Cet article a initialement été publié en anglais sur la page Medium de Spero Ventures

Au sein d’une startup, l’embauche de cadres peut se transformer en urgence. Vous évoluez rapidement, vous avez besoin de plus de personnes dans l'instant et vous n'avez pas le temps de le prendre pour réfléchir. Il peut être tentant d’aller vite et d'embaucher au fil de vos besoins.

Ne le faites pas, dit Geoff Donaker, un investisseur early stage chez Burst Capital et ancien directeur des opérations de Yelp. Ce qu'il a appris après des années passées à embaucher, c'est qu'avoir une méthode et une structure, c'est la clé quand on embauche.

Étape 1 : déterminez le niveau de compétences que vous recherchez

Avant toute chose, chargez la mule en amont. Avant de commencer à recruter et à faire passer des entretiens, vous devez être incroyablement décidé sur ce que vous recherchez vraiment. Commencez par réfléchir au niveau d’expérience que vous exigez. Geoff Donaker l'établit ainsi :

  • Les directeurs doivent fournir une expertise fonctionnelle. " C’est quelqu’un qui est vraiment très bon en vente, en ingénierie ou en marketing ", explique-t-il.
  • Les vice-présidents doivent être des experts en leadership. Ils ont les mêmes compétences que les directeurs mais ont plusieurs années d’expérience dans la construction et l’animation d’une équipe. " Cette personne n’est pas seulement experte dans les ventes, elle a construit une équipe de vente qui est formidable ", précise Geoff Donaker.
  • Les cadres dirigeants (CEO, CPO, COO...) doivent avoir une expérience réussie de la direction d'une startup. " Il s'agit d'un cofondateur ou un cadre dirigeant d'une autre startup qui a réussi. À ce niveau, vous devriez obtenir votre véritable partenaire commercial qui apporte quelque chose que vous ne pouvez pas obtenir autrement ", estime Geoff Donaker.

" Je rencontre des candidats dont les compétences correspondent au niveau d'un·e directeur·trice et ils demandent des postes de cadre dirigeant, en arguant de quelques années d'expérience en tant qu'expert financier. Ce n'est pas viable et il faut tous en prendre conscience avant de poursuivre le processus de recrutement ", relativise Geoff Donaker. Les entretiens sont limités. Ils ne peuvent vous apprendre autant que vous le souhaiteriez. Concentrez-vous plutôt sur d'autres phases du processus de recrutement.

Étape 2 : rédigez des descriptions de poste concises (et précises)

Maintenant que vous avez défini les compétences de la personne que vous recherchez, rédigez une description du poste. " Faites au plus simple et restez objectif. Ignorez les exigences trop génériques telles que " avoir l'esprit d’équipe ". Ne listez pas des exigences auxquelles n'importe qui pourrait dire répondre. C'est pour cela qu'il faut que vous soyez objectif... et précis. Préférez " sept années d'expérience financière avec des évolutions de poste " à " bonnes compétences en finance ". Si c'est quelque chose que vous pouvez vérifier sur un profil LinkedIn afin de valider une candidature, cette personne a atteint l'objectif que vous avez fixé ", déclare Geoff Donaker.

Étape 3 : vendez votre entreprise (et le poste) !

Les offres d’emploi l’oublient souvent. " À moins que vous ne soyez Google ou Facebook, que vous payiez le plus cher, les gens ne vont pas venir vous chercher. Offrez une visibilité à votre offre en la listant sur des sites de recrutement qualifiés mais faites aussi fonctionner le bouche à oreille : parlez à 30 personnes qui pourraient connaître la personne que vous essayez de toucher. Appelez-les, envoyez-leur à chacun un texto ou un mail personnalisé pour leur dire : 'je sais que vous connaissez des gens dans la finance. Je recherche un directeur financier. Pouvez-vous me donner au moins un bon candidat ?' ", conseille Geoff Donaker.

Conseil clé : ne contactez que les personnes qui pourraient vous recommandez des candidats qu'ils connaissent. Ne laissez pas simplement leur adresse mail en copie cachée dans un mail envoyé à 100 personnes. " Réfléchissez à la manière dont vous répondez lorsque vous êtes approché(e) personnellement plutôt que via un emailing massif. Les visites personnelles augmentent vos chances d'obtenir une réponse vraiment utile et ces candidats recommandés sont également plus susceptibles d'être réceptifs parce qu'ils ont été orientés par une personne en qui ils ont confiance ", souligne Geoff Donaker.

