Il existe de nombreux avantages à suivre les modes managériales. Les actionnaires se montrent en effet plus enclins à investir dans les entreprises qui s’appuient sur une pratique en vogue. Il apparaît en outre plus commode d’obtenir l’aval d’un comité de direction ou même de fédérer ses collaborateurs via une feuille de route standardisée - validée par les experts du marché - qu’au travers d’une vision inédite impliquant leadership et habilité politique. On comprend dès lors mieux pourquoi nombre d’acteurs adoptent, au même moment, le même modèle alors qu’ils ne partagent pas automatiquement la même problématique, ni le même marché.

Attention au mimétisme

Parmi ces tendances génératrices de puissants consensus, se trouve notamment la transformation digitale. Bien qu’il ne soit plus nécessaire de rappeler les bienfaits d’un tel ajustement organisationnel, il n’en demeure pas moins que nombre d’entreprises emboitent le pas, aussi, par simple conformisme. Or, engager une démarche aussi stratégique au motif d’un élan mimétique menace de briser le modèle économique de l’entreprise.

Une transformation irréfléchie est en effet susceptible de produire un déplacement involontaire du cœur de métier, une mutation du paysage concurrentiel et un choc éventuel contre les players de la Silicon Valley. Amazon n’a-t-il pas mis en difficulté des acteurs clefs du bâtiment et de l’habitat, en quelques années à peine, via ses objets connectés ? Par ailleurs, des grands groupes industriels ayant noué des partenariats avec des leaders de l’IT dans une perspective de digitalisation ne risquent-ils pas de perdre le contrôle ? Aux termes de cette démarche, il est en effet techniquement envisageable que ces fournisseurs - fort de leur accès aux données et à l’expertise métier – se transforment en redoutables compétiteurs.

Engager une transformation digitale doit être un acte murement réfléchi

Une organisation centrée sur la donnée implique en résumé de se confronter aux spécialistes de la data. Nombre de firmes tentent en conséquence de s’allier pour résister au GAFAM. C’est notamment le cas de la RATP, de la SCNF, de Transdev et de Blablacar qui se fédèrent autour d’un data warehouse commun pour faire face à Google. Ou encore de PSA, Mazda, Suzuki et Fuji Heavy Industries qui intègrent le SmartDeviceLink Consortium pour tenir face à AppleCarPlay et Android Auto dans le domaine des interfaces numériques entre smartphones et véhicules.

Une démarche de transformation implique d’être murement réfléchie, de peser avec acuité l’impact du digital  sur le cœur de métier, la géographie de la concurrence, le poids des acheteurs et des fournisseurs, mais également ce qu’il restera de barrières pour protéger son marché. La transformation digitale est une démarche puissante, à même de propulser l’entreprise dans un ailleurs stratégique, mieux vaut en conséquence s’y préparer.