Nous sommes aujourd’hui plus de 7 milliards d’êtres humains sur Terre. En 2050, nous serons plus de 9 milliards. Ce sont autant de bouches à nourrir alors même que les ressources nous manquent et qu’elles sont inégalement réparties, que notre environnement requiert une plus grande protection et que la sécurité alimentaire est une question de survie. Un triple défi de taille auquel s’attaque aujourd’hui le progrès technologique. Mais pourra-t-il seulement le relever ?

De plus en plus aidés (influencés ?) par la technologie, les industriels, agriculteurs, intellectuels, médecins et entrepreneurs du monde entier planchent sur les scénarios possibles concernant le futur de notre alimentation, avec ou sans assiette. De nouveaux modes d’alimentation font leur apparition et prônent le retour à une consommation purement nutritive. Les substituts alimentaires liquides se multiplient et font déjà leur premiers adeptes. Mais alors, l’avenir de la nourriture tiendrait-il dans un verre ?

Retour vers l’an 2000

Plongée au coeur des archives de l’INA. Si l’on écoute à nouveau les enfants interrogés en 1969, l’alimentation en l’an 2000 aurait déjà dû ressembler à celle de La Nuit des Temps de Barjavel : un monde où nous embrasserions la technologie pour nous nourrir uniquement de produits chimiques et de substituts artificiels. Un monde où la norme serait les “mange machines” et leurs pilules nutritives créées à partir de rien. La question « comment mangerons-nous en l’an 2000 ? » se posait tout comme celle de l’an 2050 se pose aujourd’hui.  Entre récits dystopiques et réalités technologiques, ce monde nouveau est déjà bel et bien en marche, tant et si bien que le futur de l’alimentation se dessine déjà subrepticement, que ce soit sous forme liquide ou médicamenteuse.  

Pour beaucoup d’entrepreneurs de la Food Science, simplifier au maximum le quotidien pour gagner en productivité et en énergie reste le leitmotiv majeur. Pourquoi s’obstiner à suivre un processus alimentaire complexe (achat, conservation, préparation, cérémonie de l’ingestion et digestion) quand il est possible d’optimiser son temps tout en apportant à son corps les éléments nutritifs dont il a besoin ? Est-il seulement encore nécessaire de manger ?

Manger moins pour travailler plus

Dans la Silicon Valley, boire ses repas pour travailler plus ne fait plus débat. Les potions magiques 100% liquides et protéinées aux noms de Soylent, Schmoylent, The Ultimate Meal ou encore Schmilk ont remplacé les assiettes garnies et accompagnent au quotidien les entrepreneurs dans leur course à la productivité. Ces boissons protéinées soutenues pour certaines par la FDA (Food and Drug Administration) en tant que compléments alimentaires, fournissent un équilibre parfait entre glucides, lipides et protéines pour répondre aux besoins nutritifs quotidiens.

Pour Matthieu Vincent et Jérémie Prouteau, fondateurs du DigitalFoodLab, Soylent est une solution “parfaite d’un point de vue nutritionnel, elle peut remplacer des repas pris sur le pouce ou des sandwichs aussi vites regrettés qu’avalés”. Sa composition ? Une trentaine d’ingrédients allant de la farine d’avoine à la protéine de riz ou à l’huile de tournesol, en passant par les graisses de poissons et les acides gras. Pour son fondateur, Rob Rhinehart, l’objectif est plutôt clair : “le corps n’a pas besoin de la nourriture elle-même, seulement des élément chimiques qu’elle contient”. À terme, il imagine même sa solution s’introduire dans tous les foyers, disponible au même titre que l’eau courante, et bénéficiant de son propre robinet.  

Boire et manger dans un laps de temps très réduit, en quelques secondes, et laisser sa cuisine en jachère ? En France, la startup Feed s’est emparée du sujet en développant une boisson “smart food” - à base de soja, d’avoine, de blé et de microfibres - assurant en une bouteille de 500ml l’apport énergétique équivalent à un repas complet, soit 650 kilocalories.  De son côté, une autre jeune pousse française, Smeal, a développé une poudre censée combler tous les besoins. Petit creux du matin, grosse faim ou snack de l’après-midi, il suffit d’ajouter plus ou moins de poudre à son shaker pour être rassasié en 30 secondes. Si ces produits ont aujourd’hui le vent en poupe et préfigurent l’alimentation du futur, ils ne sont pourtant pas nés d’hier. Depuis des années, c’est le crédo de Weight Watchers et des aficionados des régimes qui, pour ne pas se laisser tenter par une barre chocolatée, lui préfèrent un shaker tout prêt.

« Que ta nourriture soit ton médicament … et que ton médicament soit dans ta nourriture »  - Hippocrate

Le recours aux pilules alimentaires n’est quant à lui plus l’apanage des militaires et des astronautes. Monsieur et Madame tout le monde peuvent dorénavant les utiliser au quotidien, que ce soit en compléments alimentaires ou pour remplacer un repas complet. Dans la mouvance de la lyophilisation des aliments - de leur déshydratation par le froid -  les pilules alimentaires conservent en effet le capital nutritif et calorique des aliments.

Bonne nouvelle pour les déserteurs de la vaisselle : demain, un simple pilulier suffira à gérer notre alimentation quotidienne. Le lundi sera veggie avec les pilules vertes, le mardi carnivore avec les rouges, et le mercredi ce sera poisson avec les blanches. Appétissant, non ?

Inimaginables pour certains, ces pilules représentent pourtant une véritable solution aux problèmes d’alimentation à travers le monde. Elles permettraient notamment aux personnes âgées et aux individus handicapés de regagner une certaine autonomie dans leur vie quotidienne, et de réduire ainsi leur taux de mortalité, dont les premières causes sont la dénutrition et la malnutrition. C’est d’ailleurs sous cette forme, encore une autre, que le créateur de Soylent aimerait également distribuer son produit.

Demain, des capsules nutritionnelles Nespresso ?

L’innovation n’est pas l’exclusivité des startups et certains grands groupes agroalimentaires travaillent déjà sur des projets futuristes dans lesquels alimentation rime avec data, et où les “repas-capsules” pourraient trouver leur place.

Fin 2013, l’Institut de Santé du groupe Nestlé annonçait par exemple son souhait de développer une machine à nutriments parfaitement adaptée aux besoins de chacun. De la super food à domicile. Son but ? Synthétiser la nourriture à l’image du “food replicator” de l’emblématique Star Trek et décliner son concept Nespresso à des fins nutritives.  Le projet, intitulé “Iron Man” en interne, ne verrait pas le jour avant plusieurs années.

Quitte à manger léger, pourquoi pas ne plus rien manger ?

Une pilule, on en conviendra, ne doit pas procurer beaucoup de plaisir. Certains individus arrivent pourtant à en trouver dans une forme bien particulière : la nourriture pranique. Le terme nourriture n’est d’ailleurs pas très adapté pour ce régime qui fait fi de toute alimentation qu’elle soit solide, liquide, ou en poudre puisque ses adeptes ne puisent leur énergie que dans le “prana”, l’énergie ambiante. Traduction, certaines personnes aujourd’hui se nourrissent exclusivement d’air et de soleil. Une question se pose toutefois, à quoi peuvent bien ressembler leurs dîners entre amis ?