Étape 4 : sélectionnez les candidats - ce qui veut dire : dites non à certains

La phase de sélection est celle où respecter le processus et appliquer la méthodologie vous aidera énormément. Geoff Donaker a quelques maximes auxquelles il tient tout particulièrement. Voici comment il structure les premières sélections :

  • Restez droit·e dans vos bottes. Lorsque vous examinez les CV, gardez en tête les exigences que vous avez listées au début du processus de recrutement. " Regardez les profils que vous avez et voyez s’ils correspondent ", explique le donateur. Dans l'exemple précédent, un PDG recherchait quelqu'un avec sept ans de responsabilité financière croissante. " Nous avons reçu un CV de quelqu'un qui a quatre ans d'école de commerce. Il a effectué deux années dans la finance et deux années en tant qu'associé dans le capital-risque. Cela ressemble-t-il à sept années d'expérience en finance d'entreprise ? Mais devinez ce que fait le PDG qui reçoit ce profil ? Il convoque la personne pour un entretien parce qu'il trouve le profil intéressant ", se désole Geoff Donaker. " Je suis sûr que cette personne est géniale et très intelligente mais elle ne répond vraiment pas à la description de poste qui a été dressée. Ne perdons donc pas notre temps sur ce point. "
  • Coup de téléphone en premier, entretien en dernier. Ne perdez pas votre temps — et celui de la personne interrogée — en ne vérifiant pas les bases. Passez un appel de 10 minutes pour vous assurer que la personne correspond dans les grandes lignes à ce que vous cherchez. Ce que vous devez vérifier pendant l'appel :
    • Les infos du CV. " Essayez de vérifier tout ce qui n’était pas évident au regard de vos exigences. Peut-être disent-ils sur leur CV qu'ils ont une expérience RH, mais ce n'est pas évident sur leur profil LinkedIn. Vous pouvez confirmer cela en appelant rapidement et en demandant quelles étaient leurs missions pour tel ou tel poste ", déclare Geoff Donaker.
    • Le salaire. " Si cette personne cherche un salaire annuel de 100 000 euros et que nous avons un budget de 80 000 euros, la faire venir pour un entretien d'une heure est une perte de temps, tranche Geoff Donaker. Vérifiez cela le plus tôt possible. Quels sont ses besoins ? Est-ce conforme à votre budget ? Vérifiez également la mobilité géographique : si la personne vit à Marseille et que votre entreprise est à Paris, va-t-elle déménager ? "
    • Prêtez attention aux signaux d'alerte. " Quelquefois, quelqu’un dira quelque chose de perturbant au cours des trois premières minutes de votre rencontre. Vous n'avez probablement pas besoin de perdre une heure de votre temps avec cette personne ", explique le donateur.

Se tenir strictement à votre structure est la clé. Ne parlez qu’aux personnes qui répondent aux exigences que vous avez définies au début et vérifiez leurs attentes. Ne vous laissez pas distraire.

Étape 5 : optimisez vos entretiens

Les conseils de Geoff Donaker pour l'entretien sont assez simples : n'y passez pas trop de temps. Il recommande de se concentrer plutôt sur l'étape 6 — la vérification des références. Mais il faut bien sûr faire un petit entretien. En gardant à l'esprit que les entretiens sont un outil limité, voici les conseils de notre expert pour rendre votre entretien le plus utile possible :

  • Évitez de laisser vos sentiments prendre le dessus. " 90% de ce qui se passe dans l'entretien se résume à 'Est-ce que je vous aime ? Tu m’aimes ?’ Nous évaluons ainsi le fait d'aimer ou non la personne, ce qui n'a rien à voir avec la description de poste que vous avez rédigée ", rappelle Geoff Donaker.
  • Posez les mêmes questions à chaque candidat. Tout comme vous avez apporté de la structure à la description du poste et à la sélection, faites de même pour l'entretien. " Rédigez la même liste de questions que vous poserez à chaque candidat. S'il s'agit de questions ouvertes, limitez-vous à cinq pour un entretien d'une heure, précise Geoff Donaker. Prenez des notes pour avoir des réponses que vous pourrez comparer. "
  • Découvrez les vraies motivations des candidats. Dérouler le CV peut vous en apprendre beaucoup... si c'est fait intelligemment. " C'est la première chose que je demande au candidat. 'Vous avez travaillé pour X. Quelles sont vos plus belles réussites à ce poste ? Pourquoi l'avez-vous quitté ? Pour un poste hiérarchiquement plus important ? Pour un meilleur salaire ? Pourquoi ?' ", esquisse Geoff Donaker.
  • Demandez des références. Exigez tôt du candidat qu'il vous fournisse une liste de personnes que vous pouvez appeler pour vérifier ses dires, et ce avant d'avoir déjà décidé que vous aimiez vraiment un candidat.

