Chez Lemon Way, nous avons longtemps résisté à l’idée de faire appel à des VC avant de changer d’avis. Avec le recul, nous avions certes besoin d’argent mais plus encore de focus. L’arrivée des fonds de capital-risque a coïncidé à notre recentrage sur les places de marché, notre " core business " désormais.

Lever était une évidence dans notre secteur du paiement numérique qui a vu naître en très peu de temps des concurrents valorisés des dizaines de milliards d’euros et dotés de moyens financiers sans limite. Pour participer à la course dans notre secteur, nous n’avions pas d’autre choix que de lever davantage pour investir sur notre produit et sa commercialisation en Europe et au-delà.

Notre choix stratégique a été de ne pas disrupter les banques en leur laissant une partie de la chaîne de valeur du paiement, contrairement aux nouveaux leaders qui empiètent sur leurs platebandes. Résultat, les banques sont venues à nous pour organiser la contre-attaque. Une grande banque française va ainsi nous confier la gestion des paiements pour ses places de marché dès l’an prochain, une formidable opportunité pour Lemon Way !

Lever s’avère donc nécessaire, mais il faut veiller à ne pas entrer dans une spirale infernale. En effet, les fonds qui investissent dans les startups s’attendent à ce que leur croissance s’accélère, c’est pourquoi les entrepreneurs doivent veiller à ne pas dépenser leur argent trop rapidement, ce qui les obligerait à devoir lever de nouveau. Tant que les marchés financiers restent ouverts, ce n’est pas un problème. Mais s’ils venaient à se fermer, les startups qui n’auraient pas levé se retrouveraient les perdantes au jeu des chaises musicales. En tant que business angel, j’encourage donc les startups à se mettre à l’abri.

Le processus de levée facilité par un réseau et des événements professionnels

Lever de l’argent auprès des fonds est un travail à temps plein, surtout si l’entreprise n’est pas accompagnée par un leveur, ce qui était notre cas pour la levée récente. Mon nouveau poste de président m’a permis de m’y consacrer pleinement. L’exercice consiste à convaincre les investisseurs à travers un " deck ", c’est-à-dire une présentation d’une vingtaine de pages qui présente l’opportunité de marché, la stratégie et le business plan, avant de " pitcher " devant eux, un véritable oral où la moindre hésitation sonne la fin de la partie.

J’ai participé début juin à deux événements essentiels pour rencontrer les investisseurs : Money20/20 à Amsterdam et Noah 2019 à Berlin. C’est lors du premier évènement dédié aux FinTech que j’ai rencontré le fonds Toscafund dont je connaissais déjà un des associés. Nous n’avions pas pu faire affaire à l’époque de mon précédent LBO et nous avons eu envie cette fois-ci de ne pas louper le coche, alors que Lemon Way correspondait parfaitement à leur thèse d’investissement en tant qu’entreprise de services financiers régulés.

Ensuite, tout a été assez vite. Nous avons préparé ensemble une " Term Sheet " et avons accordé au fond une période d’exclusivité qui lui a permis de préempter l’affaire. L’opération reste conditionnée à l’accord de l’ACPR, la condition ultime pour atteindre la dernière étape appelée " closing " qui correspond au versement des fonds en échange des titres.

Ce ne sont pas forcément les meilleures entreprises qui lèvent mais celles qui savent flairer les opportunités et aller à la rencontre des investisseurs. J’ai été surpris par l’efficacité de ces deux évènements dans ma recherche de nouveaux investisseurs, ces manifestations professionnelles riches en rencontres et conférences, représentent une véritable chance pour les startups et entreprises qui souhaitent se financer.

Une question de timing

Ce qu’il faut retenir, c’est que le processus de levée prend six mois en moyenne. Il faut s’y prendre assez tôt sinon l’argent risque de manquer en fin de processus. C’est ce qui a failli nous arriver lors de notre levée de 10 millions d’euros à l’été 2018, compte tenu de discussions qui n’en finissaient pas. Résultat, nous avons reçu les fonds 3 jours avant de payer les salaires, fin octobre 2018. En discutant avec de nombreux dirigeants de startups, j’ai réalisé que notre cas n’était pas isolé. Le dirigeant compte sur les investisseurs pour ne pas profiter de la situation. Nos trois fonds d’investissement, Breega, Speedinvest et Toscafund ont tenu parole en conservant leurs conditions financières annoncées en début du process, un soulagement pour les deux ou trois dirigeants impliqués dans l’exercice (président, directeur général et directeur financier).

Ils portent sur leurs épaules le poids du stress qui monte au fur et à mesure que l’échéance de la signature arrive. Les dernières semaines avant la signature qui engage l’investisseur sont épuisantes émotionnellement, surtout s’il est désormais un peu tard pour redémarrer l’exercice. Nos meilleurs alliés lors des deux levées ont été nos avocats d’affaires. A deux reprises, ils ont réussi à aligner les intérêts des actionnaires et ceux qui allaient le devenir en respectant nos contraintes réglementaires et celles du Commissaire aux comptes, une véritable prouesse !