Près de trois quarts des personnes interrogées dans l’enquête “La vie cinq ans après un diagnostic de cancer” de l’INCA déclarent toujours ressentir des douleurs, dont un quart les qualifient comme “fortes”. Être soigné·e pour un cancer s’accompagne souvent de traitements sur plusieurs années, aux effets secondaires parfois lourds. 

Presque trois quarts des femmes atteintes d’un cancer du sein se voient proposer un traitement par hormonothérapie. Cinq ans après le diagnostic, 27,5% d’entre elles l’ont arrêté. Soit qu’elles sont arrivées à la fin du traitement, soit qu’il est trop lourd à supporter. 

C’est là que la gestion des effets secondaires devient “une question de survie”, analyse Charlotte Mahr, cofondatrice de l’application MyCharlotte. Touchée par un cancer du sein une première fois à 28 ans, et une deuxième fois à 35, elle a développé avec son mari Grégoire Nedelec une application afin d’accompagner les patientes pendant et après les traitements. 

Un algorithme prend en compte les restrictions de mobilité

“Lorsque vous arrivez sur l’application, on vous propose de renseigner votre profil avec tous les effets secondaires ressentis et leur intensité. C’est à partir de là qu’un programme va être défini grâce à un algorithme. Celui-ci prend aussi en compte pour les activités les éventuelles restrictions de mobilité liées à des chirurgies pendant le traitement”, explique-t-elle à Maddyness.

“L’un des grands enseignements de notre phase pilote, pendant laquelle 350 bêta-testeuses ont éprouvé l’application, était le guidage. La majorité des personnes n’ont jamais fait ce genre d’activité, elles ont besoin d’être guidées”, poursuit la cofondatrice. MyCharlotte propose chaque jour des sessions quotidiennes avec des activités physiques adaptées, ou du travail sur la gestion des émotions. Il existe une notion de progression, notamment dans l’intensité des activités proposées. 

Une autre entrée dans l’application est possible via l’effet secondaire. “Si on a des nausées importantes, on a une bibliothèque de ressources dans laquelle on va pouvoir trouver des explications sur le pourquoi de cet effet secondaires, ainsi que des exercices pratiques pour cibler cet effet-là. On a par exemple travaillé avec une anesthésiste hypnothérapeute, on a enregistré des exercices d’auto-hypnose”, illustre Charlotte Mahr. 

L’application aborde un vaste éventail d’effets secondaires, des plus récurrents à ceux “dont on parle très peu”. “Quand on n’a que 10-15 minutes face à son médecin, on n’a pas forcément l’occasion d’aborder certains effets, voire on ne sait pas à qui s’adresser. Parmi les effets secondaires amplement traités dans l’application : les troubles urinaires. La chimio, le stress, l’hormonothérapie ont des effets sur l’incontinence d’une patiente. 

Différents médecins expliquent alors comment ces traitements influent, et des exercices proposés par des kinés et ostéopathes”, explique la cofondatrice. Même approche pour les troubles liés à la sexualité causés par les médicaments. “Les effets des traitements sont beaucoup plus longs qu’on ne le pense, et on discute pour allonger la durée de l’hormonothérapie”, note-t-elle par ailleurs. 

Une application développée grâce à différents modèles de prise en charge des patientes 

“Face à la diversité des effets secondaires ou troubles associés, tardifs ou non, et face à la multiplicité des séquelles provoquées par les traitements, ponctuelles ou chroniques, il est désormais indispensable, dans les années qui suivent le traitement initial, de proposer aux personnes atteintes une individualisation des soins, et d’impliquer dans leur suivi des intervenants (soignants ou pas) non spécialisés”, confirme l’étude “La vie cinq ans après un diagnostic de cancer”

Lors du développement de l’application, Charlotte Mahr explique avoir travaillé avec “un panel très divers dans le corps médical” : des hôpitaux publics à Paris, à Marseille, aux structures comme l’Institut du Sein du Grand Toulouse, en passant par le Centre du Sein de Genève. Le tout pour avoir “des modèles assez différents de prise en charge de la patiente”. 

Pour le moment, MyCharlotte compte 400 utilisatrices. Elle se présente sous la forme d’une web app, accessible depuis un navigateur. Ses versions Playstore et Appstore seront disponibles dans le courant du mois de décembre. 

Une version gratuite au mois de décembre

Ce qui va s’accompagner d’un changement majeur : si son utilisation coûte pour le moment 10 euros par mois, le format de base testé pendant les 6 derniers mois va devenir gratuit. Des discussions sont en cours avec des cliniques, des mutuelles et la Sécurité Sociale pour la prise en charge de la version payante. 

“Si on pense que le fait de payer a un impact sur l’engagement de l’utilisatrice et qu’on a développé l’application sur nos propres moyens, on craint que beaucoup de femmes qui chercheraient de l’information et de l’accompagnement restent sur le bord de la route s’il y a un élément payant, donc on va modifier ça”, explique-t-elle. 

Les deux cofondateurs réfléchissent notamment à mettre en place un accompagnement humain, ainsi qu’à développer la partie “aidant” de l’application notamment “dans la réalisation des activités”. L’application devrait permettre à terme de se coordonner entre proches, de se proposer pour des sorties, accompagner la patiente à des rendez-vous, etc. “En tant qu’aidant, on ne sait pas tellement comment aider, et en tant que patient, on ne sait pas toujours quoi demander”, conclut Charlotte Mahr.