Le 23 juin 2017, Lucca a émis le premier emprunt obligataire de son histoire à hauteur de 750 000 euros en provenance du fonds d’investissement Eiffel investment Group. Retour avec Gilles Satgé, PDG de Lucca, sur les raisons qui ont poussé l'entreprise à ne pas ouvrir son capital, et sur les 5 enseignements à en retenir. 

Lucca, qui édite des solutions SaaS pour automatiser les processus administratifs et RH à destination des PME/ETI, est désormais ce que l’on appelle une scale-up. Elle compte à ce jour 1 250 clients, emploie 75 collaborateurs et croit à un rythme de plus de 40% par an. 

gilles

Même si je mène une quête permanente de financement depuis la création de Lucca, je n’ai jamais souhaité et ne souhaite à l’heure actuelle, toujours pas faire entrer d’investisseurs professionnels au capital. Ceci pour deux raisons principales : 

  1. Le capital risque est une option intéressante pour les sociétés qui veulent grossir vite (“to grow big fast”). Non pas que je ne veuille pas grossir, au contraire, mais pas trop vite, car je veux aller très loin.
  1. Je considère par ailleurs, qu’à l’heure actuelle les neurones sont plus rares que les euros. Je préfère ainsi ouvrir une partie du capital de Lucca à mes collaborateurs les plus prometteurs et sécuriser mon accès à leurs neurones, plutôt qu’à des investisseurs pour profiter de leurs euros.

Ceci étant, la stratégie de Lucca consistant à favoriser la croissance au détriment de la rentabilité, il m’a fallu faire appel à d’autres sources de financement que le Venture Capital.

Voici donc cinq pistes qui ont bien fonctionné (je ne mentionne pas la piste à la fois la plus triviale et la plus difficile : générer du chiffre d’affaires !). 

Conseil n°1 : Facturer d’avance ses clients

La politique de Lucca a toujours été de facturer ses abonnements avec un an d’avance. Compte tenu de leurs montants assez modestes (de l’ordre de 2 500 euros annuel pour une société de 100 personnes) et de l’avantage de ne pas avoir à gérer 12 factures par an, cette pratique n’a rencontré aucune résistance de la part de nos clients.

Elle nous permet de générer l’équivalent d’une avance permanente de trésorerie de l’ordre de 1,5 million d’euros, que nous réinvestissons immédiatement.

Conseil n°2 : Emprunter aux banques quand on n’en a pas besoin

L’expérience m’a montré que la première condition pour pouvoir emprunter à une banque consiste à présenter un compte de résultat positif (en exploitation). Si ce n’est pas le cas, cela va être très difficile (mais pas impossible, voir conseil n°3). 

Mais le principal critère qui vous garantit l’octroi d’un prêt, c’est le fait de ne pas en avoir l’utilité. Cela peut paraître paradoxal, mais c’est lorsque Lucca en a eu le moins besoin, que j’ai obtenu des prêts le plus facilement.

Autrement dit, dès que votre bilan montre une belle rentabilité, précipitez-vous chez le banquier pour demander un prêt.  

Conseil n°3 : il existe des financements alternatifs aux banques

Il est illusoire de penser qu’un banquier traditionnel puisse intégrer la fameuse règle des 40% qui permet de juger de la robustesse d’un modèle SaaS. Cette règle empirique postule que la somme de votre rentabilité et de votre taux de croissance annuelle doit être supérieure à 40%. Ainsi, si votre croissance est de 20%, alors votre profitabilité doit être au moins de 20%. Si vous êtes en croissance de 40%, alors vous devez être à l’équilibre, et si vous êtes en croissance de 50%, vous pouvez vous permettre de perdre 10%.

Votre banquier aura beaucoup de mal à rentrer dans cette logique. Elle sera en revanche mieux comprise par des sites de crowdfunding comme Lendix ou Look and Fin. Concernant Lucca, qui cherchait un montant plus élevé que celui permis par ces deux plateformes, la société Eiffel Investment a fait preuve d’une vraie compréhension du business SaaS.

 Il faut néanmoins anticiper un taux d’intérêt 2 à 3 fois plus élevé que celui actuellement pratiqué par les banques traditionnelles. 

Conseil n°4 : ne pas oublier les basiques (BPI) 

Je garde un souvenir ému du tout premier financement obtenu par Lucca, en 2002, alors que les statuts de la société était encore en cours d’enregistrement. C’était une subvention pour l’aide au recrutement du premier collaborateur (depuis devenu associé) d’un montant de 20 000 euros et octroyée par l’ANVAR, l’ancêtre de BPI.  

Conseil n° 5 : le crédit d’impôt recherche, attention au chant des sirènes

Le crédit d’impôt recherche (CIR pour les intimes) ressemble un peu au chant des sirènes. Il faut savoir y goûter sans tomber dans l’addiction.

Compte tenu de son mode de calcul (auto-déclaration), la tentation est grande pour l’entrepreneur d’avoir une conception assez élargie de l’activité éligible au CIR de son équipe de R&D.

Sous cette réserve, le CIR est un instrument de financement très performant. Pendant de longues années, j’ai suivi le principe suivant : mettre Lucca à l’équilibre avant CIR, le CIR constituant alors l’intégralité du résultat. Déclaré en mai, il est ensuite perçu en juillet ou août.