Apparues au début des années 2000, les néobanques et banques mobiles se sont multipliées ces dernières années et semblent avoir trouvé leur place sur le marché français, sans toutefois véritablement convaincre de la pérennité de leur modèle. Par leur dynamisme commercial, ces banques nouvelle génération "sont devenues des acteurs incontournables de la banque de détail en France" et gagnent des parts de marché, souligne l'ACPR, le superviseur bancaire français, dans une étude publiée mercredi.
Jusqu'à 6,5% des Français en sont aujourd'hui clients, soit 4,4 millions de personnes à fin 2017, et surtout un tiers des clients conquis par ces nouveaux acteurs l'ont été l'an dernier, précise l'entité adossée à la Banque de France. Si ces nouveaux venus s'adressaient initialement "à des clientèles minoritaires, déjà bancarisées et plutôt complémentaires à celles des réseaux traditionnels, ils touchent aujourd'hui de plus en plus le grand public", est-il ajouté dans l'étude, réalisée auprès de douze néobanques et banques mobiles actives sur le marché français.
Un nouveau secteur très hétérogène
Cet essor intervient dans un contexte de profonde transformation pour la banque de détail, sur fond de révolutions des usages bancaires, de durcissement de la législation autour des pratiques tarifaires ou encore de taux d'intérêts durablement bas qui compliquent la tâche de faire fructifier l'argent des clients. Nés avec l'avènement d'internet, les nouveaux venus misent sur le numérique et la téléphonie mobile pour réinventer les services financiers, faciliter la vie des clients via une offre simplifiée, tout en réduisant drastiquement les frais bancaires en renonçant à exploiter un réseau d'agences classique.
Le microcosme des néobanques est toutefois loin d'être homogène : certaines sont des marques (Hello Bank) ou des produits (C-Zam) sans personnalité juridique. D'autres étrangères sont présentes en France via le passeport
européen (N26 Bank, Revolut). Elles peuvent aussi être très récentes (Orange Bank depuis novembre 2017) ou encore en phase de lancement (Ma French Bank du groupe La Banque Postale), appartenir à des grands groupes bancaires (Boursorama, Compte Nickel, BforBank, Fortuneo) ou rester indépendantes. Enfin, des banques mobiles s'appuient sur un réseau physique, à l'instar d'Orange Bank avec les boutiques Orange, là où d'autres concurrentes sont accessibles uniquement sur téléphone mobile.
"Ces nouveaux acteurs ont contribué à amener du changement sur le marché bancaire français. L'innovation vient actuellement plutôt de leur côté", explique à l'AFP Julien Maldonato, analyste services financiers chez Deloitte. Sous leur influence, de nouveaux services se sont généralisés, tels que l'agrégation de comptes, l'ouverture de comptes à distance ou encore la possibilité de modifier à volonté les paramètres de sa carte bancaire. La multiplication de ces néobanques proposant un grand nombre de prestations gratuites a progressivement poussé les établissements traditionnels à adapter leurs grilles tarifaires. Conséquence, le coût des services bancaires en ligne n'a cessé de reculer depuis 2012, a constaté l'Observatoire des tarifs bancaires dans son dernier rapport annuel publié lundi.
Un modèle à trouver
Mais sauf rares exceptions, "ces nouveaux acteurs ne sont pas parvenus à dégager des résultats positifs en 2017", relève l'ACPR. Même si certains espèrent être bénéficiaires à fin 2020, "les incertitudes restent nombreuses quant à la capacité des nouveaux acteurs bancaires à construire un modèle d'affaires rentable", pointe le superviseur bancaire français. "Tout l'enjeu réside donc dans leur capacité à maintenir leur dynamique de développement et d'en amortir les coûts afférents. Or, si les acteurs sondés dans notre étude ambitionnent un total de 13,3 millions de clients à fin 2020, aucun élément ne laisse présager une croissance du marché français: la population française est déjà fortement bancarisée, la croissance démographique reste faible et l'hypothèse d'une augmentation structurelle de la multi-bancarisation est débattue", poursuit-il.
Pour doper les bénéfices, banques mobiles et néobanques cherchent à devenir la banque principale de leurs clients et à progressivement couvrir la grande majorité des besoins financiers. Difficile toutefois de dire quel sera le modèle gagnant à long terme. "C'est une équation à multiples inconnues. Il faudra trouver un moyen de gagner de l'argent, mais ce processus peut être très long. Si on reste uniquement sur une filière verticale de services financiers, on rate quelque chose. Si on ne devient pas rapidement une plateforme d'expérience et de
moments de vie de bout en bout, on ne sera peut-être jamais rentable", juge Julien Maldonato.
Néanmoins, "si les ambitions stratégiques de ces nouveaux acteurs venaient pour tout ou partie à se réaliser, cela aurait nécessairement pour corollaire un bouleversement des positions acquises par les acteurs traditionnels", prévient l'ACPR.