"On ne cherche pas une performance artistique ou esthétique, on veut participer à la constitution de vraies entreprises." François Véron, cofondateur de Newfund, pose le cadre : le fonds fait partie de ceux qui valorisent la sueur, le travail (surtout quand il est bien fait) et la discipline. Sûrement parce que le fonds est financé par des entrepreneurs, qui savent reconnaître la valeur de l'effort. Le fonds vient de closer son deuxième véhicule d'investissement, d'un montant de 130 millions d'euros - souscrit à 95% par des entrepreneurs - portant le total des fonds sous gestion à 230 millions.

C'est cet oeil avisé qui permet aux chargés d'investissement de détecter puis d'accompagner ses pépites. Et comme tout bon chercheur d'or, ils n'hésitent pas à remonter la rivière pour aller chercher leurs trésors à la source. Le fonds investit des tickets de 500 000 à 2 millions d'euros dans des entreprises françaises et américaines mais exclusivement en early stage. De quoi en faire "le passeur entre la phase de création et un monde très financier", que les entreprises découvrent après leur premier tour de table auprès d'investisseurs financiers. "Le niveau de qualité est décorrélé de la valeur du ticket, rappelle François Véron. Nous repérons des entreprises qui sortent de l'ordinaire, c'est-à-dire qui combinent une personnalité exceptionnelle avec un projet intéressant."

Accompagner le Mozart de demain, pas le façonner

Reste ensuite au fonds à accompagner l'entrepreneur vers le succès... ce qui est loin de n'être qu'une question de chiffres. "Beaucoup de fonds montent en puissance en doublant la taille de leurs fonds... sans doubler celle de leurs équipes", souligne François Véron. Un écueil que souhaite à tout prix éviter Newfund, qui privilégie l'accompagnement humain. Et se refuse à se cantonner à un seul secteur ou un seul type d'équipe. "Nous gardons une approche ouverte, il faut se méfier des cases qui formatent un projet. Nous avons dans notre portefeuille une diversité de secteurs, d'implantations géographiques et d'équipes qui rendent les échanges au sein du portefeuille d'autant plus riches."

Un éclectisme que le fonds cultive patiemment, se jouant des étiquettes et des parti-pris. "Il n'existe pas de méthodologie du succès, nous devons donc respecter l'originalité des entreprises, explique le cofondateur de Newfund. Nous ne pouvons pas être uniformes, sans quoi nous passerons à côté des Picasso et Mozart de l'entrepreneuriat." Une référence chère à la startup nation, qui préfère ainsi se laisser le droit à l'erreur plutôt que de manquer une occasion de briller. Même si François Véron prévient "qu'il ne faut pas confondre droit à l'échec et manque de discipline".

"Il faut identifier les manques tout en créant de la valeur pour éviter l'inflation :
c'est le principe même du capitalisme"

François Véron, cofondateur de Newfund

Car humaniste ou non, un fonds reste un fonds qui cherche avant tout la réussite financière, "sinon on est un laboratoire d'idées", sourit l'entrepreneur. De ce côté-là, Newfund a des arguments à faire valoir, les 13 sorties déjà réalisées affichant un multiple de retour sur investissement de trois fois la mise initiale. Des chiffres qui confortent le fonds dans sa stratégie de cibler l'early stage, alors que les montants levés par les startups affolent les compteurs. "Comment faire des tickets de 20 à 50 millions d'euros des succès alors que les sorties supérieures à 400 millions d'euros sont rarissimes ?", s'interroge ainsi François Véron. Aux rêves de licornes qui s'évaporent aux premières difficultés rencontrées, Newfund préfère un succès sonnant et trébuchant bâti grâce à un travail rigoureux.