Après une expérience en journalisme qui l'a laissée sur sa faim, Léonie Place crée Scribeuse pour "dépoussiérer" le métier d'écrivain public. Son objectif ? Raconter des tranches de vie de couples, de familles ou même d'entreprises à l'occasion d'un événement marquant.

En 2012, après un master de journalisme décroché à Sciences Po Grenoble, Léonie Place s'apprête à réaliser "un rêve de gosse" : devenir journaliste de presse écrite. S'ensuit un parcours que certains qualifieront de classique dans la profession : des piges à Paris qui payent trop peu puis un retour en région. La jeune femme préfère alors retourner au salariat en acceptant un CDD dans une publication locale en Bourgogne, avant que l'essai ne soit transformé grâce à un CDI signé quelques mois plus tard, en novembre 2013. "Un CDI, c'est rare dans le milieu, rappelle Léonie Place. J'étais contente. Je traitais de sujets de société, ceux qui m'intéressaient le plus et je rédigeais même les dossiers d'ouverture du journal."

Mais très vite, c'est le blues : la routine, le temps qui manque pour creuser des sujets, le terrain qui s'éloigne et les rencontres avec les interlocuteurs qui se font de plus en plus rares. "J'étais frustrée. J'ai démissionné au bout d'à peine un an et je suis partie en Amérique du Sud avec un aller simple en poche." Le voyage durera quinze mois, durant lesquels Léonie Place se rêvera grand reporter, grâce à plusieurs piges évoquant l'histoire et le quotidien des habitants des huit pays qu'elle a traversés.

Innover pour dépoussiérer

Le retour est brutal. "Je voulais continuer à écrire, martèle la jeune femme, mais impossible pour moi de retourner travailler dans la presse quotidienne régionale que j'avais quittée. L'idée de Scribeuse n'est pas venue tout de suite. Puis je me suis dit que je devais écrire sur ce que j'aimais : les gens, raconter leur histoire. Ça a été le déclic." Le fil se déroule de lui-même : à quelles occasions les gens veulent-ils raconter leur histoire ? Lors d'événements marquants, dans leur vie personnelle (mariage, anniversaire...) comme professionnelle (départ en retraite, anniversaire de la création d'une entreprise, transmission...).

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Le métier n'est pas nouveau : des écrivains publics oeuvrent toujours à faire de ces histoires ordinaires des récits extraordinaires. "Le métier est vieillissant, j'ai du mal à m'y identifier, reconnaît Léonie Place. J'ai envie de le dépoussiérer." Premier réflexe de l'entrepreneure : faire le tour des wedding planners et de l'écosystème du mariage pour évaluer la pertinence de sa proposition de valeur. "Je me suis rendu compte qu'il y avait une place à prendre." C'est comme ça que naît Scribeuse. "J'aime dire que je rédige des contes de faits", sourit l'ancienne journaliste. Des petites anecdotes du quotidien qui tracent, au fil de la plume de la nouvelle Scribeuse, une grande histoire.

Le réseau comme relais commercial

Léonie Place tisse aussi très bien sa toile - "construire son réseau est déterminant" - et elle signe ses premiers clients grâce aux recommandations de plusieurs wedding planners et photographes de mariage, curieux de travailler avec elle. La Scribeuse rencontre les futurs mariés lors d'une première session "interview" où ils racontent leur histoire de couple mais aussi celles de leurs familles. "C'est souvent très fort, émouvant, d'autant que le rendez-vous intervient à un moment où les futurs mariés sont à cran, stressés par la préparation du Jour J et que cela leur permet de prendre du temps pour eux." Place ensuite à la phase de reportage, lors du grand jour. Léonie Place est aux côtés des mariés depuis les préparatifs jusqu'au repas, armée de son calepin et d'un stylo, notant chaque détail et discutant avec un maximum d'invités. "Cela me permet de compiler à la fois des anecdotes et des messages pour les mariés", précise la jeune femme.

De quoi en tirer un livre à plusieurs chapitres, imprimé sur du papier de qualité et relié, comme n'importe quel ouvrage de librairie. "Rédiger un livre de 80 000 à 100 000 signes me prend plus de 90 heures de travail", révèle la Scribeuse, qui facture ses prestations entre 1200 et 2000 euros pour les récits de mariage, en fonction de la longueur du récit. Son savoir-faire va d'ailleurs au-delà des mariages, Léonie Place ayant déjà plusieurs autres projets en cours, notamment des portraits d'entreprises familiales.

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La satisfaction du "fait maison"

Passée de salariée à auto-entrepreneure, Léonie Place a également découvert le métier de chef d'entreprise, "passionnant". "Certes, l'administratif prend du temps mais c'est du bon stress, tempère l'entrepreneure. Je sais que tout repose sur mes épaules, c'est valorisant. Je suis quelqu'un d'hyper indépendant et en même temps, j'aime travailler en équipe, ce que me permet le coworking. Et puis... je suis obligée d'avoir des idées pour avancer !"

Ça tombe bien, elle en a à revendre : "J'ai des idées tous les jours ! Mais je prends le temps de solidifier mon entreprise avant tout." D'autant qu'il faut d'abord éduquer le marché, qui catalogue trop rapidement Scribeuse, sans vraiment saisir l'originalité de son positionnement. "Je ne suis pas romancière, sourit la jeune femme. Tout ce que j'écris est inspiré de la vie réelle !" Comme une journaliste... mais en mieux, assure-t-elle. "Aujourd'hui, je fais le métier qui me fait plaisir. Peut-être que je m'étais simplement trompée de voie entre le journalisme et l'écriture."