Le 1er août 2016, Talend réalisait une entrée en fanfare au Nasdaq : à l'issue de sa première journée de cotation, l'action de la société avait grimpé de plus de 40%, ce qui avait permis à la jeune pousse de lever plus de 94 millions de dollars, davantage que les 86 millions espérés. Un an plus tard, Mike Tuchen, CEO de Talend, revient sur cette aventure hors normes et sur les enseignements qu'il en a tirés.

Si une introduction en Bourse marque un tournant pour une société, réussir à éviter tous les écueils de la première année après une telle opération est tout aussi important. Je suis CEO de Talend, un spécialiste des solutions de big data et d’intégration cloud, et nous venons de célébrer le premier anniversaire de notre entrée en Bourse. En regardant en arrière (à la fois avant et après notre IPO), je réalise que les enseignements de cette expérience sont similaires aux leçons que j’ai pu tirer en tant que rameur dans un équipage d’aviron dans l’enseignement supérieur.

Tracer sa propre route.  Si mon équipage à l’université a été couronné de succès, c’est parce que nous suivions notre propre voie. Nous savions que si nous nous laissions distraire par nos concurrents et leur position, cela nuirait à notre concentration et nous ralentirait. Mon expérience avec Talend a été du même tonneau. Lorsque je suis devenu CEO, notre conseil d’administration (basé en Europe et plutôt conservateur sur le plan fiscal) m’a donné pour mission d’accroître la rentabilité de l’entreprise tout en accélérant notre croissance, tout cela avec seulement 40 millions de dollars. J’ai donc dû adopter une approche radicalement différente de celle des startups de la Silicon Valley de l’époque – qui dépensaient sans compter et cherchaient à stimuler leur croissance sans but particulier. Nous avons gardé notre cap sans nous préoccuper de nos concurrents.

" Lorsque nous sommes entrés en Bourse,
notre croissance était équilibrée
et notre flux de trésorerie positif "

Mesurer ses progrès. Bien que l’on ne puisse pas toujours mesurer ce qui compte, assurer un suivi des indicateurs clés de performance est une excellente façon de progresser afin d’atteindre ses objectifs. À l’université, j’étais le plus petit de l’équipage, donc j’ai dû trouver une solution pour faire preuve du maximum d’efficience avec mon corps. J’ai commencé à soulever des poids, à enregistrer les charges et les séries que j’effectuais au quotidien, et à les augmenter régulièrement. Chez Talend, je savais que nous devrions faire preuve de discipline. Nous avons donc utilisé des données pour mesurer nos progrès et affiner notre stratégie. Lorsque j’ai rejoint l’entreprise, j’ai travaillé avec mon équipe pour comparer des dizaines de nos indicateurs aux cas de concurrents ayant remarquablement réussi leurs IPO. Nous avons alors créé plus de 200 points de données que nous collectons et analysons au quotidien, chaque semaine et chaque mois jusqu’à ce jour. Ces points de données nous ont aidés à réussir notre introduction en Bourse, et ont sans doute également rendu nos investisseurs plus confiants quant à nos fondamentaux.

S’adapter et profiter des changements au sein de son équipe. Comme tout équipage universitaire, le nôtre changeait chaque année au gré des départs des diplômés. Notre moniteur devait donc réévaluer nos forces et faiblesses pour y faire face et remplacer ces éléments.

À moins que vous ayez intégralement créé votre société, en tant que CEO, vous avez très certainement hérité d’un conseil d’administration déjà constitué (tout comme un nouvel entraîneur hérite d’une équipe). Cependant, la période précédant une IPO offre souvent l’opportunité d’évaluer l’adéquation du CA pour une telle opération. Il est très utile de discuter avec les membres actuels quant à leurs attentes et leurs objectifs après votre introduction en Bourse. Des échanges honnêtes et ouverts peuvent vous aider à déterminer combien de temps ils resteront au CA, et vous permettront de planifier méthodiquement votre transition vers un nouveau conseil indépendant et plus adapté à une société cotée en Bourse. Vous découvrirez alors que la plupart de vos investisseurs de capital-risque/des membres de votre conseil souhaiteront sortir progressivement du CA à un stade donné de l’opération afin de réinvestir dans des entreprises en phase de démarrage.  Vous devrez également trouver de nouveaux membres possédant les compétences spécifiques dont vous avez besoin pour votre introduction en Bourse et pour diriger l’entreprise dans la nouvelle phase de sa croissance.

" La période suivant une IPO peut également être le bon moment
pour opérer des changements au niveau de votre CA "

Pourquoi ne pas en profiter pour accroître la diversité de votre CA ? Et comme pour le recrutement d’employés et la création de partenariats, il sera plus facile d’attirer des candidats de premier plan si votre entrée en Bourse est réussie.

Ne pas se survendre. En dépit des excellents résultats de notre équipage, nous ne vantions pas publiquement nos succès. Notre moniteur était intimement convaincu que nous serions perturbés par les feux des projecteurs et que cela augmenterait les attentes envers nous. Selon moi, beaucoup des IPO ayant été un échec retentissant en quelques mois après avoir été hyper médiatisées doivent cela au fait d’avoir été survendues. Pendant les premiers jours et semaines suivant un appel public à l’épargne, on est un peu sur le fil du rasoir : peu de titres sont échangés, et beaucoup d’actionnaires hésitent encore à vous suivre sur le long terme. Si le battage médiatique autour de votre société est important, les petits investisseurs et les spéculateurs risquent de faire votre cours s’envoler, et une fois sa valeur revenue à la normale (ce qui arrivera inévitablement) gare à l’atterrissage : le moral des troupes sera en berne à la suite de l’euphorie initiale ; les salariés embauchés lorsque votre cours était au plus haut seront désenchantés ; et vos investisseurs à long terme vendront à un prix excessif, laissant inévitablement la place à une base d’investisseurs instables et imprévisibles.  Il est impossible de maîtriser toutes les variables qui affectent le cours de votre action, mais vous pouvez contrôler votre présence et votre communication, vous assurer que les investisseurs comprennent votre message, et faire en sorte de promettre moins et de faire plus.

Un an après l’introduction en Bourse de Talend, je revis cela comme l’une des plus grandes expériences de ma carrière. Cela n’a été possible que parce que notre équipe talentueuse était en phase avec un CA expérimenté et encourageant. J’ai donc eu une formidable opportunité d’apprendre, et en étudiant nos erreurs et nos bonnes opérations, je suis devenu un meilleur PDG. J’ai hâte de voir ce que notre deuxième année nous réserve.