Non, le gaspillage ne commence pas dans nos assiettes. Tout au long de la filière agroalimentaire, du producteur jusqu’au consommateur, en passant par les transformateurs et les distributeurs, ce sont plus de 10 millions de tonnes de produits alimentaires qui partent chaque année directement à la poubelle plutôt que de terminer dans nos assiettes. A ceux-ci s’ajoutent les déchets produits par la filière, depuis les emballages alimentaires jusqu’aux résidus non comestibles de produits (trognons, pépins, noyaux de fruits et légumes, par exemple).

Une production de déchets qui coûte cher à la filière, qui lutte pourtant pour valoriser correctement le travail de ses artisans. En effet, les pertes financières liées au gâchis de produits sont estimées par l’Ademe à 9,8 milliards d’euros par an (2,1 en phase de production, 2,2 à la transformation et 4,5 à la distribution) pour les producteurs, les entreprises agroalimentaires et les distributeurs.

Côté environnement, gaspiller des produits et produire des déchets a un impact significatif : les pertes au niveau de la production (liées au calibrage des produits distribués ou aux fameux “fruits et légumes moches” difficilement commercialisables via les circuits classiques) imposent de produire davantage pour satisfaire la demande et celles lors des phases de transformation et de distribution ont un coût carbone élevé car elles ont tout de même nécessité la transformation ou le transport d’un produit qui ne sera finalement pas consommé.

Et si de nombreux consommateurs cherchent à réduire leur impact environnemental, les professionnels de l’agroalimentaire se mobilisent également en matière de réduction et de valorisation de leurs déchets. Consciente des enjeux économique et environnemental mais aussi sous l’impulsion des législateurs toujours plus restrictifs en la matière, l’ensemble de la filière agroalimentaire se met en marche pour limiter le gâchis et revaloriser ses déchets.

Revaloriser pour limiter l’impact environnemental

Le stockage et la destruction de déchets coûtent cher pour un impact environnemental négatif. Les législateurs français comme européen poussent donc les industries et notamment la filière agroalimentaire à privilégier le recyclage ou la revalorisation, c’est-à-dire le réemploi d’une matière pour un autre usage que celui auquel elle était destinée, comme des restes alimentaires qui servent par exemple à nourrir des animaux.

La startup 1001 Noyaux, incubée par Rungis&Co, la structure d’accompagnement du Marché International de Rungis, collecte ainsi les fruits invendus pour transformer les noyaux en ingrédients cosmétiques. Le projet se concentre pour l’instant sur les mangues pour créer du beurre de mangue à partir des noyaux des fruits non commercialisés.

Nous travaillons sur des produits qui sortent du circuit de distribution et pour lesquels les importateurs n’ont d’autre choix que de les détruire, souligne Odile Ano, responsable de 1001 Noyaux. Cela induit pour eux un coût financier et un coût énergétique lié à la destruction. Notre solution permet de réduire ces impacts économique comme environnemental.

Le casse-tête du plastique

Mais si en 2013, selon les chiffres publiés par l’Ademe dans son enquête 2016 sur la gestion des déchets, 67% des matériaux étaient recyclés et 75% revalorisés, tous ne présentent pas les mêmes opportunités. Ainsi, seuls 26% des matières plastiques étaient recyclés, contre 96% des papiers-cartons ou 76% des métaux…

Ce qui signifie donc que la France a des marges de progression, un constat que partage la startup Eco2PR, elle aussi incubée par Rungis&Co et qui a fait du premier Marché de produits frais son terrain d’expérimentation pour le traitement des emballages en polystyrène expansé. “Les outils pour traiter le polystyrène sont très spécifiques, explique Clément Spiteri, président d’Eco2PR, pour expliquer le retard de la France dans le traitement de cette matière. C’est une matière peu dense, chargée d’air, et qui a la particularité de n’intéresser que peu de plasturgistes sous sa forme expansée.

Le fait de traiter le polystyrène sur place signifie qu’il n’a pas besoin d’être transporté sur 15 ou 30 kilomètres, se réjouit Clément Spiteri. C’est un gain de temps pour les grossistes et les utilisateurs du MIN, un impact environnemental moindre et une réduction des coûts pour tous les acteurs concernés.” Au sein du Marché International de Rungis, la startup traite donc quelque 1200 à 1500 tonnes de polystyrène par mois pour que la matière puisse être revalorisée. Après avoir chassé l’air des blocs de polystyrène, ces derniers sont revendus à des sociétés spécialistes de l’extrusion qui vont fondre la matière pour obtenir d’abord une pâte puis des granulés plastiques. Ces derniers serviront notamment de panneaux d’isolation pour le secteur du bâtiment.

Organiser la revalorisation à grande échelle

Pour revaloriser à grande échelle les milliards de tonnes de déchets qu’elle produit chaque années, la filière agroalimentaire s’organise, comme en témoignent les projets portés sur le site même du Marché de Rungis, à l’instar du projet de l’association Le Potager de Marianne, qui trie et reconditionne des fruits et légumes invendus et les livre à des banques alimentaires de la région.

La lutte contre le gaspillage alimentaire est un enjeu capital qui s’inscrit naturellement dans notre démarche RSE, explique Stéphane Layani, Président-directeur général du Marché International de Rungis. Signataire du pacte de lutte contre le gaspillage, le Marché de Rungis a mis en place une politique performante de revalorisation alimentaire qui permet de redistribuer aux plus démunis plusieurs centaines de tonnes de produits invendus. C’est une préoccupation constante que nous entendons poursuivre et développer. La SEMMARIS et le Marché de Rungis, de par leur position de premier Marché alimentaire au monde, se doivent de continuer à se montrer exemplaires en matière de responsabilité sociétale.

Maddyness, partenaire média de Rungis & Co