Tribunes par Samuel Durand, Mathieu Libessart
27 mars 2020
27 mars 2020
Temps de lecture : 6 minutes
6 min
4011

Freelances, comment continuer à facturer pendant la crise ?

La crise sanitaire que nous traversons s’est d'ores et déjà accompagnée d’une crise économique qui touche la plupart des secteurs. Avec de nombreux projets gelés, les freelances comme le reste des travailleurs subissent de plein fouet le ralentissement économique, mais étant moins protégés, ils sont plus exposés.
Temps de lecture : 6 minutes
Partager
Ne passez pas à côté de l'économie de demain, recevez tous les jours à 7H30 la newsletter de Maddyness.

Cette période dans laquelle nous entrons est dominée par l’incertitude. Incertitude quant à la capacité de paiement des clients, l’avancement des projets et la reprise de l’activité. Sans atteindre ce niveau d’inconnu en temps normal, les freelances sont pourtant habitués au quotidien à évoluer dans un environnement incertain.

En fonction des métiers et des secteurs, certains seront plus impactés et il va être très difficile de maintenir des revenus décents pendant les prochaines semaines. Une fois les premiers jours de stupeur passés, nous nous sommes adaptés au confinement. Entre les missions à terminer, l’entraide et la préparation de la reprise à venir, les journées sont parfois bien occupées. Mais si la crise venait à durer plus que nous ne pouvons l’imaginer, la question des revenus se fera de plus en plus pressante.

Aujourd’hui, nous nous interrogeons sur la capacité des freelances à moduler leurs offres pour continuer à facturer en temps de crise. Et nous avons quelques pistes !

Le moins précaire n’est pas celui auquel on pense

Certes, lors des périodes de crise les freelances ont une protection sociale moindre par rapport aux salariés, mais ils vont obtenir le versement d’une aide de 1500 euros. Bien souvent ils n’ont pas non plus autant de charges qui courent qu’un commerçant, un artisan ou une jeune entreprise.

Si la crise venait à durer les freelances auront certainement une meilleure capacité de rebond que d’autres profils de travailleurs. En effet, leurs revenus ne dépendent pas d’une seule et même entreprise, ils jonglent souvent avec plusieurs clients en même temps et comptent de nombreuses collaborations à leurs actifs. Si les relations avec les anciens clients ont été soignées, c’est le moment de se demander lesquels seraient en mesure de faire à nouveau appel à leurs services et seront les moins impactés par la crise pour les recontacter !

Face à la situation actuelle, toutes les entreprises ne sont pas touchées de la même manière. Certaines, par la nature de leurs activités sont peu impactées ou décident de mettre les bouchées doubles. Globalement cela concerne les médias, les réseaux sociaux et autres divertissements en ligne, les restaurants qui restent ouverts pour la vente en livraison, les industries de première nécessité, les télécoms et plus généralement les entreprises qui travaillent sur des projets de long terme.

Adapter le format des offres habituelles

Les offres que nous proposons habituellement ne sont peut-être pas adaptées à la situation actuelle ce qui pousse les clients à geler les missions, nous pouvons tenter de les moduler durant la période de crise. L’idée est de construire des offres qui sont moins engageantes dans la durée. En temps normal nous essayons de penser long terme, peut-être est-ce une période propice pour revoir temporairement son horizon à court-terme.

Concrètement en tant que développeur plutôt que de se lancer dans le développement de nouveaux projets vous pouvez proposer de vendre quelques heures de soutien sur de la maintenance pour assurer le service minimum durant la période creuse.

En tant que community manager, plutôt que de vendre des stratégies digitales et l’animation des réseaux sociaux sur plusieurs mois vous pouvez vendre une prestation de gestion de crise en urgence. La forte augmentation du temps individuel de présence en ligne durant le confinement oblige les entreprises à être beaucoup plus présentes pour modérer les interactions et engager l’audience, cela nécessite une réactivité exceptionnelle que vous pouvez facturer !

Pour ma part, l’ensemble de mes prises de paroles sur les prochaines semaines ont été annulées ou reportées. Après les premiers jours de dépit où j’anticipais une importante baisse de revenus, j’ai commencé à moduler mes prestations habituelles. Résultat : je démarre un cycle de conférences en ligne dont le tarif a lui aussi été adapté à la situation.

Adapter ses tarifs

Même si ce n’est jamais très agréable de baisser ses tarifs, dans une situation de crise, et avec une activité en berne, c'est peut-être le moyen le plus sûr de se maintenir à flot.

En diminuant temporairement le prix de ses prestations habituelles, démarrer une mission devient alors une opportunité pour un client qui sait qu’il n’aurait pas accès à un tel tarif en situation normale. Cela peut l’inciter à lancer une nouvelle mission qu’il n’aurait pas envisagée auparavant.

Ce n’est pas une solution adaptée à toutes les situations, cela suppose d’avoir un TJM avec suffisamment de marge en temps normal et de bien cadrer la prestation pour que cette offre soit temporaire. C’est une décision à accompagner d’une modulation de ses offres pour que la proposition soit plus efficace et ne soit pas considérée comme des “soldes”, ce qui décrédibiliserait la proposition de valeur en règle générale.

Dans le cadre d’une collaboration déjà engagée, certains clients de Sthree ont demandé aux freelances de diminuer un peu leur Taux Journalier Moyen (TJM) pour une durée de trois mois, une proposition qui a été très largement acceptée.

Des pros de la gestion de crise

Sans connaître de tels niveaux d’incertitude, les freelances sont toutefois mieux préparés à affronter les temps troublés actuels. Ils pratiquent pour la plupart le télétravail depuis des années, n’ont que très peu de visibilité sur l’avenir, prennent part à des projets dans lesquels ils ne maîtrisent pas tous les tenants et aboutissants et sont sans cesse incités à étoffer leurs compétences pour s’adapter à des situations nouvelles.

Au sein de leur expertise, ils peuvent certainement aider une entreprise à prendre du recul et s’organiser en temps de crise, des prestations qui peuvent être facturées.

Autour de nous des freelances se sont par exemple mis à vendre des prestations pour :

  • Accompagner des entreprises dans l’organisation du travail en implémentant les outils collaboratifs à distance et en faisant le point sur le management et la culture d’entreprise afin de maintenir la cohésion. C’est typiquement dans la situation actuelle que la culture d’entreprise se révèle être le liant permettant de gérer la transition et éviter le chaos.
  • Accompagner les entreprises dans l’organisation de la sécurité en protégeant les données. En mettant en place le télétravail dans l’urgence, c’est souvent un aspect qui est oublié et qui rend l’entreprise vulnérable.

Si la période est difficile pour tous, des pistes sont à explorer pour adapter son activité à la situation. Si l'un des principaux avantages du statut de freelance est de pouvoir adapter son activité à sa vie, pourquoi ne pourrions-nous pas adapter notre activité à cet environnement nouveau dans lequel nous entrons ?

Samuel Durand est auteur et consultant sur la transformation du travail. Il rédige chaque semaine la newsletter le Billet du futur. Mathieu Libessart est directeur chez Sthree