Étape 6 : consacrez vos efforts à la vérification des références

Il s'agit d'une étape critique du processus et il est important de se rappeler que les références doivent vous servir d'information... pas de confirmation d'un coup de coeur ! C'est pour cela qu'il est crucial de solliciter des commentaires honnêtes sur votre candidat.

  • Effectuez les contrôles le plus tôt possible. " Souvent, les recruteurs vérifient les références des candidats les plus intéressants et les utilisent pour prendre une décision. Les vérifications ont donc souvent lieu... quand vous avez en réalité déjà décidé. Écoutez-vous vraiment à ce stade ? Non, vous souhaitez juste avoir confirmation de ce que vous pensez déjà savoir ", explique Geoff Donaker.
  • Utilisez le test du mail à trois lignes. Envoyez un bref e-mail à toute personne avec laquelle vous souhaitez évoquer l'expérience du candidat en disant : " j’ai parlé avec le candidat X d’un poste de direction chez [votre entreprise]. Nous avons vraiment de la chance d'avoir plusieurs bons candidats pour ce poste. Si le candidat X est l’une des personnes avec lesquelles vous avez préféré travailler, j’aimerais en discuter avec vous pendant quelques minutes. " " Neuf fois sur dix, si vous envoyez trois mails de ce type, les gens répondront dans la demi-heure : 'cette personne est extraordinaire. Je l'embaucherais à nouveau en un clin d'oeil.’ Des réponses rapides comme celle-ci sont exactement ce que vous recherchez. "
  • Reformulez la question " quels sont ses points faibles ". " Personne ne vous indiquera les faiblesses du candidat s’il l'apprécie vraiment. Au lieu de cela, dites : 'Hé, si j’ai la chance de pouvoir travailler avec cette personne, quelles suggestions avez-vous, en tant qu’ancien responsable, pour tirer le meilleur parti de ses compétences et de sa personnalité lorsqu’elle se trouve dans une nouvelle situation ?' Cela peut inciter les gens à se confier. Cela implique que vous avez de toute façon l’intention d’embaucher cette personne et que vous demandez un conseil ". C'est à ce moment-là que les gens laisseront échapper des choses comme une sensibilité accrue à la charge de travail ou le fait que la personne soit tatillonne sur les horaires.
  • Cherchez des références en coulisses. " Ce sont des personnes avec lesquelles la personne a travaillé qui ne sont pas les trois personnes qu'elle vous a donné comme références. Vous devriez toujours vérifier avec le candidat s'il accepte que vous alliez chercher d'autres références — ne le faites pas à son insu. Mais une fois que vous êtes assez loin, je pense que chaque cadre que vous embauchez devrait dire : " bien sûr, allez-y ". À ce stade, vous devriez trouver toutes les personnes avec lesquelles ils ont travaillé, les contacter sur LinkedIn et commencer à interroger ces personnes. Ces gens n'ont aucune raison d'être particulièrement dithyrambiques. Vous obtiendrez une image plus honnête ", explique Geoff Donaker.

Notez le comportement qu'adoptent les personnes que le candidat a listé comme références. Lorsque les gens laissent des choses de côté ou choisissent de ne pas répondre à certaines questions, il y a généralement un loup (à débusquer).

En conclusion

Geoff Donaker a quelques mauvaises nouvelles pour vous : un employé sur trois ne fera pas l'affaire. C'est la règle de base. Et c'est l'une des plus difficiles à accepter. " La première chose à faire est simplement de reconnaître que tout ne va pas se passer comme les statistiques vous le laissent penser. Si vous pouvez gérer cela sur le plan émotionnel, cela vous permettra de prendre des décisions plus facilement. Vous vous rendrez compte que vous n’êtes pas à la recherche de la perfection, que vous cherchez ce qui sera le mieux possible au temps T ", explique l'expert. Acceptez la volatilité de l'emploi dans les startups. " L’équipe va continuer à changer. Les fondateurs supposent que tous ceux que vous embauchez seront là pour toujours. Ce n'est pas le cas. Tout le monde n'est là que pour quelque temps. Le recrutement est plus un art qu'une science — la partie scientifique est la structure mais l'art est le jugement que vous arriverez à porter sur tout ça. C'est différent pour tout le monde mais trouver l'équilibre entre structure et flexibilité conduira à des embauches qui feront passer votre équipe au niveau supérieur. "

Geoff Donaker a participé à la construction de l'équipe de direction au cours de ses dix années passées chez Yelp, où il a fait partie des premiers employés et a aidé à faire évoluer l'organisation jusqu'à son introduction en Bourse. Il est actuellement membre du conseil d'administration de Yelp et a également occupé précédemment des fonctions de directeur chez eBay.