Très réputée pour la qualité de ses centres de recherche, la France a longtemps eu tendance à rester “dans une optique où la recherche n’avait pas à entrer dans une logique de développement de produit commercialisable” explique Alexis Génin, Directeur des Applications et de la Recherche de l’Institut du Cerveau. Les premiers incubateurs, encouragés par la loi Allègre de 1999, se sont concentrés sur la création d’un “socle de compétences techniques” pour le développement des entreprises, qui n’incluait pas de service pour répondre aux besoins expérimentaux des projets médicaux.

Devant ce constat, l’Institut du Cerveau décide, en 2012, de créer sa propre structure d’accompagnement, iPEPS, axée sur les maladies du système nerveux. Pour décloisonner au maximum les relations entre le monde de la recherche et celui de l’entreprise, l’accélérateur de 1000m2 est intégré “au cœur de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (13ème arrondissement de Paris), au plus près des chercheurs”. L’objectif est clair : offrir le savoir-faire des 700 chercheurs-cliniciens de l’Institut du Cerveau et ses outils techniques pour aider les startups à développer de nouvelles solutions médicales.

"iPEPS – The Healthtech Hub" est doté d’une double culture, à la fois médicale et économique. Pour répondre aux besoins des startups accélérées, l’accompagnement est assuré par des experts “business” aidant les entrepreneurs à identifier les opportunités et trouver des investisseurs, mais surtout par des mentors techniques chargés de soutenir le développement du produit (essais cliniques, tests, retours du terrain…). En plus de cette offre, l’iPEPS offre un accès privilégié “à toutes les plateformes de l’Institut du Cerveau, à ses équipes de recherches et sa communauté de patients” explique Alexis Génin. Le centre de recherche compte, en effet, plus de 10 plateformes technologiques dont un pôle de neuro-imagerie.

Des structures annexes pour faciliter les retours du terrain

En parallèle, iPEPS multiplie les projets pour connecter le terrain, c’est-à-dire, les professionnels de santé et les patients, avec les entrepreneurs. En 2013, un premier “laboratoire”, Brain e-Novation, est mis en place pour permettre à une entreprise et des chercheurs de “co-développer une nouvelle solution de soin qui pourrait s’introduire dans une spin off”. Cette collaboration avec une franchise de gaming donne naissance à des jeux vidéo capables d’améliorer la vie des patients. L’un d’entre eux réussit à “réduire les chutes de 50% chez les patients atteints de Parkinson” précise Alexis Génin. Cette méthode de co-création est récompensée par le concours mondial de l’innovation.

Deux ans plus tard, l’Institut du Cerveau  réitère l’expérience avec Bioserenity, une startup née au sein d’iPEPS un an plus tôt et présente aujourd'hui au Next40, qui fournit des solutions de diagnostic et de monitoring. Ensemble, ils créent une équipe de data scientists pour développer un programme “basé sur une intelligence artificielle pour analyser l’océan de données reçues”.

La même année, l’incubateur complète son dispositif avec un living lab. “C’est une structure qui inverse la logique de développement” explique Alexis Génin. La technologie et son design sont pensés en fonction du besoin du patient et non l’inverse, ce qui permet de créer des produits parfaitement adaptés aux usages. En facilitant les “allers-retours très rapides entre la réalité du terrain et le produit imaginé au départ”, l’accélérateur de l’Institut du Cerveau a vocation à faciliter le développement de produits opérationnels et raccourcir les temps de développement.

Station F, un effet d’accélérateur pour un nouveau campus

En 2017, l’Institut du Cerveau signe un partenariat avec l’accélérateur Station F qui “lui donne la charge d’animer son secteur santé”. En apportant son expertise, le centre de recherche fait sortir “les startups d’un milieu de développeurs et d’entrepreneurs pour les faire entrer dans l'hôpital”. En contrepartie, les projets accélérés bénéficient “des formidables ressources de l’écosystème de Station F, aussi bien en termes de réseau que de compétences techniques et partenariales.” Grâce à cette collaboration, l’Institut du Cerveau s’ouvre à d’autres secteurs médicaux que la neurologie. L’incubateur bénéfice également, depuis 2018, du French Tech Visa pour faciliter l’arrivée et l’embauche de cerveaux étrangers et, depuis 2019, du French Tech Seed qui permet aux startups d’obtenir des financements complémentaires.

Cette expérience de trois ans avec Station F, couplée à l’atteinte du maximum des capacités de l’iPEPS, poussent l’Institut du Cerveau à ouvrir un nouveau campus de 150 postes. Son installation à 200 mètres de Station F, de l’Institut et du centre Hospitalo-Universitaire de la Pitié-Salpêtrière permettra de concentrer les compétences, ce qui évitera aux entrepreneurs “de perdre du temps à aller chercher et qualifier des compétences externes”. En plus des services déjà proposés au sein de son incubateur, l’Institut du Cerveau a souhaité étoffer son offre en s’attaquant à un autre challenge: la difficulté des startups en santé à scaler vers la recherche clinique.

Un nouveau campus pour scaler

Les startups en santé font face à une difficulté majeure. “sur le territoire, 75% d’entre elles restent coincées dans le pré-clinique, les phases précoces de leur développement” regrette Alexis Génin. Leur croissance est freinée par la difficulté à faire une preuve d’efficacité sur des êtres humains. Pour aider les startups à accélérer sur ce point de tension, l’accélérateur facilitera le cheminement des startups vers les essais cliniques. Des équipes, composées d’anciens industriels, de neurologues et de rédacteurs médicaux les aideront à obtenir “les données nécessaires pour avancer plus vite sur l’aspect réglementaire et réaliser ces essais.”

Ce nouveau campus, dont l’acquisition a été soutenue par des aides de la Ville de Paris et de la Région Ile-de-France, ouvrira ses portes en septembre prochain. Il ne s’adresse pas uniquement aux jeunes pousses mais à toutes les entreprises développant un produit innovant et qui auraient besoin d’un écosystème scientifique et médical. Comme dans de nombreuses structures de ce type, une compensation financière sera demandée, soit en cash, soit pour les startups qui le souhaitent, une “conversion de dette d’utilisation en BSA (bons de souscription d’action) ou en equity”.

En moins de 10 ans, l’iPEPS a permis de mettre en avant et d’accélérer des solutions médicales de haute qualité. Sur cette période, l’iPEPS a accompagné 50 entreprises, permis de créer 600 emplois et la mise sur le marché de 10 nouveaux produits. Affaire à suivre.

Maddyness, partenaire média de l’Institut du Cerveau et de son incubateur iPEPS – The Healthtech Hub