Face à la situation exceptionnelle dans laquelle nous place la crise du Covid19, les DRH de startups sont, comme partout, en première ligne. Ce que nous constatons néanmoins, c’est que cette crise va encore plus particulièrement renforcer le rôle de DRH dans les startups, et nous amener rapidement à un champ de responsabilités au-delà du recrutement qui était jusque-là LA priorité stratégique RH.

Car en réalité, la fonction RH classique n’est pas encore présente dans toutes les startups. Nous distinguons 3 cas de figure :

  • Les startups qui ont recruté des RH “juniors” (entre 3 et 5 ans d’expérience environ) qui sont soit des recruteurs, ou bien des office managers devant monter en compétences avec la croissance de la structure,
  • Des startups qui ont d’ores et déjà positionné une fonction RH plus stratégique et ont su recruter des profils plus seniors (qui bien souvent ne font pas de recrutement),
  • Des startups qui n’ont pas structuré la fonction RH qui dépend encore, dans sa partie administrative, du CFO ou du COO.

Très souvent, la fonction de “DRH” représente dans l’esprit des fondateurs “l’ancien monde” dont ils veulent se différencier, notamment sur la dimension relations sociales (nous avons d’ailleurs d’autres intitulés de fonction: “Head of Talent”, “VP People”, “Chief People officer”...).

Alors qu’est ce qui va changer avec cette crise du Covid-19 ?

Dans un monde de guerre des talents et de plein emploi, sans impulsion des fondateurs, on pouvait effectivement peut-être réduire la fonction RH au recrutement et à la fidélisation des collaborateurs, et se contenter du respect de ses obligations légales, pendant que les fondateurs portaient la culture de leur entreprise et le management des équipes. La crise a mis en avant la nécessité d’avoir un chef d’orchestre sur le sujet du travail et de son organisation, au sens large.

Dès février, nous avons commencé à définir des plans de continuité d’activité; puis à partir du moment où l’heure du confinement a sonné, nous avons mis en place le télétravail massivement et dans l’urgence. Les questions économiques se sont ensuite vite posées et ont demandé des réponses rapides; nous avons suivi les évolutions réglementaires sur le droit du travail tout en rassurant, en communiquant, en prévenant les risques psycho-sociaux et en organisant des rendez-vous d’équipe réguliers à distance. Julia Levy (DRH de Epsor) raconte ainsi qu’elle est “passée d’un rôle 100% recrutement à un mix entre juriste et responsable de la com’ interne, ça n’a plus rien à voir!” .

La plus grosse difficulté a été pour nous tous l’incertitude d’un point de vue juridique dans un contexte où les évolutions réglementaires étaient quotidiennes (notamment en mars), avec en plus un décalage entre les promesses des politiques dans les médias d’une part, et la réalité dans les textes d’autre part (puisque les décrets ont mis un certain temps avant d’être officiellement publiés). Concernant les demandes d’activité partielle, nous avons dû aussi être confrontés à des difficultés administratives, à des démarches fastidieuses mais aussi à des incertitudes du côté des Direccte.

Or, pour certaines startups, la prise de décision rapide et la mise en place de solutions pour gérer économiquement la crise est une question de survie car face aux problème de cash, le temps est compté. C’était déjà vrai avant, mais ce qui change avec cette crise, c’est la vitesse à laquelle il faut être prêts à l’action tout en sachant en mesurer l’importance des conséquences. Le rôle du DRH est à cet égard devenu central car l’impact des décisions prises a été tant humain qu'économique avec cette gestion de cash qui était auparavant la prérogative des fondateur·rice·s et du ou de la CFO.

Dans ce contexte, nous nous sommes serrés les coudes, car les DRH de startups sont souvent seuls! Nous faisons partie d’une communauté RH et nous échangeons sur Slack tous les jours, nous donnons des retours d’expérience sur les pratiques de l’écosystème, sur l’état au jour le jour des évolutions réglementaires, sur les démarches administratives, ou sur l’adaptation des outils de paie, c’est précieux de ne plus être seuls, de s’entraider entre pairs, de partager les informations que nous avons à notre disposition. Nous avons même organisé des sessions d’échange sur zoom avec nos super coachs de Punchie pour travailler ensemble sur la communication de crise et sur notre gestion émotionnelle !

Il y aura un avant et après la crise. Nous anticipons déjà la suite et réfléchissons au déconfinement. Le développement du télétravail va très probablement s’accélérer. Les startups vont aussi prendre conscience de l’importante responsabilité de l’employeur d’assurer la sécurité physique et psychologique de ses collaborateurs. La fin du confinement mettra à jour un nouveau rapport au travail qui rendra le rôle des DRH toujours plus essentiel dans les startups… aux côtés des fondateurs et fondatrices.

Judith Tripard, DRH Founders Factory ; avec la contribution active et les témoignages précieux de : Calixte Bonnet Saint Georges, DRH Brigad ; Julia Levy, DRH Epsor ; Cristina Zamfir, DRH Castalie ; Marie-Agnès Deharveng, Head of Talent Early Metrics ; Cécile Plessis, Head of Talent Bpifrance