Après dix ans d’expérience dont sept comme commercial chez SAP, Jérôme Devosse rejoint Sprinklr, une scale up américaine où il découvre une nouvelle méthode de prospection : l’hyper-personnalisation. Le commercial qu'il est décèle un grand potentiel derrière cette tâche fastidieuse et s'en inspire pour lancer un service de mails pré-rédigés. En avril 2017, sa startup AiZimov sort de terre. Le début d'une aventure sinueuse vers le succès.

Poursuivre son idée jusqu’au bout ou l’art du déni

Jérôme Devosse investit alors toutes ses économies, engage une équipe de développeurs et sort en quelques mois un premier prototype qui génère des mails déjà rédigés à ses clients, AiZimov Email Generator. L’idée séduit un certain nombre de dirigeants mais l'engouement ne se transforme pas en pratique. Au bout de "trois semaines, les utilisateurs ne se rendaient plus du tout sur la plateforme, il y avait un problème d'usage" reconnaît l’entrepreneur. En effet, les utilisateurs devaient effectuer un certain nombre de tâches manuelles (aller chercher eux-mêmes les adresses mails de leurs prospects ou effectuer des ajustements des mails pré-rédigés). La simplicité et l'efficacité qu'ils recherchaient n'étaient pas totalement au rendez-vous. De leur côté, les équipes d’AiZimov passaient énormément de temps à améliorer la qualité et la pertinence des contenus. Une activité particulièrement énergivore que Jérôme Devosse décide d’automatiser. En 4 mois, son équipe réussit à élaborer une nouvelle solution.“Simplement, il fallait encore 4 mois pour l’implémenter à grande échelle et il nous restait 6 mois de trésorerie. La levée de fonds faisait du sur place, certains investisseurs se sont rétractés (pour diverses raisons) et nombreux nous donnaient comme feedback qu’il n’y avait pas assez d’usages pour les convaincre” confie le dirigeant. Malgré son envie de développer le produit parfait imaginé un an plus tôt, il comprend qu’il doit modifier son approche et entame la mutation de son produit. 

Le product marketing fit : la preuve d’un bon pivot

Ayant “brûlé beaucoup de cash” dans sa première idée, Jérôme Devosse doit concevoir un produit peu coûteux et facile à mettre en place. Il développe alors AiZimov Contact Manager, une sorte de CRM capable d’organiser les contacts par listes (journalistes, prospects immobiliers, etc…) et de recevoir des rappels.  “Mais en réalité, il n’y avait pas vraiment de besoin derrière ce service non plus”  indique Jérôme Devosse qui réagit presque immédiatement. En moins de deux mois, il réalise un véritable pivot et lance AiZimov LinkedIn Plugin, une solution d’automatisation complète de messages prospectifs sur LinkedIn à destination des commerciaux, des dirigeants, des journalistes mais aussi des demandeurs d’emploi. 

L’outil utilise des algorithmes qui récupèrent des informations sur les prospects et génèrent un mail hyper personnalisé en fonction de leurs actualités. Une manière de toucher émotionnellement son interlocuteur et d’optimiser le temps des commerciaux. L’outil offre également d’autres possibilités : tri des contacts par listes, extraction des mails dans un fichier Excel ou envoi simultané de plusieurs centaines de mails. Cette fois-ci, le match avec l’utilisateur est parfait. Même sans campagne de marketing, les clients affluent. “C’est vraiment ce qu’on appelle le product market fit, quand votre produit répond à un tel besoin que les gens vous contactent par eux-mêmes se réjouit humblement Jérôme Devosse. Comme souvent, les utilisateurs sont les meilleurs ambassadeurs d’une startup. Aujourd’hui, l’entreprise gagne deux utilisateurs par jour en moyenne grâce au bouche à oreille de ses clients. 

Se nourrir de ses erreurs

De cette première année en demi-teinte, Jérôme Devosse tire plusieurs enseignements. S’il ne veut pas parler d’échec, il confesse une “grosse erreur dans sa stratégie initiale qui lui a beaucoup appris”. Le fondement de toute réussite réside, selon lui, dans l’analyse du besoin réel de ses futurs clients.  “Les gens veulent un produit qui leur simplifie la vie, pas forcément un outil qui fasse mieux que ce dont ils ont besoin” explique Jérôme Devosse. Car dans un produit ou un service, tout l’enjeu est là : être utile et utilisé. Face à cette mauvaise compréhension, le fondateur d’AiZimov a fait preuve “d’un grand déni” avoue t-il, conscient qu’il a perdu beaucoup de temps à vouloir à tout prix développer le produit parfait. Prendre du recul n’est pas toujours facile. Pour éviter de tomber dans cet écueil, il conseille ne de “surtout pas partir d’une technologie en se disant qu’on pourrait en faire une startup”  mais plutôt d’imaginer la solution en termes de service. 

Il incite alors à développer une technologie légère, c’est à dire, peu coûteuse et facile à mettre en place pour la tester sur le terrain, directement auprès des consommateurs. Ce test and learn permet de vérifier l’intérêt du produit auprès de sa cible. Est-il utilisé ? De quelle manière ? Répond-il à un besoin ou manque t-il de fonctionnalités?  Si sa viabilité est actée, l’entrepreneur sera alors capable de poursuivre son développement. Cette démonstration pourra également servir d’argument auprès de futurs investisseurs. 

Les contraintes financières et la réalité du marché ont poussé Jérôme Devosse à faire un choix radical : pivoter ou (risquer de) fermer. Grâce à l’implication de son équipe et aux feedbacks de ses premiers utilisateurs, il a su rebondir et séduire son marché. AiZimov a même reçu le prix spécial du public lors du Prix Next Innov organisé par Maddyness et Banque Populaire en mai dernier. Preuve que la réussite ne vient pas à soi, elle se conquiert.