Avec DigitalFoodLab, nous rencontrons un grand nombre d'industriels de l’agro-alimentaire et de la distribution et les accompagnons dans la compréhension des opportunités FoodTech et sur les meilleures manières d’agir dessus. Nous constatons qu’un grand nombre d’entre eux nous demande « Pourquoi travailler avec des startups ? ». La question peut être posée honnêtement et candidement mais aussi de manière agressive, comme un rejet de « toutes ces startups qui nous contactent et dont on ne sait pas quoi faire ». Voici donc plusieurs niveaux de réponse à cette question sur l’utilité de s’intéresser aux startups.

Pour survivre

La première raison que l’on peut invoquer pour s’intéresser aux startups lorsque l’on est un grand groupe est bien évidemment de préparer son propre futur. Cela semble cependant laisser sceptique beaucoup d’industriels et de distributeurs agro-alimentaire français. En effet, aucune startup n’a encore profondément disrupté le marché alimentaire en France en s’imposant comme un leader se substituant aux industriels traditionnels. Dans d’autres pays, les exemples de cette croissance rapide de startups dans le Food et de la prise de conscience des industriels sont nombreux.

On peut prendre l’exemple de Chobani aux Etats-Unis qui a développé une offre de yaourts grecs. À partir de rien et en quelques années, avec une promesse de qualité dans ses produits, la startup est devenue leader de son secteur et représente même prêt de 20% des ventes sur l’ensemble des yaourts. Plus récemment, Halo Top, qui propose des glaces allégées, est en train de changer le modèle de consommation de ce produit. D’objet plaisir et calorique, il devient un produit du quotidien, idéal pour un snack. 

Les industriels traditionnels se trouvent alors dans une situation de challengers. Pour survivre sur un segment de marché clef, ils sont contraints de procéder à des rachats très couteux comme celui de Rxbar (une barre protéinée, saine et sans « mauvais » additifs) par Kellog’s pour 600 millions de dollars.

Préparer le futur et agir aujourd'hui

Pour éviter ces rachats anticoncurrentiels, l’ambition de nombreux industriels est de s’intéresser aujourd’hui aux possibles succès de demain. Cela implique une part de risque plus grande. Un bon exemple de cette stratégie est celle de Tyson Foods, le plus grand transformateur de viande au monde. Fin 2016, la société s’est dotée d’un fond d’investissement pour préparer plusieurs scénarios pour le futur de l’alimentation. Le fond a investi dans des startups aussi différentes qu’un four intelligent et connecté mais aussi des startups dont la promesse est justement celle de la disparition de Tyson Foods. Le groupe a en effet participé à des investissements de plusieurs dizaines de millions de dollars dans Beyond Meat et Memphis Meat qui travaillent respectivement sur un substitut de viande à partir de végétaux et sur de la viande de synthèse.

Cette stratégie d’investissement à plusieurs objectifs :

- sur le long terme, cela consiste à identifier en amont plusieurs scénarios d’évolution ou de disruption du marché, d’accompagner de futurs leaders potentiels avec le savoir faire et l’outil industriel d’aujourd’hui et d’être positionné pour les racheter si le scénario se révèle sérieux.

- à moyen terme, cela permet de se positionner sur de futurs développements de marchés proches de l’activité principale de l’entreprise, soit en trouvant de nouveaux canaux pour vendre les produits, soit pour identifier de nouvelles sources de revenus. C’est par exemple le cas quand Wall Mart s’intéresse à des acteurs du meal kit, rapidement suivi par Carrefour qui a pris une position majoritaire dans QuiToque.

Pour comprendre les évolutions de marché & former les équipes 

Investir, mais aussi travailler avec les startups pour en distribuer les produits ou les accompagner dans leur croissance est aussi profitable à très court terme. 

Nous considérons qu’aujourd’hui les startups de la FoodTech permettent de remplacer les fameux cahiers de tendance qui indiquent avec plus ou moins de fiabilité les tendances à venir. En effet, l’énergie déployée pas des milliers d’entrepreneurs répartis sur le globe, dans un marché de l’alimentaire de plus en plus uniforme permet d’identifier très en amont ces tendances. Regarder le succès de startups early stage dans les marchés les plus avancés sur une thématique, par exemple la livraison en Inde ou l’agriculture en Irlande, est un moyen d’anticiper les évolutions à venir.

Enfin, sur un plan très concret, la collaboration entre des startups et les équipes d’un groupe agro-alimentaire est un moyen de stimuler les collaborateurs de ce dernier. À la fois pour partager les bonnes pratiques et les connaissances mais aussi pour donner plus de sens au travail quotidien. Certains industriels, confrontés à la difficulté de recruter des talents pourraient y trouver le moyen de fidéliser leurs jeunes employés.

Cette relation entre startups et grands comptes est souhaitable et doit se développer de plus en plus si nous souhaitons construire un écosystème fort et reconnu. Cela vrai à l’échelle de la FoodTech française mais aussi de la French Tech en général. Heureusement, des signaux positifs nous sont parvenus ces derniers mois avec des rachats de startups (FoodChéri, QuiToque) et des collaborations de plus en plus nombreuses.

Industriels et distributeurs, continuez à ouvrir vos portes, à travailler avec les startups, et ensemble faisons en sorte que l’écosystème français grandisse.