Marie Ekeland, fondatrice du fonds d'investissement Daphni et ancienne coprésidente de France Digitale, avait été officiellement intronisée à la tête du Conseil national du numérique la semaine dernière. Elle démissionne ce mardi, après une passe d'armes musclée autour de la présence de Rokhaya Diallo et du rappeur Axiom dans la liste des membres du Cnnum.

C'est un triste message envoyé à l'écosystème. Marie Ekeland, intronisée lundi dernier présidente du Conseil national du numérique et qui avait alors présenté son équipe de 30 membres venant d'horizons divers et variés, annonce ce mardi matin sa démission via un communiqué au vitriol. "Le projet que j’ai porté d’ouverture, d’indépendance de pensée et de diversité, a été mis à l’épreuve dès le démarrage, explique Marie Ekeland. Je ne vois pas aujourd'hui, comment continuer à le porter en maintenant son essence et de bonnes chances de réussite." Avant de conclure : "j’ai présenté aujourd’hui ma démission à Mounir Mahjoubi afin de laisser la place à une autre vision au CNNum".

Et quelle autre vision que celle évoquée à demi-mots par la désormais ex-présidente du Cnnum ! Car c'est bien l'interventionnisme irraisonné du gouvernement qui est ici en cause. Après avoir annoncé la nomination, notamment, de l'essayiste Rokhaya Diallo et du rappeur Axiom en tant que membres, Marie Ekeland a dû faire face à une vague d'indignation très politique. "La nomination de certains membres, alors que la liste avait été préparée par mes soins dans le cadre de ce projet, a été interprétée à tort par certains comme une prise de position politique du gouvernement, regrette Marie Ekeland dans sa communication ce mardi matin. Il s'en est suivi un emballement médiatique et politique violent, révélateur des tensions françaises et de la difficulté à les traiter sereinement."

Une indépendance remise en question

Mais l'entrepreneure a également pâti de l'excessive prudence du gouvernement dans ce dossier. Plutôt que de soutenir la composition du Cnnum en vertu de son "indépendance" - que Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État au numérique, avait tant vantée lors de la présentation officielle de la nouvelle équipe - celui-ci a préféré demander expressément à Marie Ekeland de revoir sa copie. "La forme actuelle de nomination et de fonctionnement du CNNum portent à confusion et ne peuvent pas garantir son indépendance, affirme la présidente démissionnaire. Nous avons beaucoup travaillé de concert cette dernière semaine avec Mounir Mahjoubi et les membres du CNNum à trouver une solution qui permette d’en conserver son intégrité et son entièreté. Nous n’y sommes pas arrivés."

Et pour cause : le secrétaire d'État a changé de discours sur l'indépendance du Cnnum : dans une interview accordée au Figaro, il estime finalement ce mardi que le Conseil "doit être proche du gouvernement pour nous orienter". "Il ne s'agit pas d'une association, d'un parti politique ou d'un lobby, continue-t-il. Ce n'est pas une force d'opposition, même si conseiller peut signifier dire quand ça ne va pas."

La pire sortie de crise possible

Dans la foulée de la démission de Marie Ekeland, la grande majorité des membres (24 à l'heure où nous rédigeons ces lignes) ont présenté collectivement leur démission. "Constatant l’impossibilité de mettre en oeuvre son projet (de Marie Ekeland, NDLR), considérant que le travail du Conseil ne peut plus se faire selon des modalités efficaces, nous avons décidé de présenter collectivement notre démission", ont-ils communiqué via le site du Cnnum.

Le départ de Marie Ekeland est un très mauvais signal envoyé à l'écosystème, qui attendait beaucoup de sa nomination. La diversité inédite des membres du Cnnum promettait en outre des échanges particulièrement intéressants autour de questions de société fondamentales, telles que la lutte contre les biais de l'intelligence artificielle ou le droit à une éducation technologique pour tous. En outre, le gouvernement qui avait tant mis en avant l'indépendance du Cnnum, se retrouve désormais avec une coquille vide en les mains.