciel » WannaCry a, entre autres, touché l'usine Renault de Douai. Pour qu’elle ait un futur, l’usine devra faire de la cybersécurité une préoccupation de tous les moments.