Doublé de Naver ! L'entreprise sud-coréenne a investi 100 millions d'euros supplémentaires dans K Fund 1, le fonds d'investissement conseillé par Korelya Capital, portant ainsi sa capacité totale d'investissement à 200 millions. Au moins 50% de cette somme sera investie dans des entreprises françaises, a précisé Fleur Pellerin, cofondatrice de Korelya, le reste devant financer des startups européennes. Cette opération intervient moins d'un an après le premier closing du fonds, témoignant de la robustesse des liens qui l'unissent à son unique investisseur - qui ne le restera peut-être pas longtemps.

"La Corée du Sud et la France partagent une certaine éthique, souligne Fleur Pellerin. Les géants coréens, comme l'est Naver, sont conscients des responsabilités qui vont de paire avec une position dominante : ils payent leurs impôts en Corée, les médias rémunèrent les confrères dont ils citent les articles... " Sans les citer nommément, les GAFA sont dans le collimateur de l'ex-ministre de la Culture, qui a auparavant patronné de 2012 à 2014 l'Économie numérique en tant que ministre déléguée. "Au-delà des intérêts économiques, ce n'est bon ni pour la démocratie ni pour la vie privée des consommateurs que le monde soit dominé par moins d'une dizaine de géants."

Rivaliser avec les géants américains et chinois

Et le projet défendu par Naver s'aligne parfaitement avec les intérêts défendus par le fonds de Fleur Pellerin. "Nous avons la conviction que la bataille de l'investissement se joue sur les entreprises en phase de maturité, appuie Fleur Pellerin. Il existe très peu de success stories européennes et il est plus difficile de faire grandir une entreprise depuis la Corée du Sud qu'en Europe. C'est pour cela que nous voulons combiner l'expertise de Naver avec les compétences technologiques des entreprises européennes afin de créer des compétiteurs potentiels aux géants technologiques."

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Lego

Or, Hae-Jin Lee, le fondateur de Naver, en est convaincu, "nous ne pouvons pas rivaliser financièrement avec les États-Unis". Coincées entre les monopoles américains et les géants chinois, les entreprises européennes comme sud-asiatiques doivent trouver "leur propre espace pour survivre". Et cet espace, c'est l'Europe et en premier lieu, la France. "J'ai été surpris de la qualité des technologies développées en France, reconnaît le fondateur de Naver. Je continue de penser que l'Hexagone est un marché très prometteur, ce que les Américains n'ont pour l'instant pas encore tout à fait bien compris."

" South-Korean startup market is hot. But French market is hotter "

Hae-Jin Lee, fondateur de Naver

Korelya Capital a déjà injecté quelque 20 millions d'euros dans l'écosystème français et compte bien profiter de cette augmentation de son potentiel de financement pour augmenter ses tickets. "Notre standard d'investissement reste de l'ordre de 1 à 5 millions d'euros, prévient Fleur Pellerin. Mais l'Asie n'étant pas un objectif pour les startups early stage, nous nous intéressons de près à des startups plus matures à qui nous pouvons apporter cette valeur ajoutée de la connaissance du marché asiatique et les aider à s'y implanter."

Devialet, prochaine licorne mondiale ?

Parmi les quatre pépites françaises dans lesquelles Korelya a déjà investi - A/B Tasty, Snips, Jobteaser et Devialet - c'est clairement la startup audio qui représente le mieux les ambitions du fonds. "Ils ne font pas seulement du hardware, c'est vraiment leur technologie qui nous intéresse", explique Fleur Pellerin. Car si celle-ci est pour l'instant utilisée dans le secteur de la musique, l'ex-ministre n'exclut pas qu'elle puisse s'intégrer à des téléviseurs, par exemple. D'où l'intérêt pour la jeune pousse de percer sur le marché asiatique, leader en la matière.

Devialet Phantom

Reste la question de l'exit. Car c'est bien cela qui intéresse Korelya à un horizon de dix ans. Et c'est là que le bât européen blesse, alors que les géants américains sont aujourd'hui pratiquement les seuls à pouvoir se permettre de racheter des entreprises valant des centaines de millions voire - soyons visionnaires - quelques milliards d'euros. "C'est pour cela que créer un Nasdaq européen s'avère être une nécessité, pour donner aux entreprises européennes une alternative aux propositions de rachat", glisse Fleur Pellerin. Et éviter ainsi la fuite de nos pépites vers les États-Unis, mieux armés pour la compétition financière mondiale.

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