Contrairement au sourcing, à la qualification et à la collaboration avec des startups, le "matchmaking" est souvent une activité ignorée ou négligée par les équipes Innovation/Open Innovation. Pourtant, c’est un point de passage quasiment obligatoire de toutes les collaborations avec des startups. En effet, dans la plupart des entreprises, l’innovation est une fonction support dont la mission est de diffuser une culture de l’innovation en interne, de connecter les métiers avec des partenaires innovants externes et de les accompagner dans les projets d’Open Innovation qui émergent.

Cela signifie que, tôt ou tard, pour chaque projet d’Open Innovation et en particulier les collaborations avec des startups, il faut trouver une équipe métier en interne qui souhaite sponsoriser la démarche et prendre en charge la gestion du projet. Si aucun sponsor n’est trouvé, le projet ne démarre pas ou bien s’arrête. Et même si l’équipe Innovation démarre parfois seule les premières itérations du projet (POC), au moment du déploiement de la solution innovante, un sponsor métier sera indispensable, ne serait-ce que pour des questions budgétaires.

Cela dit, il est bien plus facile de trouver des startups prêtes à travailler avec l’entreprise, même après un filtre de qualification drastique, que des porteurs de projets en interne motivés pour travailler avec ces startups. C’est toute la problématique de l’acculturation des métiers à l’Open Innovation qui se cristallise dans le matchmaking. Deux options s’offrent alors pour briser le mur de l’acculturation et réussir le matchmaking entre des startups et les métiers : foncer dans le mur en espérant le briser ou bien acculturer les équipes.

Foncer dans le mur en espérant se briser

Cette option, largement choisie et pratiquée par la première génération d’équipes Innovation/Open Innovation de grands groupes (il y a 3 à 5 ans), est souvent combinée à une approche push du sourcing. Le raisonnement des équipes qui choisissent cette option est simple. Les équipes métiers n’ont ni le temps de chercher dans l’écosystème startups des solutions innovantes à leurs problématiques opérationnelles, ni le temps de qualifier ces solutions pour construire des cas d’usage métiers.

Les équipes Innovation/Open Innovation prennent donc le parti d’effectuer elles-mêmes ces tâches, sans déranger les métiers, y compris la construction des cas d’usage sur la base desquels les métiers prendront la décision de lancer les projets ou non. Ainsi, les étapes de sourcing et de qualification des startups se déroulent quasiment sans consulter les équipes métiers (sourcing push), le but étant d’arriver à construire un cas d’usage suffisamment pertinent et complet pour réussir à leur vendre le projet et les convaincre de le réaliser.

Post it

En voulant alléger les métiers, les équipes Innovation/Open Innovation qui agissent de cette manière encouragent souvent un rejet des solutions proposées par manque d’engagement des métiers, c’est le fameux syndrome du Not Invented Here. Mais pire, elles risquent surtout leur crédibilité. En effet, les métiers, n’ayant pas été suffisamment acteurs de la sélection de la startup, auront tendance à se retourner contre l’Innovation en cas de difficultés pendant le projet.

Finalement, c’est un peu comme si l’équipe Innovation/Open Innovation misait sur un cas d’usage si convaincant qu’il briserait le mur de l’acculturation… Quelquefois le mur est brisé, les métiers emballés et le projet lancé, mais dans la majorité des cas, c’est le projet qui est brisé ainsi que tout le travail déjà réalisé par l’équipe Innovation/Open Innovation.

Acculturer les métiers pour mieux matcher

Rares sont les cas de succès pour les équipes Innovation/Open Innovation qui ont choisi l’option décrite ci-dessus. En effet, le matchmaking est une étape incontournable dont le succès ne réside pas simplement dans les méthodologies, les processus et les outils. Le facteur humain y est déterminant. Générer de l’engagement chez les équipes métiers bien en amont des projets d’Open Innovation est la clé de la réussite du matchmaking. Il ne faut surtout pas croire que c’est en allégeant leur contribution pendant le sourcing et la qualification des startups que ceux-ci accepteront mieux l’innovation.

Au contraire, c’est en les sollicitant et en les impliquant très en amont des projets d’Open Innovation que l’on peut espérer générer chez eux de l’engagement. Notamment, ils doivent absolument être acteur du sourcing et de la qualification des startups avec lesquelles ils travailleront plus tard. Mais pour cela, il faut leur faciliter l’accès aux startups sourcées par l’équipe Innovation, leur offrir la possibilité de sourcer eux-mêmes d’autres startups facilement et leur permettre de s’exprimer collectivement au sujet de ces startups pour faire émerger les synergies avec leurs projets d’actualité.

Trousse

Et c’est là que le numérique, le collaboratif et le social prennent toute leur importance. Le numérique facilite l’accès de tous, sur un smartphone ou un ordinateur, à l’écosystème startups. Le collaboratif permet de qualifier les synergies avec les startups grâce à l’intelligence collective, qui ne demande que peu d’investissement personnel à chacun. Et le social stimule les collaborateurs, les équipes et les différents services en valorisant les meilleurs contributeurs de la démarche Open Innovation.

Cette démarche présente de nombreux avantages : en plus d’augmenter les flux de startups sourcées et qualifiées, elle favorise le décloisonnement de l’entreprise et une mutation globale vers le modèle de "l’entreprise plateforme" centrée autour de l’Innovation. Bien sûr, le niveau d’acculturation global de l’entreprise déjà atteint sur le sujet de l’Open Innovation contribue à la mise en oeuvre de cette stratégie de matchmaking.

La fin des équipes d'Open Innovation ?

Vous l’aurez compris, le matchmaking est non seulement une étape incontournable pour tous les projets d’Open Innovation mais aussi un passage très difficile à passer en raison des enjeux culturels qui y sont liés. C’est pourquoi les équipes Innovation/Open Innovation de grands groupes travaillent activement à l’acculturation de leurs collaborateurs. L’objectif immédiat est, certes, de faciliter le matchmaking pour avoir un time-to-POC plus court et donc une démarche Open Innovation plus performante. Mais l’objectif plus lointain est, pourquoi pas, d’apprendre aux métiers à sourcer, qualifier et collaborer avec des startups seuls.

D’aucuns disent que les équipes Innovation/Open Innovation disparaîtront une fois cet objectif atteint. Nous pensons plutôt que leur rôle évoluera d’une fonction de sourceur et lobbyiste à une posture de stratège et mentor. Stratège et mentor car une fois le travail fondamental d’acculturation bien avancé, si les équipes métiers sont capables de sourcer et qualifier des solutions innovantes seuls, il sera absolument nécessaire que l’équipe Innovation joue un rôle à forte valeur ajoutée, centré sur la prospective et le management d’un portefeuille d’expérimentations en cours.

En guise de conclusion, il est important de souligner que les métiers et l’Innovation ne sont pas les seules équipes impliquées dans l’accostage d’une startup à l’entreprise et invitées à entrer dans une dynamique d’acculturation. D’autres fonctions support telles que les Achats, la DSI ou la Communication ont un rôle absolument clé à jouer au cours du matchmaking. Ce sont elles qui, par leur organisation, leurs processus et leur accompagnement, encouragent les métiers à collaborer avec des startups, fluidifient la gestion des projets et facilitent la réussite des collaborations.

Article initalement publié sur Kinov.io