Les livreurs à vélo travaillant pour des plateformes dédiées, telle qu'Uber Eats ou Deliveroo, ne sont pas des auto-entrepreneurs, mais bel et bien des salariés. C'est en tout cas ce qu'a reconnu la Cour de cassation ce mercredi dans un arrêté publié en ligne, après avoir été saisie du cas d'un livreur ayant travaillé, en 2016, pour Take Eat Easy - vous savez, cette startup belge créée en septembre 2013, spécialisée dans la livraison de repas à domicile et placée en redressement judiciaire en juillet 2016 faute d'investisseurs intéressés pour les accompagner dans une nouvelle levée de fonds.

L'histoire

En 2016, ce livreur, M. X, a postulé auprès de Take Eat Easy à la suite de la diffusion d’offres de collaboration sur des sites internet spécialisés. Puis, au terme d’un processus de recrutement, il a effectué les démarches nécessaires en vue de son inscription en qualité d’auto-entrepreneur avant que soit conclu, le 13 janvier 2016, un contrat de prestation de services.

Jusqu'ici tout va bien. Sauf que trois mois plus tard, M. X. saisit la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de son contrat en un contrat de travail. Son argument : Take Eat Easy mettait en place un certain nombre de contraintes de travail dédiées à ses livreurs (notamment un système de pénalités distribuées en cas de manquement du coursier à ses obligations contractuelles), mais disposait également d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel de chaque course.

Une justification que la cour d'appel de Paris avait estimé insuffisante en avril 2017, rejetant ainsi l'affaire des prud'hommes en l'absence d'un contrat de travail. La Cour de cassation, saisie par ce même coursier, aura été plus clémente, estimant qu'il existe bien un "lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné".

Cette dernière a par ailleurs rappelé que "la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination", a violé l'article L8221-6 du code du travail.

Une première pour les livreurs français

Si l’affaire doit désormais être rejugée par la Cour d’Appel de Paris, cette décision devrait remettre en cause le modèle des plateformes Deliveroo et Uber Eats en France, quelques semaines après qu'un tribunal de Valence avait lui estimé qu’un livreur enregistré sur la plateforme Deliveroo bénéficiait du statut de salarié.

Parallèlement, le parquet de Paris mène actuellement une enquête sur Deliveroo France. L'information, révélée par Mediapart, explique que la société et ses dirigeants sont soupçonnés de " travail dissimulé ". Avant la Cour de cassation, l'inspection du travail et l'Urssaf avaient déjà estimé que les livreurs à vélo étaient des salariés classiques et que leurs employeurs devaient donc s'acquitter de leurs obligations légales.